« La question identitaire est la question centrale et toutes les autres sont secondaires. Un pays peut perdre sa souveraineté, mais il ne peut survivre en perdant son identité », assène Philippe de Villiers dans le numéro 2 du magazine France, où il succède, en couverture, à Marion Maréchal-Le Pen.
L’entretien exclusif que Philippe de Villiers a accordé à France s’étale sur dix pages. Le fondateur du Puy du Fou y cite ce propos que lui avait tenu Alexandre Soljenitsyne en 1993 : « Un pays peut perdre sa souveraineté et c’est grave, mais le plus grave c’est s’il perd son identité. » Soljenitsyne avait ajouté : « Mais vous avez, à l’est de l’Europe, des pays qui ont perdu leur souveraineté (on se souvient de la souveraineté limitée de Brejnev) mais qui ont gardé leur identité. Ces pays s’en sortiront. » Mais la France ? Mais le reste de l’Europe ? Extraits de ce magnifique entretien avec Philippe de Villiers.
France : Vous diriez que la double menace dont vous parlez est historique pour la France, vitale peut-être même ?
Philippe de Villiers : La menace est vitale, unique et inédite, oui. La France a connu des périodes extrêmement difficiles, parfois de guerre civile, souvent de guerres extérieures et elle a très souvent été occupée depuis la Révolution française. On a transformé le peuple français en chair à canon au nom d’une idéologie du genre humain avec laquelle la patrie devenait non pas la terre charnelle, mais un outil au service même de l’idéologie.
Mais jamais une telle menace d’implosion et d’explosion à la fois n’a pesé sur la France. Nous n’avons jamais vu s’installer sur notre territoire, avec l’aide de la cinquième colonne de nos élites, une population appartenant à une autre civilisation incompatible avec la nôtre et avec un taux de fécondité différentiel qui laisse peu de doute sur l’issue démographique.
La seule question importante pour les quelques années qui viennent, avant qu’il ne soit trop tard, c’est la question de l’identité française. La question identitaire est la question centrale et toutes les autres sont secondaires. Un pays peut perdre sa souveraineté, mais il ne peut survivre en perdant son identité. Un pays peut être accablé d’impôts, mais s’il garde son identité, il pourra se libérer.
Car un pays qui perd son être, sa substance, la science exacte de son passé et de son patrimoine, qui perd sa langue, porte d’accès à ses chefs d’œuvre et vecteur de la compréhension de lui-même, ne peut survivre.
Je ne dis pas ça pour paraître romantique, mais parce que l’Histoire nous l’enseigne. Nous connaissons des cas glorieux de nations, de grandes cités, et même de civilisations qui ont disparu. Il ne faut jamais oublier le mot de Paul Valéry : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Les Amérindiens, les Spartiates, les Grecs, Athènes et Rome ont disparu.
France : Pour vous, il faudrait donc défendre l’identité avant la souveraineté ?
Philippe de Villiers : La question identitaire est liée à la question de la souveraineté, mais elle prime sur cette dernière et je vais vous expliquer pourquoi. Un pays qui n’a plus le pouvoir ne peut plus se commander lui-même. Quand il est commandé par d’autres, il est une colonie. C’est notre cas, nous sommes une colonie des firmes a-nationales qui conduisent la politique américaine, puisque les commissaires de Bruxelles ne sont que des pantins.
Les Polonais ont connu cette situation, les Hongrois aussi, mais ils n’ont pas perdu leur identité. Ils ont cultivé leurs souvenirs, leurs affections, leurs us et coutumes, leurs traditions, leurs équilibres, ils ont gardé leurs tissus.
Dans le cas français, c’est au moment où nous perdons notre souveraineté que nous perdons également notre identité. Prenons un exemple : la ministre de l’Éradication Nationale, Najat Vallaud-Belkacem, fait bien son travail, elle détruit tout. C’est l’Attila de l’éducation, il ne repousse pas d’herbes derrière elle et c’est bien la mission qui est la sienne : détruire les humanités, la langue française et l’histoire de France et en finir avec la liberté de l’école.
Alors la question est simple : combien de temps un pays peut-il vivre en tenant ses enfants dans l’ignorance de sa propre histoire ? Ou pire encore : combien de temps un pays peut-il survivre quand il donne à ses enfants une image ignominieuse de son propre passé ? Est-ce qu’un pays peut survivre lorsqu’il pratique ad nauseam la honte de lui même ?
Nous sommes devenus un pays dans lequel on ne propose plus nos drames, nos larmes, nos gloires, nos fiertés. Nous prenons donc le risque que des jeunes qui habitent chez nous aillent chercher ailleurs d’autres drames, d’autres larmes, d’autres gloires et d’autres fiertés. Aujourd’hui, les héros qui sont mis à la dispositions de la jeunesse française sont doubles : les héros consuméristes sans âme de la Coca-colonisation ou alors les héros du djihad.
Je me souviens avoir dit un jour à Pasqua : « Toi et moi voulons le retour à la souveraineté, très bien. Mais après, qu’est ce qu’on en fait de la souveraineté ? » Il nous faut bien sûr rétablir la souveraineté mais surtout retrouver notre identité, la préserver tant qu’il est encore temps.