Le "testament politique" de Louis XVI vient d'être retrouvé aux États-Unis. Ce manuscrit de seize pages, qui passait pour perdu, a fortement contribué à la condamnation du roi, qui exposait ses critiques contre la Révolution et les motifs de son départ de Paris.
Dans le courant de l'hiver 1790-1791, conscient de son abaissement politique, mis dans l'impossibilité d'influer sur le cours des événements, de s'opposer aux mesures qui, telle la constitution civile du clergé, le scandalisent, Louis XVI envisage de s'évader. Un projet de fuite s'élabore concrétisé au soir du 20 juin 1791 lorsque la famille royale quitte les Tuileries et part vers l'est.
Franchise
Cependant, avant de quitter Paris, le roi souhaite justifier son choix, exposer son opinion sur la Révolution. Il entend que ce texte soit rendu public aussitôt. Évidemment, dans son esprit, cette publication doit concorder avec la réussite de son projet d'évasion. Il s'agit de condamner l'oeuvre révolutionnaire dans ses excès, et de rassurer une population parisienne encline à redouter d'éventuelles représailles, avant le retour du monarque rétabli dans la plénitude de ses prérogatives, à la tête de troupes fidèles. Trop assuré du succès de ses plans, Louis XVI, au fil des seize feuillets in quarto rédigés en secret, se montre d'une grande franchise : non, il n'accepte pas l'abaissement de son pouvoir, les atteintes « à la dignité de la couronne de France », « le despotisme » des comités de la Constituante, « plus barbare et insupportable qu'aucun de ceux dont l'Histoire ait jamais fait mention », les restrictions à son droit de veto, la suppression de son droit de grâce... C'est pour cela qu'il s'en va. En raison, aussi, des outrages constants infligés aux siens, dont son frère, le comte de Provence, qui est, à la dernière minute, appelé à témoigner par une lettre jointe, destinée dans l'esprit de Louis XVI, en compromettant son cadet, à l'obliger à partir avec lui.
Concessions
En contrepoint de ces plaintes, le roi, cependant, fait d'importantes concessions à l'opinion publique, ou ce qui paraît tel, acceptant de nombreux acquis de la Révolution, entre autres l'égalité civile et l'abrogation des ordres, ce qui représente, de sa part, une profonde évolution. S'il part, c'est pour se donner les moyens à son retour d'offrir aux Français une véritable constitution, conforme à leurs voeux, dans le respect du catholicisme, de la monarchie et des droits de chacun pour le plus grand bien de la France.
Hélas, l'arrestation de Varennes, en mettant fin à la tentative royale, transforme ce programme politique plutôt ouvert et acquis aux réformes en acte d'accusation contre Louis XVI. Puisque, dans ce document officiel, remis au matin du 21 juin au président de l'Assemblée, Alexandre de Beauharnais, le roi critique ouvertement, et condamne, des mesures qu'il a lui-même acceptées auparavant, il faut y voir la preuve d'une intolérable duplicité de la part du monarque qui n'a pas voulu jouer honnêtement le jeu constitutionnel... Que le pouvoir révolutionnaire ait fait en sorte de rendre sa position intenable n'entre évidemment pas en ligne de compte.
La main du roi
Ces seize feuillets manuscrits, écrits et signés par Louis XVI, font désormais figure de pièces à conviction. Ils pèseront terriblement lourd en janvier 1793, quand ils seront présentés comme destinés « à plonger la France dans les horreurs de la guerre civile ». Versé au dossier du procès, commenté d'abondance par des accusateurs décidés à noircir les intentions royales, le document, malgré son importance, disparaît des archives à une date indéterminée, sans doute pendant la Terreur. Considéré comme définitivement perdu, il n'est plus connu qu'à travers les copies des archives parlementaires.
Une mystérieuse disparition
Qui s'en est emparé ? Pourquoi ? Nul ne le sait. Des rumeurs, parfois, le disent dans quelque collection privée, Charavay ou Feuillet de Conches. En 1950, il est signalé lors d'une vente Hennessy. Par quelle voie ce "testament politique", qui en fait n'en fut jamais un dans l'esprit de son auteur, a-t-il traversé l'Atlantique ? La seule certitude est qu'il vient d'être retrouvé dans une collection américaine, accompagné du texte que Louis XVI avait réclamé au comte de Provence, lequel allait beaucoup plus loin que son aîné dans ses critiques de la Révolution.
Authentifié comme étant bien de la main de Louis XVI, ce qu'atteste entre autres le paraphe du vicomte de Beauharnais porté sur l'original, le document vient d'être acquis par un collectionneur français, Gérard Lhéritier, président d'Aristophile, société spécialisée dans le rachat d'autographes et de manuscrits.
S'il n'apporte aucune information supplémentaire aux chercheurs, son contenu étant parfaitement connu, ce document retrouvé a le double mérite de rendre à la France une part de son passé, et d'attirer une fois encore l'attention du public sur la personnalité de Louis XVI et les tragiques circonstances qui le poussèrent à rédiger ce texte.
Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 juin 2009