Les attentats du 13 novembre auraient-ils pu être évités? Mercredi Yves de Kerdrel, le directeur de la publication de Valeurs actuelles, annonçait au micro de France Inter «des informations susceptibles de faire sauter un certain nombre de personnes en France». Il évoquait l’entretien accordé, dans le numéro de son magazine paru hier, de Bernard Squarcini, successivement directeur de la de la Surveillance du Territoire (DST) puis, en 2008, de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), née de la fusion de la DST et de la Direction centrale des Renseignements généraux (DCRG). Il y a deux ans affirme M. Squarcini, «les services secrets syriens sont venus lui proposer la liste de tous les djihadistes français opérant en Syrie (…). Mais hélas dit-il, Manuel Valls a dit « pas question, nous n’échangeons pas de renseignements avec un régime tel que la Syrie.» «Comment arrêter les djihadistes français qui partent en Syrie s’il n’y a plus de contacts, plus de négociations?» s’alarmait l’ex patron du renseignement français dans Marianne fin 2013…
Autre interrogation pour les Français, même si ce n’en est plus vraiment une pour la totalité de spécialistes note Bruno Gollnisch, le rôle de certaines pétromonarchies dans le soutien financier et logistique à l’Etat islamique. Une question de nouveau évoqué implicitement par Vladimir Poutine, lors de la dernière réunion du G20 en Turquie – voir notre article publié hier.
Des accusations qui sont désormais au cœur du débat public et qui ont obligé Laurent Fabius à se fendre d’une déclaration mercredi devant l’Assemblée nationale : «la lutte contre le financement du terrorisme est une nécessité absolue et une clé si nous voulons éradiquer Daech (…). S’agissant de l’accusation de financement des terroristes portée contre certains pays du Golfe: nos services ont procédé aux vérifications nécessaires et les éléments dont nous disposons (…) ne nous permettent pas de porter des accusations contre les gouvernements de ces pays (…). Nous avons toujours dit en revanche que si à l’avenir des éléments montraient l’inverse, il est évident que nous changerions nos relations du tout au tout et je veux le réaffirmer solennellement, il ne saurait y avoir et il n’y aura pas la moindre complaisance à l’égard de gouvernements qui aideraient financièrement les terroristes.»
Dans son dernier livre, qui caracole en tête des ventes, Philippe de Villiers, rappelait cependant les collusions coupables, la soumission des gouvernements de droite ( traditionnellement plutôt liés au Qatar) et de gauche (plus en relations avec l’Arabie saoudite) devant les pétrodollars généreusement distribués pour endormir lesconsciences, les velléités de résistance.
Courrier international publiait dans son dernier numéro un article paru dans The Daily Telegraph tout aussi éclairant : « La semaine dernière, alors même que l’émir du Qatar jurait ses grands dieux que le pays n’avait jamais financé l’EI, le Trésor américain a apporté la première preuve que l’argent du Qatar avait bien permis à Djihad John (égorgeur d’otages tristement célèbre, NDLR) et à d’autres Britanniques de rejoindre la Syrie.»
En septembre, selon le Trésor américain, Tariq Al-Harzi a permis à l’EI de recevoir 2 millions de dollars d’un intermédiaire financier de l’EI basé au Qatar, à condition que cet argent soit affecté uniquement à des opérations militaires. L’intermédiaire financier basé au Qatar avait également recruté Al-Harzi pour lever des fonds au Qatar. »
« Doha rétorquera (comme MM. Fabius, Sarkozy et consorts, NDLR) qu’il s’agit d’individus privés et non du gouvernement. Mais tout Etat, et encore plus une autocratie du Golfe, a les moyens d’empêcher ce genre de chose, à condition de le vouloir. »
«Par ailleurs, les preuves des liens du gouvernement qatari avec les extrémistes (dont certains ont réussi à lever des fonds alloués par la suite à l’EI) sont irréfutables. Entre huit et douze personnalités éminentes au Qatar ont récolté des millions de dollars pour les djihadistes, a déclaré un diplomate occidental local. Et ils ne s’en cachaient guère (…). L’engagement du Qatar auprès des extrémistes est sans doute un moyen d’assurer ses arrières en Syrie. Le Qatar est un pays qui a toujours cherché à multiplier les alliances : des talibans à Israël, avec qui il était un temps le seul pays du Golfe à entretenir des relations commerciales. Le Qatar accueille le Hamas, les milices islamistes libyennes et les Frères musulmans de toute la région».
Dans ce contexte de tensions, d’inquiétudes, de graves accusations portées contre des partis dits de gouvernement en charge de la sécurité des Français, la première des libertés faut-il le rappeler, les derniers sondages enregistrent une nouvelle poussée du FN aux élections régionales.
Selon l’ enquête de Harris Interactive pour 20 Minutes publiée aujourd’hui , le Front National recueillerait en moyenne de 27 % des intentions de vote, devant l’alliance PS-PRG-MRC (26 %), le conglomérat LR-UDI-MoDem-PCD (25%), EELV (7 %) ; les listes DLF et FG-PCferment la marche, créditées pareillement de 5 % de suffrages.
Sur le site de l’Express il y a deux jours, Emmanuel Rivière, directeur de l’unité stratégies d’opinion de TNS Sofrès, analysait les conséquences possibles des attentats du 13 novembre sur les élections de décembre. Il jugeait que l’hypothèse « la plus vraisemblable » n’était pas que la tuerie du 13 novembre permette au PS de sauver les meubles, lequel pourrait être porté par un réflexe légitimiste «qui profite mécaniquement au pouvoir en place». Ce scénario voyant des Français se «ressouder autour des partis de gouvernement» « face à une épreuve de cette nature », est a contrario plutôt défendu par le politologue Pascal Perrineau. Celui-ci estime que le FN sera impacté à terme (en 2017) par son image encore mal établi de parti ayant les compétences pour assumer les plus hautes fonctions de l’Etat.
M. Rivière juge qu’à l’instar du PS, les Républicains ne profiteront pas forcément du drame du 13 novembre dans les urnes « car ils sont eux-mêmes divisés: Alain Juppé n’est pas sur la même ligne que l’ancien chef de l’Etat » A contrario, « il est clair que ces attentats confortent des thèmes classiques du FN: les liens supposés (sic) entre immigration et insécurité; L »Europe-passoire; une demande de sécurité accrue, quitte à limiter les libertés publiques... ».
« (La) vraie cible (du FN, de Marine, NDLR) poursuit-il, ce sont les abstentionnistes, d’une part, les électeurs de Debout la France et une partie des sympathisants de la gauche de la gauche, d’autre part. Des citoyens qui, par colère, pourraient préférer voter FN que Républicain ou Socialiste, contre lesquels ils ont un ressentiment global. C’est une hypothèse que l’on ne peut pas exclure.»
Notons enfin, l’éditorial particulièrement honteux commis hier sur France Inter par un vieil adversaire de l’opposition nationale , le journaliste Renaud Dély. «Réclamer la démission du gouvernement a-t-il dit, et pourquoi pas du Président, alors que nous sommes en guerre, une expression que Marine Le Pen répète elle aussi, c’est évidemment ravir les terroristes, qui veulent déstabiliser l’Etat français. Mais vous l’aurez compris, ce n’est pas franchement étonnant (…). Il y aurait quelques convergences de vue entre le FN et les terroristes ou du moins, quelques indices troublants (…). Marine Le Pen ne condamne pas ces attentats. Au contraire. En sous-main, elle les encourage (…). Alors, certes, on ne dira pas que le FN vote Daech, non bien sûr. Mais en revanche, ce qui est clair, c’est que Daech vote FN ».
Cette pathétique «analyse» de M. Dély, qui prête à ceux qui n’ont eu de cesse d’alerter nos compatriotes des conséquences tragiques des démissions des partis au pouvoir, dans tous les domaines, une complaisance tactique avec les djihadistes, est particulièrement immonde. Mais ne nous y trompons pas, cette logorrhée sera développée par la Caste aux abois pour tenter de circonscrire le vote FN. Après tout, n’est-ce pas là la vraie priorité du Système ?