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[Éditorial de L’Action Française 2925] Vers l’élection présidentielle

Le moindre des paradoxes de nos institutions n’est pas que l’élection qui devait permettre de neutraliser les défauts inhérents à la république est finalement devenue, au cours des décennies, celle qui les aggrave. Nous voulons évidemment parler de l’élection du président de la république au suffrage universel.

Le général De Gaulle, en l’inscrivant dans la Constitution en 1962, n’avait-il pas voulu en finir avec le régime tout puissant des partis en créant, entre un exécutif ayant recouvré à la fois toute son efficience et sa réalité symbolique, et le peuple français, un lien quasi-charnel que l’assassinat du Roi, en 1793, avait rompu et qu’une Restauration, certes bénéfique pour les Français, mais malheureusement éphémère, avait été impuissante, au XIXe siècle, à renouer en profondeur ? Le président, en étant directement élu par les Français, devenait, en quelque sorte, leur « souverain », et la Ve République une monarchie républicaine. Assurément, les partis continuaient de jouer leur rôle, mais dans l’esprit des réformateurs de 1962, leur jeu se trouvait raisonné, voire neutralisé par une élection qui inscrivait dans la politique nationale la prééminence de la continuité de l’Etat et du Bien commun, incarnés par un président « au-dessus des partis », sur le jeu des intérêts particuliers et des groupes de pression.

Certes, dès 1965, c’est-à-dire dès la première élection du président au suffrage universel, les partis se rappelèrent au souvenir du général en le mettant en ballotage. La cuirasse institutionnelle avait un défaut... celui du déni de réalité : en république, il n’est pas facile de faire rentrer dans sa « besace », comme disait Boutang, des partis qui monopolisent le système électoral lui-même. La crise algérienne passée, le général était redevenu le simple porte-parole d’une majorité politique, voire politicienne. La médiocrité croissante de ses successeurs n’allait que rendre encore plus évidente l’impossibilité à faire de la république une monarchie comme une autre. Oui, le président de la république n’est que le chef d’un clan et, entre l’ambition personnelle du candidat et l’intérêt du ou des partis — et des lobbies, souvent étrangers — qui le soutiennent, s’instaure une dialectique savante, où chacun doit trouver son compte, le peuple français étant le grand perdant d’un régime qui non seulement demeure, mais réussit le tour de force d’être chaque jour davantage à la fois celui des partis et de l’étranger — la soumission à l’ordre européen allant aujourd’hui de pair avec une politique migratoire visant à la dissolution du peuple français.

La réduction à cinq ans du mandat présidentiel n’aura fait qu’aggraver les défauts de ce qui n’est plus et n’a peut-être jamais vraiment été le dialogue d’un homme avec ses concitoyens. D’autant que le quinquennat aura réduit la durée utile du mandat à trois ans et demi. Le spectacle offert par la classe politique depuis le second tour des régionales, qui ont lancé la campagne pour 2017, est, de ce point de vue, aussi révélateur qu’affligeant. A droite comme à gauche, on ne parle plus que de primaires, et le fait que des voix toujours plus nombreuses, à gauche, veuillent y inclure le président en exercice indique combien la fonction présidentielle a perdu de son aura — mais Hollande, en se voulant « président normal », a participé de la désacralisation de sa fonction. La généralisation des primaires elles-mêmes montre combien le candidat est devenu l’homme d’un parti et ne cherche plus à se revendiquer l’homme de la nation. Que la gauche les ait la première instituées peut se comprendre : elle n’a jamais accepté le caractère à ses yeux bonapartiste de l’élection du président de la république, même si, avec Mitterrand, elle a su en jouer. Mais que la droite s’y soit résolue prouve que celle-ci a définitivement abandonné toute teinture gaullienne et finalement seul le FN — c’est peut-être sa force, qui ne préjuge d’aucune victoire — conserve l’esprit originel des institutions en ne laissant pas des primaires désigner son candidat : Marine Le Pen s’impose, dans ce qu’elle croit être le lien qu’elle a tissé avec les Français — la réalité de ce lien est une autre affaire : le jeu électoral repose sur des semblants, qui ne sont pas tous faux pour autant.

Ce dialogue direct du candidat avec les Français n’avait pas seulement pour objectif — trop ambitieux — de court-circuiter les partis. Comment ne pouvait-il pas en finir, par la même occasion, avec une République comme règne de l’étranger, dont les partis ont été bien souvent et demeurent les courroies de transmission ? Ruse de la république : le tout récent voyage de Juppé en Algérie démontre que, là aussi, l’élection au suffrage universel n’a fait qu’aggraver ce vice inhérent à la république. Que la visite d’un présidentiable français en Algérie soit devenu un passage obligé suffit à lui seul à démontrer combien le peuple français est devenu autre depuis des décennies : seraient-ce donc les binationaux, c’est-à-dire des citoyens dont l’allégeance est double, qui désormais décident de notre destin ? Quel sens peut avoir un dialogue entre un homme et son peuple quand ce peuple ne se définit plus seulement comme français ? « Il y a une diaspora algérienne très importante en France, qui représente une clientèle électorale de plusieurs millions de voix. Aujourd’hui, ils s’abstiennent, mais en 2012 ils ont voté massivement en faveur de François Hollande », rappelle Benjamin Stora (Le Figaro du 1er février). On comprend pourquoi Juppé lors de son voyage a déclaré que « les binationaux sont une passerelle entre nos deux pays. La France est riche de sa diversité. » Dire que De Gaulle prétendait avoir bradé l’Algérie pour que Colombey-les-deux-Églises ne devienne pas Colombey-les-deux-Mosquées. Se doutait-il que, cinquante ans plus tard, les candidats à l’élection présidentielle française devraient, pour avoir une chance de l’emporter, se fait adouber par Alger ? Et les binationaux franco-algériens sont loin d’être les seuls. Oui, dans ce contexte, la querelle sur la déchéance de nationalité paraît bien dérisoire. La question est devenue : qu’est-ce qu’un citoyen — et subsidiairement un électeur — français ?

Un sursaut est évidemment nécessaire pour empêcher la république de poursuivre jusqu’ à la dissolution de la France sa politique mortifère. Oui, en 2017 il faudra choisir. Choisir un candidat qui soit intraitable sur la question de la survie non seulement des fondements de notre société mais de la nation elle-même, puisque nous en sommes là. Non que nous nous illusionnions sur la capacité du régime à susciter un recours, puisque, précisément, c’est pour pallier les insuffisances criminelles du régime que des recours se sont révélés nécessaires dans l’histoire — et nous ont presque toujours déçus. Royalistes, nous connaissons le nom de celui qui rendrait vaine jusqu’à la nécessité même d’un recours. Tout en agissant pour son retour — et dans l’espoir qu’il le désire autant que nous —, il nous faudra bien en l’attendant semble-espérer dans un candidat suffisamment patriote à la fois pour ne pas ressentir le besoin d’aller chercher à l’étranger sa (contre-)légitimité et pour rassembler tous les Français désireux que notre pays continue, simplement, d’exister. Nous le désignerons, le moment venu, mais il fallait bien, à l’aube de ces quinze mois de démagogie politicienne, rappeler le combat essentiel. Afin d’y prendre toute notre part.

François Marcilhac - L’Action Française 2925

http://www.actionfrancaise.net/craf/?Editorial-de-L-Action-Francaise,10063

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