Oui, il existe une gauche en France et elle bouge encore: avec environ deux millions de votants à ce second tour des primaires (un million de moins qu’en 2011), un seuil symbolique de participation a été atteint dimanche et il a été fatale à Manuel Valls, nettement devancé par Benoit Hamon qui a totalisé 59% des suffrages. Une victoire à la Pyrrhus à écouter son adversaire malheureux qui, dans son discours actant sa défaite hier soir, n’a pas manqué de se livrer à son habituel plaidoyer pro domo, de dénoncer rituellement le FN et sa candidate, mais s’est surtout déjà posé implicitement en recours face à l’échec programmé de M. Hamon à cette présidentielle. Un exercice difficile pour M. Valls qui doit taper sur le programme irréaliste de l’aile gauche du PS, tout en essayant de ne pas faire le jeu d’un Emmanuel Macron qui est pour l’avenir son concurrent direct sur le créneau dusocial-réformisme et de l’euroatlantisme.
Il a été dit, et c’est juste, que l’ex ministre de l’Intérieur et Premier ministre de François Hollande a payé les déceptions générées par ce désastreux quinquennat sur le plan économique et social, son image de rigidité, d’autoritarisme, la loi el Khomri, le 49-3, les polémiques sur la déchéance de la nationalité, le burkini… Manuel Valls qui, comme Benoit Hamon, avait placé symboliquement sa campagne sous le signe des quartiers pluriels, a certainement été également la cible des électeurs de cette primaire se reconnaissant dans la nébuleuse gauchiste autour de Nuit Debout; de ceux issus notamment de la diversité, dont certains sont sensibles aux mots d’ordre, aux consignes des associations communautaires ou d’une certaine extrême gauche dite pro palestinienne qui a fustigé son «sionisme». Nous touchons là aussi aux effets d’une primaire ouverte qui donne potentiellement aux adversaires d’un parti ou d’une ligne, la possibilité de peser de manière déterminante sur son destin…
Toute maison divisée contre elle même périra. C’est donc ce PS profondément clivé, déboussolé, écartelé que doit tenter de rassembler Benoit Hamon derrière sa candidature alors que grandit la capacité d’attraction de la planète Macron, nouveau chouchou des médias progressistes. Un soutien de M. Valls comme le député PS du Val d’Oise, Philippe Doucet, membre fondateur du Pôle des réformateurs, affirme d’ores et déjà que la moitié des 60 parlementaires socialistes appartenant à ce Pôle, députés et sénateurs pourraient être «tentés par l’hypothèse Macron ». Son collègue Gilles Savary, député de la Gironde, a expliqué à l’Afp: « C’est un droit de retrait de la campagne de (Benoît) Hamon, une sorte d’objection de conscience ».
La victoire de M. Hamon est une bonne opération pour M. Macron qui est en effet en droit d’espérer, y compris dans les urnes, le ralliement du courant social-réformiste. A contrario les mélenchonistes eux, font grise mine. Beaucoup sont soucieux de l’arrivée dans la cour des grands d’un Hamon dont la jeunesse, le style, le discours assumé de gauche radicale ringardiserait la candidature de Jean-Luc Mélenchon qui rêvait, suprême revanche, de battre le candidat du PS.
Jeudi dernier, M. Mélenchon, droit dans ses bottes, refusait toute idée d’alliance avec M. Hamon en cas de victoire de celui-ci. Une inflexion du discours s’est faite entendre dimanche, puisque contraint et forcé, le candidat soutenu par les communistes se félicitait d’une défaite de Valls, une « victoire du dégagisme », du succès de Benoit Hamon notant chez lui des « paroles si proches des nôtres », et évoquant «un fait qui donnera ses fruits le moment venu » . « C’est à nous qui avons porté ce choix tant d’années d’être à la hauteur pour le rendre victorieux, la campagne des Insoumis, et ma candidature sont là pour cela. Rien que pour cela». Est-il pour autant toujours le mieux placé?
Dès hier soir, Benoît Hamon a déclaré qu’il allait proposer à Yannick Jadot (EELV) et à Jean-Luc Mélenchon de construire « une majorité gouvernementale cohérente et durable pour le progrès social, écologique et démocratique ». Hier encore, le sondage sur la présidentielle de la Sofres pour RTL, Le Figaro et LCI plaçait Benoît Hamon à 13 % (15% en cas de non candidature Bayrou), tandis que Jean-Luc Mélenchon reculait très sensiblement avec 10 % des suffrages. Selon cette même enquête, Marine Le Pen resterait en tête de ce premier tour avec 25 % des intentions de vote, devant François Fillon et Emmanuel Macron dans un mouchoir de poche (respectivement 21% et 20%), François Bayrou (5 %) et Nicolas Dupont-Aignan (3 %) fermant la marche. Il est à noter la remarquable fermeté des électeurs qui envisagent de voter pour la candidate de l’opposition nationale, populaire et sociale. Le choix des sondés est ainsi le plus sûr pour Marine Le Pen (77 %) devant François Fillon (62 %) et Emmanuel Macron (38 %).
« Le problème de François Fillon, c’est le problème de la confiance entre le candidat et les Français » notait Marine cette fin de semaine sur TF1, évoquant les affaires qui touchent d’ailleurs également Emmanuel Macron. Le défi de Marine et de ses soutiens, lui, est de présenter dans les prochaines semaines les 144 engagements du programme à paraître. Un travail d’explications et de présentation d’un programme cohérent mais alternatif aux politiques mortifères menées depuis des décennies par la droite et la gauche euromondialistes, mais très loin aussi des travers de la gauche démago et internationaliste.
Bruno Gollnisch était hier invité de la traditionnelle Galette des Rois organisée par la fédération du FN de la Haute-Garonne, dirigée par le dynamique Julien Leonardelli. Dans une chaude ambiance, 400 militants avaient fait le déplacement pour écouter le député et membre du Comité stratégique de la campagne de Marine. Bruno a redit à cette occasion en quoi son programme était «parfaitement réaliste». Oui, « la France peut redevenir une grande puissance », peut recouvrer son indépendance, sa prospérité, son identité. Comme au Royaume-Uni avec le Brexit, comme auxEtats-Unis avec la victoire de Trump, il est impératif que les Français rejettent oukases, menaces et leçons de morale professés par le Système et/ou ses chiens de garde, de Fillon à Mélenchon, de Hamon à Macron, du Medef à la CGT. Bref, que nos compatriotes suivent leur instinct, écoutent leur cœur et votent enfin pour leurs idées, c’est cela le dégagisme bien compris !