« Comme annoncé, nous publions le texte que nous a envoyé de sa prison Richard Robert, djihadiste repenti (Cf notre article en date du 19 juillet). Nous laissons à l’auteur la responsabilité de son propos. Nous n’en partageons pas nécessairement toutes les analyses. Mais il a en tout cas un grand mérite : celui de provoquer au débat et d’aller au fond des choses. » D’autres textes suivront prochainement.
L’organisation de l’État Islamique (EI ou Da’ech) et le nombre croissant de jeunes occidentaux qui la rejoignent dominent actuellement le débat politique dans les médias. La quasi-totalité des experts examinent ce phénomène de la hijra (l’émigration des musulmans des pays non-musulmans vers des terres vraiment musulmanes, c’est-à-dire des États qui ressemblent à la société musulmane du temps de Mahomet et des califes « bien-guidés ») sous un angle purement sociologique et social et concluent d’une même voix qu’il n’y a aucune corrélation entre l’islam et l’islamisme radical. Selon cette conception, le véritable islam n’enverrait dans le monde qu’un message de paix et d’amour. Cette perception quasi officielle de l’islam est contestée par certaines voix indépendantes et par une partie des peuples occidentaux. Contrairement aux élites, ils voient dans l‘hijra la preuve des méfaits d’une immigration massive et incontrôlée. L’augmentation du prosélytisme musulman sur le sol français allant de pair avec le nombre croissant d’adeptes de cette religion qui reproduiraient les appels au meurtre contenus dans le Coran.
La question qui se pose est donc : l’islam, est-il vraiment vierge de tout le sang versé, notamment en Syrie et en Irak, ou est-il au contraire la source qui incite nombre de jeunes croyants à faire le djihad ? Le but de cet essai est d’examiner la part de responsabilité de la religion dans le basculement des individus vers le terrorisme.
Tous les prétendants à l’hijra se réclament d’un Islam pur et originel. Pour cette raison, nous avons jugé opportun de nous pencher sur l’argumentation religieuse des candidats au djihad et de la comparer dans un premier temps à l’orthodoxie sunnite, telle que les oulémas (les instances religieuses officielles) l’enseignent. Puis, dans un deuxième temps nous confronterons l’argumentation djihadiste à l’Islam officiel d’État, qui est inculqué aux Musulmans dès leur plus jeune âge par le biais de l’école. À cette fin, nous étudierons le contenu des manuels scolaires marocains.
Nous conclurons l’essai avec l’analyse de l’ensemble des mouvements islamistes pour déterminer si les mouvements opérant en France ont leur part de responsabilité dans l’endoctrinement des jeunes au djihadisme.
Zoom sur la sémantique (le langage) d’une convertie à l’Islam de l’État Islamique
« Maman, quand tu liras ces lignes, je serai loin. Je serai sur la terre promise, le Sham, en sécurité. Parce que c’est là-bas que je dois mourir pour aller au paradis. Je sais que tu ne vas pas comprendre parce que tu n’es pas élue. Mais moi, j’ai eu accès à la vérité. J’ai été choisei et j’ai été élue. Je sais ce que tu ignores : c’est maintenant la fin du monde, maman. Tous les humains vont finir en enfer, sauf ceux qui ont combattu ave le dernier imam au Sham. »
À première vue, les paroles de cette jeune convertie à l’islam qui est partie en Syrie pour sauver son âme ressemblent au délire mystique de certains adeptes de sectes. Mais dans un contexte où des milliers d’Européens ont rejoint les rangs des djihadistes du Levant (totalisant le chiffre global des mercenaires musulmans à 15 000 en juillet et à 30 000 en octobre 2014 selon le dernier rapport de la CIA), il serait trop simple d’en rester là. Il faut donc examiner pourquoi l’EI attire des musulmans du monde entier et sur quelles bases théologiques il fonde sa légitimité à s’autoproclamer « califat » en conformité avec la voie tracée par Mahomet et les « califes bien guidés ».
Les hadiths (récits de la vie du prophète Mahomet) à caractère messianique, qui ont été propagés massivement dans le monde musulman à partir des années 1990 par l’Arabie Saoudite, livrent une première explication du phénomène. On peut résumer la teneur de ces hadiths comme suit :
Vers la fin des temps, l’oumma islamique entrera en guerre contre les Roumis (occidentaux), le Sham (terme arabe correspondant à peu près au terme françaisLevant) sera assiégé et un imam, l’élu attendu pour restaurer la religion dans sa pureté originelle, conduira les croyants à la victoire sur leurs ennemis ; la Perse sera conquise (l’Iran), ensuite la Palestine (Israël), puis viendra enfin le tour de Rome.