On remerciera Jean-Claude Rolinat de nous avoir rédigé une tribune libre nuancée. Le Front National, entreprise humaine, n'a jamais atteint la perfection. Et il ne faudrait pas que les plus jeunes idéalisent l'histoire passée de ce mouvement. Je me suis déjà exprimé ici et ailleurs sur le fait que le Front ne mérita son nom, front en tant que coalition, qu'avant la prise de pouvoir de Jean-Marie le Pen. Voilà qui nous ramène donc aux années 70, principalement jusqu'à l'assassinat de François Duprat. Ensuite, le Front n'a plus été qu'un mouvement au service de Jean-Marie le Pen.
A mes yeux, l'un des travers de la mouvance, c'est surtout de se positionner contre (les arabes, l'islam) plutôt que de s'auto-affirmer par l'intermédiaire de ses valeurs propres. Evidemment, il est beaucoup plus simple de faire front face à un ennemi perçu unanimement comme mortel, plutôt que de se rassembler sur des valeurs communes. On sait, par exemple, l'opposition entre païens et catholiques. Et il sera bien difficile de concilier ces deux spiritualités qui se perçoivent comme antinomiques.
Je crois que l'on échappera pas à un très lourd travail en matière de métapolitique. Quand bien même observe t-on désormais des rebellions au sein du Système, que celui ci est des plus dominants. Pas un hasard si le Front National d'aujourd'hui, contrairement à celui des années 80, recrute majoritairement au sein des couches défavorisées : en clair, selon que l'on soit pauvre ou friqué, on vote ou non pour le Front. Je ne veux pas trop m'avancer mais c'est pourtant là un corollaire évident, si les pauvres avaient de l'argent, pour la majorité d'entre eux, ils cesseraient de voter pour la mouvance. Les pauvres, de plus en plus nombreux, sont ceux qui d'un point de vue matériel, ne bénéficient pas du Système et de la mondialisation, ce contrairement aux autres plus fortunés. En ce sens, le vote Front National, même s'il est de plus en plus fait d'adhésion, est s'affirme bien plus comme souhait de participer au Système en y trouvant une position gratifiante, qu'en terme de rébellion.
Outre que le Système procure aux hommes consommation et liberté de parole, il fait de chacun l'alpha et omega du quotidien. Les hommes sont ainsi faits qu'ils aiment exprimer leur point de vue (Le Moi) mais aussi posséder afin de se distinguer (toujours le Moi) aux dépens des autres. En tant que tel, ce qui constitue à mes yeux la nécessaire Révolution, n'est pas la lutte pratiquée à l'endroit des causes exogènes, que d'un bouleversement intérieur d'essence spirituelle. Le problème majeur des Européens n'est pas tant les ennuis qui leur viennent d'autres contrées mais bien leur intériorité. Exemple, on reconnaît aujourd'hui que la télévision fonctionne à l'audimat, c'est à dire au suffrage universel. Elle est donc, dans ses programmes, tout à fait démocratique et il n'y a pas d'islamistes pour contraindre chez eux Dupont ou Durant à faire le choix de la médiocrité télévisuelle. Autrement exprimé, si le Système est si puissant, c'est parce que le peuple le veut. Tant que l'esprit de jouissance n'aura pas été remplacé par l'esprit de sacrifice, nous n'avancerons pas. Tant que l'individuel primera sur le collectif, l'échec sera assuré.
Le Front National tel qu'il est aujourd'hui, est une redoutable machine électorale qui ne cesse de monter en puissance. C'est à mes yeux très bonne chose même si j'estime que les problèmes majeurs auxquels il a été fait mention plus haut, ne sont pas abordés. Il est en effet plus facile de déclarer aux Français qu'ils sont les victimes du Système et de flatter ainsi leur ego, plutôt que de les confronter à leur Etre. Tant mieux donc pour la montée en puissance du Front même si militant de la mouvance depuis 35 ans, je n'y ai jamais pris ma carte, malgré tout le prosélytisme qui fut depuis fort longtemps le mien. Créer une nouvelle structure telle que l'a proposée Pierre Vial, pourquoi pas. Même s'il ne faudra pas s'attendre à des succès électoraux. Le Non aujourd'hui, est symbolisé par le Front, qu'on l'aime ou pas. Et nouvelle structure ne signifie pas électorat massif. Celui-ci est au Front, méconnaissant le plus souvent nos existences et valeurs. Encore une fois, argent mis à part, l'électorat frontiste n'est pas différent des autres segments de la sociologie française. J'imagine très bien et c'est flagrant via la lecture de bien des messages sur internet que la pensée conceptuelle n'est pas son fait. Jamais Système n'aura été aussi puissant (l'union soviétique n'a su faire l'unanimité que contre elle), probablement parce qu'il offre à la majorité des hommes, très exactement ce qu'ils espèrent spontanément.
Si une coalition devait naître, elle devrait alors commencer par une rencontre amicale entre catholiques et païens de la mouvance. Ce serait en cela que nous nous affirmerions comme radicalement différents des autres : les systémeux ….
Philippe Delbauvre