Un à un, les Commissions sénatoriales valident les hommes & femmes choisis par le 45ème président des États-Unis, Donald J. Trump. Foulant aux pieds tous les usages de la Grande république étudiée par Tocqueville, les Démocrates multiplient les obstacles, alors que Intel, sentant le vent qui balaye l’America First lui chatouiller les oreilles, vient d’annoncer 7 Md$US d’investissements aux USA. À ce petit jeu du mauvais perdant, c’est à se demande si le parti des Clinton, Obama & Sanders n’est pas en train de creuser de ses propres mains sa tombe politique. 2ème Partie.
« Il est de tradition de ne prendre aucune décision stratégique la dernière année d’un deuxième mandat, encore moins le dernier et absolument rien la dernière semaine. On n’engage pas une politique qu’on ne ne peut plus suivre. Si le nouveau président a une stratégie différente il ne peut plus l’exercer. Il complique la tâche de son successeur à qui il a ouvert plusieurs chantiers ces dernières semaines tant sur le plan intérieur qu’international. Jamais arrivé avant ».
Eber Addad
Les enquêtes autour des Clinton peuvent-elle redémarrer ?
Jacques Borde. Oui, tout à fait. D’ailleurs, la directrice de la campagne présidentielle de Donald Trump, Kellyanne Conway, interrogée sur le sujet, n’avait pas exclu que Trump puisse, à un moment donné, désigner un procureur spécial pour enquêter sur le cloaca maxima des Clinton. Histoire de tirer ça au clair une fois pour toute.
« Si je gagne, je vais donner l’ordre à mon ministre de la Justice de nommer un procureur spécial pour faire la lumière sur votre situation, parce qu’il n’y a jamais eu autant de mensonges, autant de choses cachées », avait d’ailleurs affirmé le candidat républicain lors du deuxième débat présidentiel.
Le fera-t-il ? Est-ce même utile ? Ne suffit-il pas de laisser la machine judiciaire avancer motu proprio ? Les fameux « spectres d’Hillary » évoqués par Jacques Sapir lors de la campagne des présidentielles US.
En tout cas, désormais le clan Clinton va devoir vivre avec une sacrée épée de Damoclès au-dessus de la tête. Juste retour des choses, car avec cette famille, les turpitudes, il y en a toujours une de plus qui vient s’ajouter aux précédentes, pavent leur vie politique…
Et, à quoi pensez-vous au juste ?
Jacques Borde. Oh, après la moiteur golfique, le frimas bernois, si je puis dire. C’est au tour du Schweiz am Sonntag de nous avoir rafraîchi lamémoire en rapportant comment la Direction du développement & de la coopération (DDC), soit l’organe du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) en charge de la coopération internationale, a versé en 2011 près de 500.000 francs suisse à la Fondation Clinton du temps, évidemment, où Hillary R. Clinton était US Secretary of State.
Or, toujours selon ce confrère suisse, Hillary R. Clinton était une partenaire des négociations autour différend fiscal opposant Suisse et États-Unis. Si tout ça ne relève pas du conflit d’intérêt, voir plus, cela y ressemble beaucoup. Un peu comme le débat qui agite Paris quant aux relations de François Fillon et le groupe AXA, même si comparaison n’est pas raison.
Au-delà, je ne suis pas assez calé en droit pour vous dire comment les choses vont se passer. Mais comme l’avait écrit Jacques Sapir, « les spectres d’Hillary » existent bien et pourraient fort venir la hanter.
Ces spectres, cela fait deux fois que vous les évoquez. Quels sont-ils au juste ?
Jacques Borde. Ce, ou plutôt ceux dont nous avons déjà parlé :
1- on pourrait tout à fait assister à « une procédure portant cette fois sur la Fondation Clinton sur la base du statut RICO, autrement dit le Racketeer Influenced & Corrupt Organizations Act un statut qui fut créé spécifiquement pour lutter contre le crime organisé »1. Les atermoiements de l’ex-directeur du FBI, James B. Comey, n’étant, en l’espèce, qu’un élément du dossier.
2- Par ailleurs la machine judiciaire est déjà en marche sur d’autres affaires. Et sur ce point, la victoire de Trump ne fera probablement que permettre à la justice de passer plus vite. Jacques Sapir, s’interrogeant avant le 8 novembre 2016, avait noté qu’« Hillary Clinton devra répondre aux enquêteurs ou risquer une procédure, certes lourdes et très complexe, d’Impeachment . Elle sera donc nécessairement affaiblie durant au moins les deux premières années de sa présidence »2.
Plus généralement, notait alors Jacques Sapir, « Si elle devait trébucher, et laisser la victoire à Donald Trump, elle ne le devrait qu’aux erreurs répétées qu’elle a commise depuis ces dernières semaines. Même si elle est élue, il se pourrait bien qu’elle se pose comme Lady Macbeth le question du sang, à la fois réel et métaphorique, qu’elle a sur les mains… »3. Fort heureusement le peuple américain en a décidé autrement.
Laissons, sur ce point, le mort de la fin à Jacques Sapir qui conclut son propos en soulignant combien ce qui sortira de cette élection « …ne sera pas sans conséquences sur les relations internationales. L’émergence d’un polycentrisme mondial, ce que l’on appelle le »monde multipolaire » est plus que jamais à l’ordre du jour »4.
Donc pour vous c’est un manque de déontologie, à la fois judiciaire et médiatique ?
Jacques Borde. Oui, criant même. Mais il y a d’autres manières de présenter les choses qui posent problème…
Comment cela ?
Jacques Borde. Comme lorsque le Figaro posait cette question, d’une lâcheté ahurissante, se savoir si « Après l’attentat de Berlin, faut-il interdire les marchés de Noël en France ? ». On reste sans voit devant cette veulerie ordinaire.
Eber Addad, lui, soulignait à raison que « Supprimer ce qui est agressé, c’est ça que vous prônez au Figaro ? Se soumettre et se démettre, tout en même temps ! L’objectif des agresseurs et de terroriser pour détruire et faire abandonner ses valeurs à la société ! C’est ça que vous êtes prêts à accepter, bande de lâches et de traîtres ! Question ignoble et d’une révoltante lâcheté. Pourquoi ne pas proposer l’interdiction des camions aussi ? Déconcertants de conneries! ».
Là encore, j’ai l’impression de remonter dans le temps. Munich et Daladier et son explication benoîte de l’infâme. Se coucher encore et toujours. on croirait lire Gringoire et quelques titres de ces temps de honte et de trahison !
Autre élément : doit-on être si surpris que ça par un tueur infiltré ainsi dans la police turque ?
Jacques Borde. Non, bien sûr. Ankara paye évidemment là l’ampleur de la pagaille causée par les purges incessantes de l’administration Erdoğan au sein de ses structures de force, comme disaient les Soviétiques. Entendez : la Défense, l’Intérieur, la Justice, etc. !
Tout se paye un jour ou l’autre…
Mais, là, l’Occident paye aussi pour ses décennies de laxisme, d’incompétence et de décadence. Y compris dans les rangs de police européennes et leurs supposément si efficaces groupes d’intervention dont le Bataclan et l’Hyper-Casher ne nous ont que trop montré les limites. Lisez à ce sujet ce qu’en a écrit Michel Goya.
Vous n’êtes pas tendre ?
Jacques Borde. Faut-il l’être ? À force de nous tresser des lauriers, nous avons régressé. Mais, surtout, c’est la gouvernance politique qui porte la responsabilité de ces choses. Comme dit le proverbe chinois : Le poisson pourrit toujours par la tête. Là nous approchons de la queue, j’en ai peur !
Vous n’exagérez pas un peu ?
Jacques Borde. Non, pas le moins. Un simple exemple :
Tim Steffen, édile en charge de la Justice de Hambourg – membre des Grünen (Verts) – aurait retardé de plusieurs heures l’avis de recherche du terroriste tunisien de Berlin à diffuser sur les réseaux sociaux, handicapant la traque. Motif : ne pas déclencher le déchaînement de commentaires « haineux et racistes ».
L’incompétence et la bassesse à de tels seuils, ça ne s’invente pas ! Les victimes apprécieront…
Comme l’a souligné Slobodan Despot, dans un constat plus général, « La Russie intervient en Syrie à la demande du gouvernement légal. Les autres ingérences (USA, Turquie, OTAN) sont illégales. L’assassinat d’un ambassadeur américain ou turc lié à leurs opérations de flibuste n’en serait pas moins condamnable. Et je passe sur l’effarante disproportion entre les dégâts que peuvent commettre 70 avions russes depuis octobre 2015 en Syrie et ceux des armadas occidentales qui sévissent depuis les années 1990 au Moyen-Orient sans y avoir été invitées par personne. Mais l’essentiel est ailleurs. Nous connaissons, en particulier depuis la Bosnie ou l’affaire Merah-Squarcini, les relations très particulières entre les services spéciaux occidentaux et le milieu terroriste islamique. L’imprégnation de la police turque par les terroristes est-elle un avertissement pour d’autres pays ? ».
Mais, ne rêvons pas : dans nos ploutocraties gangrenées jusqu’à l’os, ce ne sont pas les Munichois perfusés à l’or wahhabî qui vont remettre les choses à plats.
Dernier exemple du merdier, excusez le terme mais, à ce stade, je n’en vois pas d’autre, Yves Chandelon, haut fonctionnaire de l’OTAN – rien de moins que l’auditeur général de l’OTAN – qui s’occupait des questions liées à la lutte contre le financement du terrorisme, a été retrouvé mort dans la ville d’Andenne en Belgique. Comme il l’avait évoqué à son entourage, il pensait avoir été suivi et avait reçu des appels « étranges ».
Du coup, il se serait étrangement suicidé. Avec une arme ne lui appartenant pas, alors qu’il en possédait… quatre !
L’enquête sur cette mort bien étrange est en cours. À savoir que la famille de Chandelon nie toute possibilité de suicide.
Dans tout ce paysage de désolation géostratégique, seules deux administrations empruntent une voie plus assurée : la russe et l’étasunienne. La seconde suivie de près par le Royaume-Uni et l’Australie. Back to Basics !
Notes
1 Jacques Sapir.
2 Jacques Sapir.
3 Jacques Sapir.
4 Jacques Sapir.
RICO, DDC, OTAN, FBI, James B. Comey, Clinton