On allait voir ce que l'on allait voir. À Bruxelles le nouveau président français devait marquer le grand retour de la France dans les institutions européennes, et ainsi parfaire un triomphe hexagonal confirmé par les élections législatives.
Il avait commencé cette chevauchée promise par un long entretien publié, civiquement pour ne pas dire complaisamment, par Le Figaro (1)⇓.
On y apprenait que "l'Europe n'est pas un supermarché." Cibles de cet aphorisme : les pays d'Europe centrale et orientale que nos gros moyens de désinformation ont réappris – sur quelles consignes ? – à appeler "pays de l'est". Cette expression insupporte au plus haut point les intéressés qu'elle renvoie insidieusement à la situation qui résultait, de 1945 à 1991, du système scellé à Yalta. On ne devrait jamais la laisser passer.
Certes en France un fort courant d'optimisme conduit aujourd'hui nombre de commentateurs à s'aligner sur la glorification du Prince. Et on ne s'étonnera pas de voir exceller, dans ce registre, le champion de la brosse à reluire le politologue conformiste Alain Duhamel. (2)⇓
Les principaux journaux, Le Monde, Les Échos, Le Figaro, embouchent ainsi la même trompette pour jouer la même çonnerie. À les lire, le "sommet", appellation fausse que nos médias persistent à utiliser pour désigner le Conseil européen, avait mis en vedette notre président préféré et ses propositions pour "relancer l'Europe".
Ce genre d'éléments de langage s'articulent sur des discours dont le contenu réel se révèle absolument creux. À cette éloquence particulière notre nouveau chef de l'État semble décidé à consacrer son talent certain, prédisposé au vide oratoire.
La présentation à l'avance d'hypothétiques décisions concrètes supposées intervenir au soir du 23 juin a donné lieu de ce point ce vue à un festival exemplaire ;
On devait voir ce que l'on allait voir.
Et en effet, on a vu : on a vu qu'il n'y avait rien.
Ne disons pas que Français et Allemands ne sont d'accord sur rien : Mme Merkel, malgré son implication dans une campagne électorale qui freinera sa prise de position jusqu'en septembre se montre clairement d'accord pour que Paris ne prenne aucune initiative internationale ou européenne sans s'être au préalable concerté avec elle. On appellera cela désormais le couple "M&M".
La solidarité entre Macron et Merkel ira jusqu'à emboîter le pas de la chancelière sur ses décisions de 2015, sur lesquelles elle se trouve obligée elle-même de revenir en matière migratoire, jouant, comme toujours, sur l'ambiguïté entre réfugiés et migrants économiques.
"Nous devons accueillir des réfugiés, affirme ainsi Macron, car c’est notre tradition et notre honneur. Et je le redis ici, les réfugiés ne sont pas n’importe quels migrants. Ce ne sont pas les migrants économiques, ce sont des femmes et des hommes qui fuient leur pays pour leur liberté ou parce qu’ils sont en guerre ou pour leurs choix politiques. Nous devons ainsi faire preuve de solidarité quand un de nos voisins fait face à des arrivées massives de réfugiés ou de migrants."
Plus spectaculaire encore, dans les jours qui ont précédé la réunion des 22 et 23 juin, le bruit a circulé ainsi que l'Union européenne allait avancer, sous l'impulsion française, sur le terrain de la Défense européenne. L'illusion n'est pas nouvelle : elle s'était manifestée en 1998 lors des accords de Saint-Malo entre Blair et Chirac. Le gouvernement de Londres dut démentir immédiatement les surinterprétations chiraquiennes. Les Français ont changé de partenaire mais pas d'illusion, car les Allemands, pas plus que les Anglais, n'ont jamais cru au projet d'une défense européenne qui tournerait le dos à l'OTAN.
Bien entendu, la baudruche était largement dégonflée au soir du 23 juin, la Commission européenne ayant simplement réduit l'avancée à la mise en place, modeste, d'un cadre financier.
Ce que nos partenaires attendent de nous, c'est d'abord que nous appliquions nos engagements, notamment dans le domaine monétaire et budgétaire en cessant de dépasser la barre des 3 % de déficit et en cessant de demander de nouveaux délais comme l'ont fait tous les gouvernements parisiens depuis 10 ans.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. entretien réalisé par Isabelle Lasserre. ⇑
- cf. "Les vertus de la personnalisation présidentielle" par Alain Duhamel. ⇑