Incarnation chez les progressistes du camp du bien, la calamiteuse Hillary Clinton, candidate des médias, voit «probablement la fin d’un long cauchemar» se réjouissait Le Monde cette semaine puisque «le FBI a recommandé de ne pas poursuivre la candidate démocrate pour avoir utilisé sa messagerie personnelle quand elle était secrétaire d’Etat entre 2009 et 2013.» Son rival Donald Trump, a dénoncé un système « totalement truqué». Il a ironisé sur le fait que Bernie Sanders, le challenger démocrate malheureux de Mme Clinton avait « perdu les primaires du FBI » et s’est ému de ce que Bill Clinton ait été récemment aperçu en plein entretien sur le tarmac d’un aéroport avec Loretta Lynch, la secrétaire à la Justice, dont le ministère chapeautait l’enquête du FBI sur sa femme… Ce que ne rapporte pas Le Monde mais que souligne le site de RTL c’est que le directeur du FBI , James Comey, a été aussi très cinglant en affirmant que Mme Clinton et «ses collaborateurs» ont fait preuve d’une «négligence extrême» et que «toute personne sensée occupant la fonction de Mme Clinton (…) aurait dû savoir» qu’un serveur non protégé ne pouvait accueillir des informations classées secret défense. Les informations contenues dans les emails, elles, étaient «classées secrètes par la communauté américaine du renseignement au moment où elles étaient échangées.»
Stéphane Montabert sur le blogue Contreproints.org, relève que «malgré les dénégations (du directeur du FBI) , c’est évidemment un verdict politique (qui a été rendu au profit de Mme Clinton), le seul qui puisse épargner la candidate démocrate dans sa campagne électorale. Mais Hillary Clinton n’en sort pas indemne. Le grand public américain est bien plus au courant des tenants et aboutissants de cette affaire, et la décision du FBI suscite une indignation légitime.»
«Beaucoup de gens ont le sentiment qu’il y a une justice pour le bas peuple et une autre justice, infiniment bienveillante, pour les puissants ; difficile de les contredire. Lorsque Donald Trump qualifie continuellement Clinton de crooked Hillary (crooked pour malhonnête, véreuse, tordue…) sur Twitter, il n’est que l’écho du sentiment de nombreux Américains. Mme Clinton s’en sort peut-être indemne légalement, mais elle aura fort à faire jusqu’aux élections pour changer son image de politicienne corrompue, hypocrite et au-dessus des lois.»
Frédéric Autran, correspondant de Libération à New York, qui décrit M. Trump comme «un dingue», estime, comme la plupart des observateurs, que l’appui de Barack Obama pourrait dans ce contexte se révéler déterminant pour la démocrate car «avec à peine 40% d’opinions favorables, l’ancienne secrétaire d’Etat continue d’inspirer de la défiance à une majorité d’Américains (…). Le camp républicain (…) ne cesse de dénoncer le manque de droiture et d’honnêteté d’Hillary Clinton. Signe que ce sentiment est profondément ancré au sein de l’électorat, un récent sondage NBC News/Wall Street Journal donne un large avantage à Donald Trump (41% contre 25%) en matière d’honnêteté et de fiabilité.»
Cela n’empêche pas Barack Obama de s’engager activement en faveur d’Hillary Clinton, notamment mardi lors d’un meeting commun à Charlotte (Caroline du Nord), «tous deux ont débarqué de Washington à bord d’Air Force One, l’avion présidentiel» indiquait Le Monde. «Pourquoi Barack Obama est-il autorisé à utiliser Air Force One pour les déplacements de campagne avec la malhonnête Hillary ? Elle vole avec lui, mais qui paye pour cela ?» s’est interrogé M. Trump.
Pas de quoi entamer les certitudes de M. Obama: « Je suis prêt à passer le relais, et je sais qu’Hillary Clinton peut gagner la course ! , a lancé le président, qui s’est livré à un panégyrique de la candidate, louant sa force et son leadership: Hillary a ce qu’il faut pour devenir commandant en chef (…) jamais il n’y a eu un homme ou une femme aussi qualifié pour ce poste.»
«Les traces que l’âpreté de la primaire démocrate de l’élection de 2008 avait pu laisser entre les deux rivaux semblent définitivement effacées.» En effet l’équipe de M. Obama, fut à l’époque contrainte de se séparer d’une conseillère qui avait déclaré que Mme Clinton était « un monstre prêt à toutes les bassesses». Dans le camp d’en face, Geraldine Ferraro, trésorière de la campagne d’Hillary Clinton, avait affirmé que «si Barack Obama était blanc, il ne serait pas dans cette position. Ni s’il était une femme. Il a beaucoup de chance d’être ce qu’il est.» Mme Clinton avait mollement condamné ce jugement, tout comme elle avait laissé planer le doute sur la confession musulmane de M. Obama.
Dans son livre-enquête très fouillé, «Obama vs Clinton, la guerre des clans», Edward Klein, journaliste au NY Times, décrit en détail la haine entre les deux coteries, et cite cette phrase pleine de mépris de Bill Clinton: «Obama ? À une époque, il nous aurait servi notre café ».
Il sert aujourd’hui la soupe à la très inquiétante Mme Clinton dont Marine vient de rappeler dans l’entretien qu’elle a accordé à Valeurs Actuelles que contrairement à Donald Trump, («un homme libre»), «elle incarne tout ce que les Etats-Unis ont pu construire et exporter de néfaste dans le monde en termes de modèle économique, de choix internationaux.»
Candidate démocrate avec laquelle M.Trump, qui entend aussi séduire les Américains sensibles au discours de Bernie Sanders sur les effets pervers de l’ultra libre échangisme et de la mondialisation, a très sensiblement réduit son écart dans les intentions de vote. Seuls cinq points séparent aujourd’hui selon les sondages les deux adversaires contre onze points il y a deux mois
Pour autant, «selon le dernier baromètre du site Real Clear Politics, 87% des électeurs démocrates approuvent l’action de Barack Obama. Un soutien quasi-unanime dont la candidate démocrate espère récolter les bénéfices. Si le Président parvient à galvaniser la fameuse coalition qui l’a élu puis réélu à la Maison Blanche, notamment les jeunes (davantage séduits par Bernie Sanders) et l’électorat noir» souligne Libération.
En novembre 2012, Adèle Smith dans un article du Figaro consacré à la réélection de M. Obama («Barack Obama élu grâce aux minorités») constatait que son adversaire républicain, Mitt Romney,avait remporté «une part plus importante du vote blanc que n’importe quel autre candidat républicain depuis Ronald Reagan en 1984 (59 %),» mais avait chuté devant «l’Amérique bigarrée et rajeunie d’aujourd’hui (…). La part de l’électorat de couleur a été multipliée par trois ces quatre dernières décennies et représente 27 % du total aujourd’hui. Les femmes représentent environ 53 % de l’électorat.»
«Ainsi, alors que la part de l’électorat blanc a légèrement baissé depuis 2008 pour s’établir à 72 % mardi, celle des minorités a légèrement augmenté. Celle des Hispaniques par exemple est passée de 9 % à 10 % et Barack Obama a remporté autour de 71 % de leur vote (…). Le premier président de couleur a remporté 93 % du vote des Afro-Américains, majoritairement démocrates et anxieux à l’idée de perdre le premier président de leur race», a su séduire également «les femmes célibataires et celles issues des minorités», «un électorat largement progressiste sur les questions de société» de par son soutien, «quoi qu’un peu forcé», au mariage homosexuel.
Américains qui, progressistes ou pas, constatent la permanence de tensions ethniques et/ou d’une violence sociale qui divisent profondément un pays né de l’immigration lequel, malgré les promesses de l’avènement d’une société post-raciale symbolisée par l’élection d’Obama, reste divisé sur une base communautaire… comme le sont toutes les sociétés multiraciales.
Des manifestations se sont déroulées dans plusieurs villes des Etats-Unis ces dernières heures pour protester contre la mort de deux hommes noirs tués par les forces de l’ordre, l’un en Louisiane, l’autre dans le Minnesota. Barack Obama a tenu à réagir à l’émotion suscitée par ces deux affaires. Il a affirmé «que ces fusillades meurtrières ne sont pas des incidents isolés» mais «symptomatiques de défis plus larges au sein de notre système judiciaire» et «des disparités raciales qui apparaissent dans le système année après année et le manque de confiance qui en résulte entre les forces de l’ordre et de trop nombreuses communautés». Un manque de confiance qui a aussi coûté la vie à quatre policiers, tués par des tirs hier pendant un rassemblement à Dallas (Texas)contre le racisme (réel ou supposé) de la police. Il faut savoir aussi si l’on entend racialiser ce débat, comme le fait le président Obama, qu’il y beaucoup plus de blancs tués chaque année aux Etats-Unis par des Afro-américains que l’inverse.
Utiliser la carte des minorités, profiter (susciter parfois) des antagonismes entre communautés, ou à tout le moins jouer la carte des clientélismes ethnico-religieux, est une pratique que certains entendent acclimater en France. Les sociaux-démocrates de cette deuxième gauche favorable a mondialisation sans frein, à la financiarisation, ralliée à l’euro-atlantisme qui animent le laboratoire d’idée (Think tank) Terra Nova (son conseil scientifique était présidé par Michel Rocard), avaient théorisé ce que le PS n’ose pas formuler clairement. A savoir la nécessité pour se maintenir au pouvoir d’utiliser l’atomisation (encouragée) du corps social, de susciter, de mobiliser des coalitions de minorités, afin de damer le pion à une classe ouvrière qui réclame un État-nation fort, protecteur, défendant notre identité et notre souveraineté nationales. Bref des catégories populaires constate Bruno Gollnisch, et de manière croissante des classes moyennes, qui ne partagent plus les valeurs la gauche mais celles du Front National. Un clivage, deux visions du monde bien présents des deux côtés de l’Atlantique et qui seront au cœur des déterminantes échéances électorales à venir.