Nos socialistes bien-aimés se divisent sur le projet de déchéance de la citoyenneté française et on pourrait s'en féliciter, si tout ne sonnait pas faux dans le débat comme dans le projet.
Certes Taubira boude et Aubry grogne. Deux mégères en colère, certains penseront sans doute : demi-mal. Mieux encore : deux motifs de satisfaction. L'insignifiant Ayrault jette des petits cailloux dans le jardin de son successeur. Un conflit de titans, il faut en convenir. N'oublions pas quand même que le jeu de lancers de nains tombent sous le coup de la loi.
Hélas tout sonne faux, il convient aussi de l'observer, dans cette polémique artificielle, sur la peine de déchéance de nationalité. Elle serait infligée, nous propose-t-on, par la grâce d'une réforme constitutionnelle, une de plus, à des gens qui ont depuis longtemps renoncé à se considérer, de près comme de loin, comme français.
Au plan des principes, les partisans de la théorie républicaine de la nation-contrat ne devraient rien objecter à la déchéance de citoyenneté. Les djihadistes en effet se situent tous, radicalement, en rupture de contrat. Si on pense au contraire qu'être Français "cela s'hérite ou cela se mérite" la solution est simple : et ceci confirme la supériorité de la théorie de la nation-héritage.
Remarquons que cette affaire s'étale dans le temps, cinq semaines après le discours présidentiel. Une fois de plus on communique et on n'agit pas. On polarise donc le débat sur une affaire artificielle.
D'abord, quantitativement, le projet ne mène à rien. On sait très bien que la mesure annoncée ne concernera que des gens peu nombreux, Cs gens auront été obligatoirement condamnés. Après avoir purgé leur peine ils se verraient interdire de demeurer sur un territoire français qu'ils exècrent. Leurs défenseurs, montrent ici un rapport fort étrange à la citoyenneté française. Et la Taubira s'enfonce dans cette ambiguïté, choisissant même l'Algérie pour en rajouter une couche. Maillon faible de ce gouvernement, elle doit déguerpir.
Et d'invoquer une fois de plus la tarte à la crème du prétendu droit du sol. Inversion totale par rapport au "jus soli" du droit romain ce slogan gomme le fait que dans la Cité Antique le citoyen doit être à la fois né dans les limites de la cité et issu de citoyens…
Pour revenir à l'époque moderne et contemporaine Mme Taubira, porte-drapeau de la contestation déclare : "Pour moi, la déchéance de nationalité, c'est extrêmement grave ! (…) Et c'est tellement grave que notre Code civil encadre très fortement les conditions de déchéance de nationalité".(1)⇓
Mais, citoyenne ministre, prendre les armes, s'engager aux côtés de gens qui combattent l'armée française cela s'appelle de la trahison. Être complice de gens qui décapitent, qui égorgent des civils désarmés, et assassinent nos compatriotes, n'est-ce pas également "extrêmement grave" ? N'est-ce pas même infiniment plus grave que la simple sanction du retrait d'un passeport.
Annoncé le 16 novembre avec beaucoup d'emphase par Hollande devant le congrès, le projet est supposé transformer le chef de l'État en chevalier blanc de la sécurité des Français, en faisant voter la droite en faveur de principes qui existent en l'occurrence déjà dans le code civil. En échange des dispositions très unilatérales sur le pouvoir présidentiel de décréter l'état d'urgence pourraient être adoptées sans coup férir.
Depuis 1927, sous l'influence d'Aristide Briand, depuis 1938 sous le gouvernement de Daladier, maintenus par les ordonnances de 1945 on n'a jamais cessé de légiférer, de réglementer, de triturer les rédactions d'articles du code civil relatifs à la déchéance cd nationalité française. Elle a été appliquée à quelques centaines de personnes, des épurés après la guerre mais aussi des communistes pendant la guerre froide. "Le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’État, avoir perdu la qualité de Français." Cette procédure a été utilisée plus de 200 fois entre 1949 et 1953, et encore 3 fois seulement depuis 1958.(2)⇓
Précisons aussi que la restriction "s’il a la nationalité de ce pays" tombe dans le cas des gens qui ont rallié le Califat islamiste, qui ravage actuellement la Syrie et l'Irak et ne fait pas mystère de vouloir frapper l'Europe en général et la France en particulier.
On se moque donc de nous en prétendant faire voter, grâce au secours de l'opposition, une nouvelle fois, un principe qui existe déjà dans le droit français et que l'on n'a pas le courage d'appliquer.
Tout sonne donc faux dans cette communication massive du pouvoir.
Disons donc une fois pour toutes à nos gouvernants : cessez donc de menacer : faites. Cessez de légiférer : appliquez la loi, si vous en êtes capables.
JG Malliarakis
→ Retrouver l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
Apostilles
- cf. Déchéance de la nationalité: le «haut-le-cœur» de Christiane Taubira in Le Figaro le 3 décembre. ⇑
- cf. l'interview de Patrick Weil spécialiste ["bien-pensant"] du sujet"Déchéance de nationalité : ce que propose Hollande est déjà dans le code civil" en ligne depuis le 17 novembre