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Jouyet le fusible qui aurait dû sauter

141115-jouyetAu moment où ces lignes sont écrites, ce 15 novembre, la république française et son improbable président sont sans doute confrontés à des problèmes plus graves, en apparence, que le compte rendu d'un déjeuner chez Ledoyen. Cette élégante et coûteuse cantine, très commode pour les gens de l'Élysée qui ne doivent marcher, ou emprunter, un scooter que sur 100 mètres aura abrité ce qu'on appelle un dîner de sots. On doit le rappeler aujourd'hui, car une semaine après une tempête dans une coupe de champagne les bulles semblent retombées.

 

Rappelons, sinon les faits, car tout cela se déroule dans un champ virtuel, du moins les annonces successives.

Le 24 juin 3 convives, MM. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de la présidence de la république, François Fillon et Antoine Gosset-Grainville se retrouvent pour déjeuner dans le pavillon du bas des Champs-Élysées. Personne ne sait encore qui a payé l'addition, sans doute plus significative que les propos vraiment tenus. (1)⇓

Le 6 novembre, soit quelque 130 jours plus tard, commencement de cette "affaire". L'hebdomadaire "L'Obs" publie des extraits d'un livre intitulé "Sarko s'est tuer". Écrit par deux journalistes du "Monde", il interprète de façon fort tendancieuse des paroles qui n'ont sans doute jamais été prononcées. Un peu plus tard ils révéleront que leur entretien avec Jouyet avait été enregistré et donc que les propos qui n'ont pas nécessairement été le 24 juin par Fillon l'ont été par son commensal.

Ce volume de 356 pages a dû faire l'objet d'un service de presse aussi massif qu'inutile. Moins de 10 jours après sa publication 47 exemplaires "d'occasion comme neuf" étaient proposés sur le site Price Minister et 54 sur Amazon, à prix bradés, probablement revendus pour la plupart par des journalistes qui ne l'ont même pas ouvert.

Le 7 novembre, l'homme de l’Élysée nie en bloc : pas d'évocation le 24 juin de l’affaire Bygmalion et d'une éventuelle implication de Nicolas Sarkozy, pas de demande à l’exécutif, de la part de l'opposant Fillon, d’intervenir pour faire tomber l’ancien président de la République etc.

Le 8 novembre les deux auteurs du livre, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, cosignent dans "le grand journal du soir", auquel ils collaborent, tout en ayant paraît-il leurs entrées au Château, un article tout à fait péremptoire. Destiné à corriger la fâcheuse impression des atermoiements de Jouyet, il est titré, sur le mode indicatif, : "Fillon asollicité l'Élysée pour accélérer les poursuites judiciaires contre Sarkozy" (2)⇓

Le 9 novembre au contraire de ses déclarations précédentes le même Jouyet affirme sa thèse, allant cette fois dans le sens du livre. Selon nous mensongère et essentiellement diffamatoire (3)⇓ sa version devient : "François Fillon m’a fait part de sa grave préoccupation concernant l’affaire Bygmalion. Il s’en est déclaré profondément choqué (…)Il a également soulevé la question de la régularité du paiement des pénalités payées par l’UMP pour le dépassement des dépenses autorisées dans le cadre de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy."

Ce même 9 novembre, Bruno Lemaire intervient au "Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro." Il rappelle un point essentiel de l'affaire : "Il paraît que Jean-Pierre Jouyet est le meilleur ami de François Hollande : qui se ressemble s’assemble. Ils ont en commun un goût immodéré pour le mensonge." Et, lui-même candidat à la présidence de l’UMP il en tire la première conclusion logique : "Il y a une certitude, c’est que le secrétaire général de l’Élysée a menti aux Français et il n’a pas d’autre choix que de remettre sa démission."

Le 11 novembre au soir on apprend aussi par un entretien d'Antoine Gosset-Grainville publié par le Figaro daté du lendemain, que l'initiative de cette rencontre et de son hypothétique "négociation" revient à Jouyet.

Le 12 novembre, le chef du gouvernement ne peut pas faire autrement que de monter au créneau pour soutenir Jean-Pierre Jouyet.

À partir de cette date la vraisemblance devient évidence. Le cabinet noir élyséen a monté, de A jusqu'à Z une manœuvre florentine dont Hollande a le secret, c'est même son seul et vrai métier : frapper les deux têtes de la droite qui le dérangent le plus : Sarkozy et Fillon. Le vieux chiraquien Juppé jusqu'ici est ménagé, voire protégé, pour plusieurs raisons.

À noter que, depuis lors, Le Monde en ligne est revenu, en fait, sur ses affirmations péremptoires. Mais, petite carence de la mise en page internet, le site du journal maintient le lien avec son article du 8 novembre : Fillon "a" et non "aurait". Le mal est fait. Ce 15 novembre, alors que l'affaire est passée par la case, toujours accidentée, d'un traitement judiciaire, on nous assure par sondage que "plus de la moitié des Français 56 % considèrent que l'avenir politique de François Fillon est compromis"(4)⇓

Une chose est certaine. Jouyet, ridicule lui-même, ridiculise un peu plus son maître. Ce personnage a été recruté sur une erreur de distribution des rôles. Un insubmersible raille Mélenchon qui voit en lui la face "bourgeoise" du gouvernement actuel. À tant vouloir manipuler encore les diverses tendances de la gauche et du parti socialiste, Hollande est allé chercher un copain de régiment parfaitement inapte à cette fonction

Les jours passent. On se retrouve devant un scandale gelé par une procédure judiciaire. La popularité de Hollande n'augmente certes pas. Et le mécontentement des Français ne recule pas non plus.

Hollande se trompe s'il croit possible de maintenir en place cet homme de l'ombre, manifestement trop vaniteux, qui vient de s'exposer au grand soleil. Si ce fusible ne saute pas, le court circuit menace.

JG Malliarakis

Apostille

  1.  cf. Causeur le 12 novembre.
  2.  cf. Le Monde.fr | 08.11.2014 à 11 h 04 • Mis à jour le 09.11.2014 à 00 h 10Encore en ligne sous ce titre au moment où nous écrivons cette chronique.
  3.  Ayant mentionné un peu plus haut une thèse "diffamatoire", évoquons le concept ou plutôt ce type délit, trop souvent manipulé par les gros moyens de désinformation. Il est visé, dans le droit pénal français par les articles R621-1 à R622-2 du code pénal et par l'article 29 loi du 29 juillet 1881. L'application (loi, réglementation et jurisprudence) s'en révèle, à l'usage, extrêmement complexe. La diffamation n'est pas nécessairement la calomnie ; elle attente à la réputation ("fama" en latin) du diffamé. Mais en gros la question pour le diffamateur consiste à savoir s'il est en droit ou en capacité de "rapporter la preuve", ceci à l'appréciation de ce qu'on appelle la "justice" — c'est-à-dire, le plus souvent, à Paris, des magistrats de la XVIIe chambre correctionnelle. En très gros un homme de droite qui se respecte ne devrait pas plus faire confiance, dans ce genre d'affaires, aux tribunaux de la république qu'à la bonne foi du cabinet noir de l'Élysée. "Selon que vous serez puissant ou misérable" cela peut coûter très cher aux uns et rapporter gros à d'autres, professionnels de la chicane. Le plus lourd pour le condamné pourra résulter des obligations de payer des annonces au tarif de la publicité dans les journaux, voire sur les radios. 
  4.  Soulignons quand même la volatilité de ce genre d'appréciation. Et, d'autre part, si M. Fillon pouvait compter sur les 44 % restants il dépasserait tous ses concurrents…

http://www.insolent.fr/

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