Suite de notre entretien avec Bruno Mégret, concernant son ouvrage, Le Temps du phénix, récit d’anticipation 2017-2022, aux Editions Cité Liberté (328 pages, 20 €). Le début est à lire ici.
3) On constate que le FN de Marine Le Pen s’éloigne de plus en plus de la défense des principes fondamentaux, tandis que Jean-Frédéric Poisson le fait plus nettement mais avec le succès que l’on sait au sein des Républicains. Pourtant ces sujets sont primordiaux comme l’a montrée la forte mobilisation autour de la Manif pour Tous. Frédéric Pichon disait récemment qu’il était pourtant « possible de conjuguer la France des oubliés et la France de la Manif pour tous ». Qu’en pensez-vous et comment vous y prendriez-vous pour consolider durablement cette double nécessité programmatique à l’image de ce que faisaient le FN et le MPF des années 90 ?
J'ai toujours pensé que pour assurer le renouveau de notre pays, il fallait un rassemblement des droites et un programme de synthèse. Je ne pense pas qu'il y ait d'antagonisme idéologique entre la France des oubliés et celle de la Manif pour tous. Il faut donc, comme je crois l'avoir fait tout au long de mon engagement politique, défendre un projet prenant en compte tous les impératifs du redressement national, qu’ils concernent la promotion de nos valeurs européennes et chrétiennes, la défense de notre identité, le retour à une économie prospère et juste, ou l’indépendance et la puissance de la nation. Par ailleurs, je ne pense pas qu'il faille s'adresser à une catégorie sociale particulière. Nous n'avons pas à choisir entre les Français oubliés, les classes moyennes, les actifs ou les retraités, nous devons nous adresser au peuple français dans toutes ses composantes et prendre en compte tous les impératifs nécessaires à la survie de la communauté qu’ils constituent.
4) Certains de vos compagnons de route affirment que vous avez failli rejoindre Philippe de Villiers en 2007 avant de finalement soutenir Jean-Marie Le Pen au sein de l'Union des Patriotes, qui a connu le succès que l’on sait…
Pouvez-vous nous donner des précisions sur ces rendez-vous manqués et proposer des clés pour qu’une véritable union des Droites voie le jour ? Plus précisément, comment le FN doit agir pour rallier des élus de droite à sa cause et ne pas se comporter comme le Combasson de votre ouvrage ?
En 2007, ma candidature à l’élection présidentielle n’aurait été d’aucune utilité. La question se posait donc de savoir quel candidat j’allais soutenir avec le MNR que je présidais. A cette époque, j’ai en effet été contacté par Philippe de Villiers et nous avons eu des échanges très fructueux. Villiers est une personnalité que j'estime et avec laquelle je partage l'essentiel de mes convictions. Mais il se trouve que Jean-Marie Le Pen avait préalablement lancé l'idée d'une Union des patriotes à laquelle j'avais déjà répondu positivement. Et c’est donc sa candidature que j’ai finalement soutenue. Ni l'une ni l'autre n’ont eu le succès qu'elles méritaient, mais cet épisode posait déjà clairement le problème de la nécessaire union des droites. Pour ma part, j'ai toujours pensé que le renouveau de notre pays ne pourrait venir qu’après la formation d’un grand rassemblement comme celui que constitue le président dans mon livre le Temps du phénix. S’agissant du Front national qui, de par sa situation dominante, devrait prendre l’initiative d’un tel rassemblement, deux conditions sont à réunir. La première est celle de la dédiabolisation par l’arrêt des dérapages et des provocations verbales. C'est ce qui a été fait et je m'en réjouis. La deuxième condition est en revanche loin d’être réalisée car elle consiste pour le FN à s’affirmer clairement de droite et à proposer des alliances à la base avec la droite. C'est ce que nous avions réalisé à mon initiative en 1992 lorsque le Front national avait fait élire des présidents de droite dans les conseils régionaux pour barrer la route à la gauche. Ces rapprochements avaient déstabilisé le système et commencé à créer un sentiment de reconnaissance des électeurs de droite à l’égard du FN. Il est regrettable que Marine Le Pen mène aujourd’hui une stratégie totalement inverse.
5) A quels hommes ou femmes politiques avez-vous envoyé votre livre ? Avez-vous eu des retours, des contacts ou des propositions de collaboration ?
J’ai envoyé mon livre à tous ceux qui comptent pour constituer ce rassemblement dont nous venons de parler. Je l’ai adressé aussi à de nombreux cadres du Front national et à tous les candidats de la primaire à droite. J’ai reçu quelques réponses et eu certains contacts. Mais, par égard pour mes correspondants qui restent attachés à la discrétion, vous me permettrez de ne pas en dire davantage.
6) Au cours des entretiens que vous donnez, vous laissez planer le doute sur votre retour en politique. Vous avez même déclaré à La Provence le 12 avril « Si un jour je reprends des responsabilités, ce ne sera pas au niveau local ». On aimerait en savoir plus. Quelles sont donc vos intentions pour être utile au Bien commun sachant que Marine Le Pen ne vous porte pas dans son cœur ? Envisagez-vous un rôle intellectuel en rejoignant le trio de la droite hors les murs Villiers/Buisson/Zemmour ou plutôt un nouvel engagement électoral ?
Je ne me suis pas engagé en politique pour faire carrière. Si tel avait été le cas, je serais resté tranquillement au RPR dans les années 80. Aussi en 2008, lorsque, les circonstances ont créé une situation dans laquelle je ne pouvais plus être utile, j’ai décidé de me retirer de la vie politique. Pour autant, comme le prouve la parution de mon ouvrage le Temps du phénix, je reste moralement et psychologiquement engagé au service de mon pays et je suis révolté de le voir en aussi grande difficulté. Mais je pense que la situation politique va évoluer et déboucher tôt ou tard sur une crise majeure où tout se cristallisera pour le pire ou le meilleur. Ce jour-là, si je puis faire quelque chose, je serai présent.
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