Cette année, notre thème sera « l’homme héroïque » selon le plan ci-joint.
Le Club de Valdaï où va chaque année le président Poutine, a consacré une brochure entière à « l’identité nationale et l’avenir de la Russie ». Les auteurs estiment que l’identité nationale repose moins sur des principes abstraits que sur des figures héroïques puisées dans l’histoire comme Alexandre Nevski, Pierre le Grand, Catherine II, le général Koutousov, vainqueur de Napoléon, le maréchal Joukov, vainqueur de Hitler. La brochure demande que les jeunes générations se voient proposer des modèles héroïques de cet ordre et en donne une liste en annexe. Notre Troisième République avait une pédagogie analogue pour forger de vrais citoyens. On enseignait Vercingétorix, Clovis, Louis XIV ou Napoléon. Les restes de cet enseignement ont pratiquement disparu après Mai-1968 et la révolution culturelle qui a accompagné ces événements. L’emblème de l’Etat russe figure le modèle du héros : saint Georges terrassant le dragon. En France, la figure héroïque majeure est Jeanne d’Arc : elle ne figure évidemment pas sur le blason républicain.
Le culte du héros commence avec le premier livre de la tradition occidentale, L’Iliade, d’Homère, écrite vers le VIIie siècle avant notre ère, soit il y a 2800 ans ! C’est le personnage d’Achille qui restera un modèle pour l’éducation grecque : celui-ci préfère une vie courte et glorieuse à une vie longue et sans gloire. Achille dit qu’on lui a appris à toujours vouloir être le premier et à surpasser tous les autres.
Le christianisme n’a pas éradiqué ce culte. La sainteté chrétienne est d’ailleurs souvent proche de l’héroïsme, témoins saint Georges et Jeanne d’Arc. Le Christ lui-même meurt héroïquement sur la Croix, supplice qu’il accepte par amour des hommes. Le héros se caractérise par son courage exceptionnel mais aussi par son amour pour une cause plus grande que lui, sa famille, sa patrie ou son dieu. L’alliance de l’héroïsme et du christianisme donne la chevalerie.
Le modèle du héros grandit l’homme, l’oblige à avoir une certaine tenue : il a la « magnanimité » des Anciens, c’est-à-dire la grandeur d’âme. Chez lui, ni mesquinerie, ni jalousie, ni matérialisme sordide, ni obsession de son confort personnel. Il ne recherche pas le bonheur pour lui-même, idéal méprisable que Nietzsche réservait « aux vaches et aux Anglais » (injuste pour ces derniers). Le modèle héroïque se trouve dans les beaux-arts, avant tout dans la tragédie, invention des Grecs. Il se trouve aussi dans l’histoire, laquelle peut faire aussi l’objet de pièces de théâtre ou de romans héroïques. Le théâtre de Corneille met des héros antiques en scène. Friedrich Schiller préfère les personnages historiques héroïsées, d’où ses pièces Guillaume Tell ou La Pucelle d’Orléans. Le héros est souvent l’objet de films, héros historiques ou totalement inventés comme ceux duSeigneur des Anneaux. Il y a aussi un héros de roman mais dans un contexte historique qui a existé, comme le colonel Nicholson dans Le Pont sur la rivière Kwaï, film tiré du roman de Pierre Boulle.
Le mythe du héros nous semble particulièrement nécessaire en démocratie où le régime repose sur les vertus des citoyens. Sa disparition montre la dégénérescence de la démocratie en oligarchie, ce que nous connaissons aujourd’hui. De Gaulle a fort bien décrit le héros dans Le Fil de l’épée : « lutteur qui trouve au-dedans son ardeur et son point d’appui, joueur qui cherche moins le gain que la réussite et paie ses dettes de son propre argent, l’homme de caractère confère à l’action sa noblesse ; sans lui, morne tâche d’esclave, grâce à lui, jeu divin du héros ».
Les matérialistes décadents fulminent contre « le sabre et le goupillon », c’est-à-dire l’armée et l’Eglise, mais, si le sabre et même le goupillon ont pu commettre des crimes, ils ont élevé l’humanité à un niveau éthique exceptionnel comme le montre le philosophe russe Nicolas Berdiaev dans sa Philosophie de l’inégalité. Ils nous ont aussi sauvés de l’occupation étrangère comme de la tyrannie totalitaire « laïque » d’un Robespierre ou d’un Hitler. « L’enfer est pavé de bonnes intentions », dit la sagesse populaire. Ce n’est pas en quittant le modèle héroïque et le sens de l’honneur pour une vie facile et matérialiste, même bienveillante, que l’on connaîtra le vrai bonheur et la paix. L’homme est tel qu’il ne peut être heureux sans maîtriser le reptile qui est en lui, le cerveau primitif cajolé par la société de consommation. Il ne peut être heureux s’il est enfermé dans son ego, fût-il calculateur ou « charitable » (les Pharisiens). Il ne peut être heureux dans l’esclavage.
Le modèle héroïque nous donne pour toujours l’exemple de la liberté créatrice et de l’amour qui élève au-dessus de soi. Il faut le rétablir d’urgence à l’école et dans nos médias.
A bientôt avec toutes mes amitiés.
Ivan Blot, 2/09/2015