Bref, le grand chambardement dans la continuité, s’agissant de mettre en œuvre ce qu’un Alain Juppé, avant lui, avait naguère conceptualisé. Pas facile, l’affaire devant être bouclée avant ce lundi prochain. Les possibles prétendants, trop connus ou pas assez, sont aussi souvent trop vieux pour être assez jeunes et vice versa.
Emmanuel Macron laisse pourtant entendre : « J’ai plusieurs profils en tête, dont un profil masculin et un profil féminin. » Ce sera donc un homme ou une femme, mais qui devra avoir ceci de commun d’être une sorte de transgenre politique. Petit détail qui a toute son importance, « ce ne sera pas un collaborateur, ni le porteur d’un agenda personnel ». Ce qui signifie qu’Emmanuel Macron ne veut pas d’un autre éventuel Emmanuel Macron, que ce soit à Matignon ou dans son gouvernement.
Et le même de nous faire savoir : « Ce sera quelqu’un qui aura une expérience dans le champ politique, les compétences pour diriger une majorité parlementaire et les compétences pour animer un collectif gouvernemental qui sera profondément renouvelé. » Si l’on résume, quelqu’un de pas trop jeune, une fois de plus, mais pas trop vieux non plus. Avec une solide expérience de la politique politicienne, mais sans excès. Un homme – ou une femme, donc – d’expérience, mais qui aurait tout à apprendre, qui saurait sans savoir, qui saurait ménager la chèvre et le chou, qui serait de gauche tout en étant de droite. Soit une prostipute qui aurait su conserver sa virginité, ou une rosière susceptible d’arguer d’un sacré paquet d’heures de vol dans la culotte. Nous voilà bien avancés.
Après, les noms défilent déjà, tel qu’il se doit, entre les authentiques présélectionnés du casting et les autres qui s’y voient déjà alors que rien ne leur a été demandé. Et sont, dès lors, inscrits sur le carnet de bal :
Édouard Philippe, député-maire du Havre, ancien socialiste passé chez Les Républicains, tendance Alain Juppé tout en se réclamant de Michel Rocard.
Bien de sa personne, malgré un look assez Village People, et parfait inconnu du grand public.Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense et poids lourd du précédent gouvernement. Élu sans discontinuer depuis 1978. Dans le genre renouveau, on a vu mieux.
François Bayrou, qu’on ne présente plus, mais dont la cote en matière de fidélité politique n’est pas exactement au top. Lui, au moins, est connu de tous, et c’est peut-être bien ce que certains lui reprochent.
Jean-Louis Borloo, qu’on ne présente plus non plus, éternel vieux jeune homme à la mine toujours un peu chiffonnée. Il est prétendu que le courant passe mal entre les deux hommes, mais quelle idée, aussi, de lui mettre plus de glace que de whisky dans son verre…
Richard Ferrand, secrétaire général d’En Marche !, élu socialiste en 2012, il a été le rapporteur de la loi Macron à l’Assemblée et entretient les meilleures relations avec Renaud Dutreil, ancien ministre sarkozyste et fondateur du club La droite avec Macron. L’un des plus plausibles, malgré un indéniable charisme d’huître pas tout à fait fraîche.
Gérard Collomb, le maire de Lyon, rallié de la première heure mais qui, à bientôt soixante-dix balais, n’a plus rien du perdreau de l’année.
Anne-Marie Idrac, proche de François Bayrou. Une femme, évidemment, ancien secrétaire d’État aux Transports dans le premier gouvernement chiraquien de 1995, mais un visage présentant l’insigne inconvénient d’être trop connu sans avoir jamais été célèbre.
Sylvie Goulard, encore une proche de François Bayrou. Même punition, même motif, quoiqu’en pire, sachant qu’elle n’a jamais été ni connue ni encore moins célèbre. Pour couronner le tout, elle a largement passé l’âge de se faire passer pour une jeune pousse.
Après, demeure toujours une possibilité jusque-là négligée. Le soir de son discours, place du Louvre, le 7 mai dernier, rappelez-vous le gros plein de soupe scotché derrière le tout nouveau Président en ce touchant cliché de famille nombreuse. Si, si, celui qui avait trouvé malin de se présenter à la cérémonie avec un tee-shirt de camionneur et une casquette de baseball, sorte de sosie quasi officiel du cinéaste américain Michael Moore. Eh oui, pourquoi pas lui ? Dans cette jolie foire d’empoigne qui s’annonce, nul doute qu’il présente une belle tête de vainqueur.
Nicolas Gauthier Journaliste, écrivain