Travailler plus pour gagner autant. Ce sera possible en cas d’accord offensif pour l’emploi. Ce point de la loi travail a été adopté par le Sénat. L’exécutif prévoit qu’un accord ne peut pas diminuer la rémunération mais en cas de refus de l’accord, un salarié pourra être licencié.
Ça avance. Si les débuts de l’examen de la loi travail étaient pour le moins long – la faute aux 200 amendements sur le seul article 2 sur les accords d’entreprise – les choses se sont relativement accélérées depuis. Lundi, les sénateurs ont examiné 114 amendements. A minuit, à la fin de la séance, il en restait 414 à examiner, soit plus de la moitié, sur les 1.000 amendements déposés.
Après avoir adopté l’article 10 sur les référendums d’entreprise (voir notre article sur le sujet), les sénateurs ont adopté l’article 11 sur les accords dit « offensifs » pour l’emploi. Ils sont dans la lignée des accords de maintien de l’emploi, modifiés par la loi Macron, qui permettent à une entreprise de modifier le temps de travail ou la rémunération en cas de graves difficultés économiques.
Clause de retour à meilleure fortune
Dans le texte du gouvernement, il s’agit d’étendre cette philosophie à un accord d'entreprise « conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi ». Les modifications au contrat de travail peuvent se faire « en matière de rémunération (soit ici la rémunération horaire, ndlr) et de durée du travail ». Soit par exemple augmenter la durée du travail sans augmentation. Précisions importantes : un accord « ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié ». En cas de refus de l’accord par un salarié, il peut en revanche se faire licencier.
Mais la majorité sénatoriale de droite et du centre est allée plus loin. En commission, ils ont permis qu’un accord offensif permette une baisse de salaire, excepté pour les rémunérations en dessous de 1,2 Smic. Cependant, en séance, le co-rapporteur LR Jean-Baptiste Lemoyne est en partie revenu sur la modification qu’il avait lui-même défendue en commission. « En cas d’accord de développement de l’emploi, la rémunération mensuelle des salariés ne pourra pas être diminuée » précise l’amendement du rapporteur, qui ne concerne en revanche pas le cas d’un accord de préservation de l’emploi. Autre ajout du Sénat : une clause de retour à meilleure fortune pour le salarié, en cas de santé retrouvée pour l’entreprise. « La commission prend à la fois les besoins collectifs de l’entreprises et ceux des salariés » défend Jean-Baptiste Lemoyne.
« Les accords sur l’emploi constituent une véritable bombe » pour les communistes
Qu’il s’agisse de la version de la commission ou de celle du gouvernement, la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann pointe les effets de l’article 11. « J’entends bien qu’on ne peut pas baisser les salaires, (…) mais on peut travailler plus pour avoir le même salaire, ce qui revient à baisser la rémunération » souligne la sénatrice frondeuse. Elle ajoute : « Petit à petit, on se met sur un terrain bien connu, celui du Medef, (…) qui cherche une dynamique économique par des reculs sociaux ».
La sénatrice communiste Laurence Cohen est tout aussi claire : « Pour notre groupe, c’est non ». « Les accords sur l’emploi constituent une véritable bombe. (…) Les employeurs n’auront plus à justifier leur licenciement » renchérit la sénatrice. Même opposition du sénateur EELV Jean Desessard, qui sur de nombreux points est en accord avec les sénateurs PCF. Il s’oppose à cet article « en raison de la grande précarité dans laquelle il placerait les salariés ». « Le salarié devra faire un choix entre précarité et perte de son emploi » dénonce le sénateur de Paris.
Le groupe PS a défendu un amendement pour que les efforts concernent aussi les dirigeants d’entreprise. « Il semble plus mobilisateur pour l’ensemble de l’entreprise, notamment les salariés, que les efforts qu’ils seront amenés à consentir, le soient aussi par les dirigeants et les actionnaires » stipule l’amendement. Il n’a pas été adopté. « C’est dommage » a réagi le sénateur UDI Gérard Roche. Un peu plus tôt dans les débats, il avait voté un amendement du gouvernement sur les accords d’entreprise et le référendum. Il pointe « une très mauvaise image » « vis-à-vis du public ».
Public Sénat :: lien