En 2030, la France se relève à peine d'un effondrement économique majeur. Une dette insoutenable s'est abattue sur l'économie française telle une épée de Damoclès. Certes, le problème était connu, identifié, mais rien n'avait été fait pour tenter d'en atténuer les effets destructeurs. Qu'il s'agisse de boucler un exercice budgétaire prévisible ou de pallier les conséquences de la crise économique et financière de 2008, l'Etat français n'aura eu recours qu'au seul expédient de l'endettement. Là où il aurait fallu réformer, tailler dans le vif, économiser, relancer l'activité économique, la France, en situation de déficit incessant depuis 1981, aura préféré recourir à l'emprunt et à la taxation, c'est-à-dire hypothéquer l'avenir pour sauver temporairement des privilèges devenus injustifiables ou insoutenables.
En dépit des dénégations rassurantes de ses gouvernants, seulement le seuil fatidique des 100% du PIB est dépassé, mais le service de la dette est devenu le premier budget de l'Etat. Quoi qu'insoutenable sur le long terme, l'illusion de l'endettement perpétuel aurait pu se maintenir encore quelques années en raison de très faibles taux d'intérêt et d'un euro solide. Mais une telle situation ne pouvait perdurer...
Différant éternellement la réforme de l'Etat afin de ne pas attenter à un confort devenu le dernier privilège des masses, des gouvernements mal élus à la légitimité populaire très faibles et victimes de la démocratie d'opinion préfèrent jouer la politique de l'autruche, comprenant très bien qu'en promettant "du sang, de la sueur et des larmes", ils n'encourent que le risque d'une baisse dans les sondages et la défaite lors de la prochaine échéance électorale.
L'implosion économique entraîne dans sa chute la part morte des élites, composée de technocrates incapables de donner du sens à l'existence face aux effondrements successifs. Les classes dirigeantes connaissent la même évolution que les corps des officiers au début de la guerre de 1914-1918 : celle d'une brusque recomposition. Les élites vivantes qui émergent du chaos rassemblent à la fois des Français issus de l'immigration, ayant pris des responsabilités malgré la crise durable d'identité occidentale qui rend leur intégration improbable, et la partie la plus créatrice des anciens dirigeants. Le chantier est d'autant plus important qu'en 2030, l'Etat failli est placé sous tutelle financière extérieure. Les inégalités se sont creusées, y compris au sein des populations issues de l'immigration. Quant aux régions, elles tentent de suppléer de façon pragmatique aux carences d'un Etat paralysé par les transferts de souveraineté successifs vers le vide supranational.
Thomas Flichy de la Neuville, Gregor Mathias, 2030. Le monde que la CIA n'imagine pas