Dans le contexte économique présent, toujours difficile mais légèrement prometteur, nos dirigeants ont atteint la quasi-perfection dans une discipline en plein essor au sein de la classe politique, qu’on peut qualifier comme « l’art de tourner en rond dans tous les sens ». Je propose dans cet article, à travers un exemple concret, de voir comment cela se manifeste, dans une période de très faible croissance, où les marges de manœuvre se rétrécissent année après année. Malheureusement, l’excellence acquise dans cet art provoque parallèlement des désadaptations sur les capacités à définir des stratégies de moyen ou long terme, tant pour redynamiser une économie en panne de croissance, ou faire face à des problématiques toujours plus complexes associées à des enjeux toujours plus importants (par exemple, concilier croissance et lutte contre le réchauffement climatique ou développement durable)
Les actions politiques et l’art de tourner en rond
Les nombreuses liaisons, interactions, rétroactions qui opèrent dans un environnement toujours plus intégré, globalisé à l’extrême, ne facilitent pas les prises de décision, car la politique s’accommode assez mal de la complexité qui nécessite un nouvel état d’esprit, de nouveaux outils intellectuels, en l’occurrence ceux dérivant de la systémique, qui actuellement sont encore en état embryonnaire dans la tête de nos dirigeants.
Ce jeu du « je tourne en rond », s’illustre parfaitement lorsqu’il s’agit de traiter un problème relativement complexe où une solution élaborée, cohérente, pérenne, parfaitement construite, s’imposerait dans une perspective de long terme, alors que ne sont retenues des solutions simplistes et provisoires (traitement symptomatique). On nous a offert dernièrement un nouvel aperçu avec le problème des éleveurs.
A titre d’exemple, je retiendrai la problématique de l’endettement, en essayant de voir comment le pouvoir essaye de manœuvrer pour stabiliser une situation qui depuis des années ne fait que dériver.
L’approche réductionniste toujours bien vivante.
La France fait face à des problématiques très diverses, toutes interdépendantes, (chômage, déficit, dette, fiscalité, retraites, compétitivité, attractivité, modèle social, etc…). C’est un peu le propre de d’économie, le nombre et l’ampleur des problèmes marquant la différence avec un passé où la croissance autorisait quelques écarts de conduite. Ces interdépendances ordonnent une vision globale pour à la fois analyser, comprendre, diagnostiquer, et mettre en place les outils, les plans d’actions pour agir, sachant que agir sur l’un a des répercussions les autres, tant les interactions sont fortes, renforcées ces dernières années par l’amplification du rôle des niveaux d’organisations englobant (Europe, mondialisation).
Les visions court-terme et réductionnistes de nos politiques, négligeant ou refusant la pensée globale font penser à un médecin démuni dans sa démarche thérapeutique, prescripteur d’antipyrétiques pour la fièvre, d’anti-inflammatoires pour les inflammations, de somnifères pour le sommeil, d’anxiolytiques pour l’anxiété, d’analgésiques pour la douleur, autrement dit tout ce qui contrarie les processus naturels de lutte, de guérison ou d’alerte, ce qu’un certain ex-président qualifierait de « mettre la poussière sous le tapis ».Ainsi, il est toujours pus facile d’agir sur les symptômes que de s’attaquer aux causes, avec l’inefficacité qui en résulte, sans parler des dégâts collatéraux. C’est tout le travers de la politique française.
Avant d’aborder la macro-économie, quelques grandeurs bien utiles …
- Dépenses publiques 1230 Milliards d’euros
- PIB (Produit Intérieur Brut) 2150 Milliards d’euros
- Montant de la dette 2090 Milliards d’euros
- Pourcentage dette / PIB environ 97%
- Ratio dépenses publiques / PIB environ 57%
- Ratio prélèvements obligatoires / PIB environ 45%
- Déficits publics 2014 (/PIB) 4.0%
Dettes et déficits
Les déficits publics (état, collectivités locales, administrations de sécurité sociale) représentent le solde entre les dépenses et les recettes. L’état n’ayant pas de liquidités disponibles, emprunte sur les marchés pour les financer, et de ce fait augmente chaque année (on pourrait dire chaque jour) le niveau de la dette en valeur absolue et en valeur relative (ratio dette/PIB).
Il est désormais impératif de réduire l’amas de dettes si on veut éviter tout phénomène de rupture, à l’image des séismes qui n’ont jamais la délicatesse de prévenir. Les paramètres clés de l’équation qui jouent directement sur l’évolution de la dette sont principalement : les recettes, les dépenses, le déficit (le solde), l’inflation, la croissance. Puisque l’endettement est directement lié aux montants des déficits, qui eux-mêmes dépendent du solde entre dépenses et recettes, j’insisterai particulièrement sur ces 3 derniers points.
Le niveau des déficits
Le niveau des déficits reste élevé. Rappelons la progression depuis 2009 :
2009 : 7,5%, 2010 : 7%, 2011 : 5.1%, 2012 : 4.8%, 2013 : 4,1%, 2014 : 4%). L’action du gouvernement reste orientée vers une réduction tendancielle, tout du moins dans les déclarations, les différences entre 2013, 2014 et 2015 étant minimes. Il est donc difficile d’évoquer le respect d’une trajectoire, lorsque le rythme d’assainissement des finances publiques est relativement lent, sinon suspendu, et que la dette est toujours en augmentation ! On est bien dans une situation où l’état vit au-dessus de ses moyens. Les discours tournent en rond, usant et abusant d’une phraséologie quelque peu figée axée sur les efforts, les trajectoires, les tendances, les inversions de courbes, etc., dont les traductions dans la réalité sont peu visibles.
Alors comment s’en sortir
La nécessité évidente de réduire le montant de la dette française, ne tient pas uniquement au ratio dette/PIB qui approche dangereusement le seuil de 100%. D’autres pays l’ont déjà franchi (Italie, Japon, Etats-Unis) ; il est à la fois symbolique, symptomatique d’une classe dirigeante qui n’a pas la culture de la rigueur budgétaire, mais plus grave, il peut nous faire basculer vers des territoires inconnus où des dérives dangereuses pourraient s’enclencher.
Pour diminuer un endettement excessif, plusieurs « manettes » dans la gouverne élyséenne peuvent être actionnées, auxquelles s’ajoutent celles de la banque centrale européenne. En voici quelques-unes :
- Augmentation des impôts et des taxes pour amener les déficits à un niveau qui permet le désendettement, au mieux encore revenir à des excédents (mais ne rêvons pas !)
- Réduction des dépenses publiques (dans le même esprit)
- Relance économique par plus de déficits (oui c’est paradoxal … pour les politiciens naïfs qui croient qu’on peut résoudre un problème de dettes en s’endettant davantage !)
- Relance de l’inflation (pas très facile dans un monde mondialisé ; danger potentiel).
- Monétisation de la dette (rachat des dettes par les banques centrales)
- Baisse des taux d’intérêts pour alléger la charge de la dette, et donc les déficits (c’est ce qui se passe actuellement)
Regardons simplement deux d’entre elles :
- On ajuste par l’impôt
Le niveau des prélèvements obligatoires atteint 45% du PIB en 2014. Pour ne pas se noyer dans les chiffres, on peut noter que ce ratio a beaucoup augmenté depuis le début de crise et c’est moins la conséquence de cette dernière qui a certes donné un coup sévère à l’économie, que des hausses vertigineuses d’impôts impulsées par N.Sarkozy et F.Hollande, dont le but fût de stopper l’envolée d’un déficit public devenu incontrôlable. Outre la stabilité budgétaire, les impôts ont également servi à alimenter une dépense publique galopante qui aujourd’hui atteint de nouveaux sommets. On a envie de dire : « Mmes et Mrs les politiques, qu’avez-vous fait de notre argent ? »
L’ajustement par l’impôt n’a rien d’une évidence. Un certain Mr Laffer, bien connu pour sa courbe, qui en gros nous dit que trop d’impôts tue l’impôt, se garderait bien de nous conseiller cette voie, d’autant plus que les marges de manœuvres paraissent bien dérisoires. L’impôt fait tourner en rond des dirigeants qui fredonnent les sempiternelles rengaines fiscales, avec la chorale des hausses qui appelle le chant des baisses, et pour final la cantate des corrections. Donc, tendanciellement, on est toujours sur le chemin de la hausse, un chemin qui aurait dû nous conduire vers le désendettement, alors qu’on observe le contraire.
Que l’état s’ingénie à augmenter les impôts ou à les diminuer, rien n’y fait ! Le manque de continuité dans l’action, les remaniements, les revirements, l’idéologie rampante, les virages à droite, les virages à gauche, l’absence d’une réelle vision économique, détruisent l’efficacité de ce levier.