Ils étaient déjà 23 % en 2007 : les Français sont aujourd’hui près de 40 % à estimer que la présence d’un roi au sommet de l’Etat aurait des conséquences positives sur l’unité nationale et la stabilité gouvernementale. Tels sont les chiffes, sans appel, d’un sondage réalisé par BVA pour l’Alliance Royale à la fin du mois d’août, auquel les médias de l’oligarchie, à l’exception notable du Figaro, se sont bien gardé de donner l’importance qu’il méritait à l’aube d’échéances politiciennes dont ils font leurs choux gras.
Pour 31 % des Français (contre 24 % en 2007), remplacer le président de la République par un monarque donnerait une meilleure image de la France dans le monde, 29 % d’entre eux étant même prêts à voter pour un candidat royaliste au premier tour de l’élection présidentielle (20 % en 2007), ce qui, si ce chiffre se vérifiait, pourrait compromettre bien des plans tirés sur la comète par ceux qui croient leur présence au second tour inéluctable uniquement parce que les médias officiels le leur font croire.
Cette progression est évidemment due à la façon dont nos deux derniers présidents ont dévalorisé la fonction présidentielle, ce qui prouve bien, comme l’a judicieusement compris Emmanuel Macron, que les Français n’ont jamais fait leur deuil de la figure royale. Montebourg ou Mélenchon se trompent lorsqu’ils visent, dans une VIe république, une dévalorisation encore plus grande de l’exécutif. C’est au contraire l’autorité que les Français plébiscitent, une autorité non pas stupidement répressive, comme sait l’être la Marianne quand il lui prend de montrer les muscles, mais créatrice de lien social parce que placée au-dessus de partis qui ne représentent que leurs propres intérêts ou les intérêts de ceux dont ils sont la courroie de transmission. Pour Frédéric Rouvillois, professeur de droit constitutionnel à Paris-Descartes, ces chiffres sont « très impressionnants [...]. Dans la mesure où la question de la monarchie est justement d’une brûlante inactualité, ce sondage révèle comme des lames de fond ou des courants en profondeur qui agitent l’opinion publique » [1].
« Brûlante inactualité » : l’oxymore dit l’essentiel, à savoir l’insatisfaction profonde des Français face à un régime qui, non content de ne pas leur assurer du travail et de se satisfaire d’une gestion sociale du chômage, d’ailleurs de plus en plus onéreuse, ne les protège même plus. Et je ne parle pas seulement des attentats : l’Europe, l’immigration, la perspective d’un traité transatlantique nous livrant pieds et poings liés à l’hégémonie américaine et que Bruxelles négocie toujours, c’est la France dans son être charnel qui est menacée, c’est son unité sociale et culturelle qui est déchirée. Or le quinquennat d’Hollande a fini de déconsidérer une république qui ne semble plus qu’un talisman verbal aux yeux d’une grande majorité de nos compatriotes. Si « inactuelle », donc, que peut apparaître la question institutionnelle, le malaise des Français est bien « brûlant », tout simplement parce qu’est brûlante la situation du pays. Or, en France, comme par le monde, on a déjà vu les régimes les mieux établis s’effondrer en quarante-huit heures.
Un autre sondage, réalisé du 30 août au 1er septembre, c’est-à-dire en même temps que le précédent, mais par l’IFOP pour Atlantico, le confirme de manière tout aussi impressionnante : 75 % des Français ne sont pas touchés par l’emploi des termes « valeurs républicaines » et « république ». Comme l’observe Jérôme Fourquet, directeur du Département opinion publique à l’IFOP, on assiste là à « un phénomène de saturation », « en particulier en ce qui concerne les valeurs républicaines, avec une forte dégradation depuis mai dernier » (ils étaient 65% en mai 2015) [2]. Et on peut prévoir que la campagne électorale ne fera qu’aggraver ce phénomène ! Car on assiste parallèlement à une discrédit croissant de la parole politique : les Français ne se sentent « davantage touchés » qu’à 26 % (contre 38 en mai 2015) quand les politiques leur parlent d’identité nationale. Pourquoi ? En raison, évidemment, « du décalage observable entre les valeurs proclamées et les valeurs déclinées dans la réalité »[2].
On n’en sera pas étonné, c’est au FN que la thématique de l’identité nationale est la plus forte : 48 % s’y sentent « davantage touchés » par cette thématique, contre 10 % par celle de la république. Ce qui se traduit pas un autre décalage croissant : entre le discours officiel du FN et son électorat. Lorsque Marine Le Pen centre son propos sur la république ou les valeurs républicaines, elle délaisse 90 % de ses électeurs ! Un décalage que confirme le sondage sur la monarchie : alors que seuls 4 % des sympathisants de la gauche seraient favorables à l’exercice du pouvoir par un Roi, ils sont 37 % au Front National ; quand à peine 20 % des sympathisants de gauche estiment qu’un roi à la tête de la France peut avoir des conséquences positives sur l’unité nationale, ils sont 55 % au FN ! Comme le commente encore Frédéric Rouvillois, « ce qui est curieux, c’est qu’une partie importante des électeurs du Front national sont d’anciens électeurs de gauche ! Autrement dit, ces anciens électeurs de gauche, en allant vers le Front national, s’aperçoivent qu’une forme monarchique du pouvoir pourrait s’avérer positive »[1].
Et gageons que ce décalage croissant pourrait même finir par lasser les meilleures volontés si le parti continue d’en rajouter dans la surenchère laïciste pour contrer la surenchère islamiste. Etendre à tout l’espace public l’interdiction du port non seulement du voile islamique mais également des « grandes (sic) » croix et des kippas serait faire preuve d’aveuglement et donc de faiblesse puisque cela reviendrait à tomber dans le piège tendu par les islamistes : amener le législateur français à traiter de la même façon la tradition judéo-chrétienne, qui fait corps avec notre être, et des provocations identitaires étrangères à notre sol. Mais comment en serait-il autrement lorsqu’on ignore la spécificité, tant charnelle que spirituelle, de notre nation pour une conception idéologique, désincarnée de la France — la laïcité, les valeurs républicaines — que, finalement, partagent LR, PS et FN ? François Hollande, le 8 septembre dernier, à la suite de Sarkozy le 8 octobre 2015, ne définissait-il pas la France comme une simple « idée », évidemment soluble dans cette autre idée qu’est la république ...et, surtout, la conception que se fait de cette même république Terra Nova, le groupe de réflexion socialiste devant lequel il s’exprimait salle Wagram ?
On a beau jeu, ensuite, de reprocher au maire de Béziers sa reprise, du reste peu originale, de la phrase hypothétique de De Gaulle sur la France, pays de race blanche. Voilà à quelles oppositions stériles entre des définitions de la nation aussi fausses l’une que l’autre aboutit le refus de toute rigueur et formation intellectuelles pour l’électoralisme le plus immédiat. Un jeune campeur d’Action française pourrait, à la fin de sa première université d’été, renvoyer dos à dos tenants d’une conception idéologique et d’une conception ethnique du peuple français, lequel « est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation », selon le mot de Bainville. Encore faut-il qu’une laïcité oublieuse de son inspiration chrétienne ne dissolve pas ce composé qui doit être pensé dans son unité culturelle, spirituelle et historique. à la veille d’échéances importantes, ne réduisons pas la France à un ectoplasme conceptuel pour le plus grand bonheur des mondialistes !
François Marcilhac - L’AF 2939
[1] Le Figaro du 2 septembre 2016 [2] Sur Atlantico le 5 septembre 2016
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Editorial-de-L-Action-Francaise,10896