Sur le site des Echos le 10 décembre, le journaliste répondant au pseudo de Favilla se livrait à quelques commentaires sur le congrès FN de Lyon. Si ses éditoriaux n’ont jamais brillé par la profondeur ou l’intelligence de leurs analyses, il recyclait ici un vieux papier de L’Humanité en affirmant que la « première composante historique du FN » se trouve dans l’antirépublicanisme» et «est également teintée d’antisémitisme ». Pour faire bonne mesure, il indiquait aussi que la « vieille garde » du FN « constituée autour de (Jean-Marie Le Pen) et de Bruno Gollnisch, s’efface et est remplacée par des jeunes qui n’ont plus le look rasé des anciens de l’Algérie française » (sic). Certes, c’est ce même Favilla qui en novembre 2010, en plein roman noir, s’amusait à (se) faire peur en décrivant, tel un sous Didier Daeninckx, un Bruno Gollnisch «entouré de burgraves intégristes, antisémites, négationnistes, anciens d’Indochine, d’Algérie ou nostalgiques de Pétain », et qui «serait prêt à quelque indulgence pour les Arabes, comme jadis le grand mufti de Jérusalem, Husseini, en avait pour les nazis ». Ou qui évoquait en janvier 2011, après la victoire de Marine aux congrès de Tours, un « FN » en marche « vers un national-socialisme».
A sa décharge, Favilla à quelques lecteurs « à droite » qui le prennent au sérieux ou partagent sa vision du monde , si l’on en juge par les propos tenus par Nicolas Sarkozy ce samedi 13 décembre lors d’une réunion des cadres UMP. « Nous n’avons pas les mêmes valeurs que le FN», « je n’accepterai jamais aucun accord avec le FN, ni local, ni régional, ni national» a tonné le président de l’UMP, car «la Shoah n’est pas un détail et la torture n’est jamais justifiable. On ne combat pas le terrorisme avec les méthodes des terroristes ».
La débilité (dans toute l’acception du terme) de cette « argumentation » sarkozyste ne mérite guère de commentaires particuliers. Elle ne trompe plus guère les électeurs qui, dans la troisième circonscription de l‘Aube, fief de l’UMP, ont certes élu hier l’homme lige de François Baroin, Gérard Menuel, mais ont aussi voté plus nombreux qu’au premier tour pour notre camarade Bruno Subtil. Au terme d’une belle campagne de terrain, il a gagné près de neuf points entre les deux tours totalisant ce dimanche 36,15% des suffrages. La forte abstention (72,85% , 75,37% au premier tour) ne pouvait guère nous permettre d’espérer mieux.
Capitalisant sur l’opportunisme et l’absence de convictions réelles, l’UMP s’est félicitée ces dernières heures du «retour au bercail» de Fatima Allaoui, qui avait rejoint le SIEL de notre ami Karim Ouchikh. La jeune femme vivant à Béziers avait quitté l’UMP il y a quelques mois pour protester contre le refus de son parti de l’investir aux futures élections départementales dans un canton gagnable. Elle vient d’être nommée avec l’aval de Sarkozy et surtout le soutien de Nathalie Kosciusko-Morizet, nouvelle secrétaire nationale de l’UMP à la formation professionnelle. Elle a finalement expliqué qu’elle avait rallié l’opposition nationale «par désespoir de cause et pour augmenter (ses) chances d’être élue».
Faut-il voir dans cette nomination une réponse de NKM au ralliement au Rassemblement Bleu Marine (RBM) de Sébastien Chenu, qui milita à ses côtés lors des dernières élections municipales à Paris ? Une arrivée qui n’est pas passée inaperçue !
M. Chenu, 41 ans, ex adhérent de Démocratie libérale, très opposé en 1998, lors des cantonales et des régionales en Picardie, à l’accord passé dans l’Oise entre Jean-François Mancel (RPR) et le FN, ex-chef de cabinet de Christine Lagarde (2005-2007), fondateur du mouvement communautariste Gaylib, le mouvement Lesbien Gay Bisexuel et Transexuel (LGBT) de l’UMP (qu’il a quitté en 2012), organisateur de l’Europride à Marseille en 2013, ex adjoint au maire de Beauvais (Oise) qu’il quitta pour faire campagne avec NKM, ex-secrétaire national de l’UMP, cofondateur de Nouvelle Donne, un microparti associé à l’UMP défendant une ligne très libérale, ex soutien de Bruno Le Maire pour la présidence de l’UMP, était encore il y a peu un adversaire résolu du FN. Lors de la campagne présidentielle de 2012 il définissait ainsi dans Paris-Match les relations UMP-FN: « Pas d’alliance, ni de près, ni de loin, ni de discours, ni d’approche. On est capables de se définir autrement ».
Aujourd’hui, Sébastien Chenu qui sera nommé en janvier à la tête d’un futur Collectif culture , aux côtés du secrétaire général du RBM, le député Gilbert Collard, affirme qu’il « partage l’ensemble des propositions de Marine Le Pen, sauf sur le mariage pour tous ». « Ce sera ma petite originalité précise-t-il, il faut bien que j’ai une », soulignant que Marine tient un discours en phase avec les premières positions de GayLib sur le « Pacs amélioré ».
M. Chenu, qui dit de pas être « choqué » par le principe de la préférence nationale et devrait être candidat aux régionales dans la grande région fusionnée Nord-Pas-de-Calais-Picardie, a également confié aux médias que son ralliement s’explique par son « refus de continuer à alimenter l’ambiguïté ». «L’Europe qu’on nous a vendu et qui consiste à nous faire rentrer à coup de triques dans un système en échec, ce n’est plus possible. Les ambiguïtés de Sarkozy qui tape sur Schengen mais qui rampe à Bruxelles quand il est au pouvoir non plus ». « Quand j’étais au cabinet de Christine Lagarde au Commerce extérieur, j’ai bien vu que l’euro pesait sur nos exportations. Il faut retrouver notre souveraineté monétaire ».
« L’UMP est devenu le parti de tous les conservatismes qui ne parle plus de la France», « je ne rejoins pas le Front National qui n’est pas mon histoire mais Marine Le Pen qui est aujourd’hui la seule à proposer une offre politique alternative aux Français ». Interrogé sur sa capacité d’adaptation il rétorque : « J’ai au moins autant d’atome crochu avec Bruno Gollnisch qu’avec Edouard Balladur (sic). Vous savez, j’ai supporté pendant des années Christine Boutin et Christian Vanneste à l’UMP. Moi, je ne viens que pour Marine ».
« Son ralliement est la preuve de l’ouverture du RBM et que de plus en plus d’anciens adhérents UMP nous rejoignent », a expliqué Gilbert Collard, tandis que Florian Philippot et Steeve Briois ont également salué cette arrivée de Sébastien Chenu.
GayLib a officiellement exprimé «sa profonde consternation » de voir l’un de ses fondateurs rejoindre le RBM dénonçant un « opportunisme à visée électorale » et une « pure politique de casting destinée à donner le sentiment que le Front National a changé ».
Autre son de cloche, celui de Didier Lestrade, fondateur du groupuscule extrémiste Act up, figure du lobby homosexualiste qui sur slate.fr, le site de MM. Colombani et Attali, estime comme il l’a développé dans un ouvrage récent que la « communauté gay » suit une évolution à la néerlandaise qui traduit un bouleversement sociologique plus profond.« Le FN écrit-il, capitalise sur les griefs de la communauté LGBT envers les partis de droite et de gauche. Il encourage un mouvement continu depuis plusieurs années de droitisation du milieu LGBT sur fond de crise économique et de racisme anti-noirs ou anti-arabes ».
« Ce qui est intéressant en France affirme encore M. Lestrade, c’est que ce glissement de droite à l’extrême droite commence précisément par des gays comme Sébastien Chenu. Les gays sont toujours des trend setters –en jargon marketing du Marais, les trend setters sont des personnes qui par leur personnalité, leur position sociale ou professionnelle peuvent avoir une influence sur l’adoption de nouvelles technologies, l’évolution de la mode, et qui sont donc « surveillés » pour détecter de nouvelles tendances, NDLR- –surtout quand il s’agit de trouver un job au Rassemblement Bleu Marine. Leur point commun? Ils sont blancs ».
Cette lecture racialo-ethnico-communautariste très peu républicaine est battue en brèche par la journaliste Béatrice Bouchard qui sur le site de L’opinion, le 12 décembre, affirmait a contrario que selon «un membre de la direction du Front National » qu’elle cite sans le nommer , on aurait assisté avec la nomination de M. Chenu à « une victoire par KO du marinisme et de la ligne républicaine sur les obscurantismes et les rétrogrades ». Est-ce vraiment un frontiste qui utilise ce vocabulaire digne d’un humaniste de la LDH ou du PS pour parler d’autres frontistes ? Il nous est permis d’en douter !
Il faut le dire, des personnalités du FN comme Marion Maréchal-Le Pen ou Aymeric Chauprade, Karim Ouchikh pour le SIEL, ont été en effet plus réservés et ont fait part de leur « étonnement » lors du Bureau Politique qui s’est tenu vendredi. Bruno Gollnisch ne s’est pas répandu dans la presse réservant à Marine et au Bureau Politique ses réflexions. Tout juste a-t-il relevé que M. Chenu incarne a priori «tout ce que nous avons combattu. Il se déclarait européiste, militait contre le rapprochement de la droite avec le FN… Il incarne tout ce que nous avons combattu depuis des années. Je sais bien que saint Paul est subitement devenu un apôtre du christianisme sur le chemin de Damas… mais de là à lui confier un secteur (la culture, NDLR) aussi essentiel ! ». Une rencontre entre les deux hommes serait prévue prochainement.
Lors de la conférence de presse qui s’est tenue vendredi, Marine Le Pen a souligné qu’il y avait eu « un certain nombre d’interrogations » sur le cas Chenu au Bureau Politique, et des « inquiétudes» relatives à son passé avec Gay Lib. Pour autant, « s’il rejoint le RBM, c’est qu’il admet cette partie du projet que je porte » a précisé la présidente du FN.