L'année qui vient de finir aura au moins apporté deux surprises qui ont un sens : l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, début janvier, et, début mai, celle d'Emmanuel Macron à la présidence de la République française.
Le premier, honni de la classe politique et médiatique du monde entier, était donné perdant jusqu'au dernier moment. Il arrive donc que ces gens-là se trompent ; qu'ils ne voient pas venir l'événement qui démentira leurs prévisions et décevra leur attente, puisqu'ils avaient choisi leur camp et diabolisé le camp adverse.
Trump pour le meilleur et pour le pire n'est rien d'autre qu'un retour du vieux nationalisme américain, égoïste si l'on veut, libéral quand cela fait les affaires de l'Amérique, protectionniste quand ça ne les fait pas. Trump et une large frange de l'opinion américaine, lassée de l'idéalisme d'Obama et de l'universalisme belliqueux du clan Clinton, se sont rencontrés et reconnus dans ce nationalisme simple et brut qui n'a nulle honte à s'affirmer comme tel et se trouve heureux d'avoir rangé ses complexes au placard des hypocrisies, seconde nature des dirigeants américains depuis bien longtemps. Trump est à cet égard tout à fait libéré et l'Amérique, semble-t-il, s'en trouve plutôt bien. Cela ne signifie pas que les conséquences soient forcément bénéfiques pour le reste du monde, par exemple pour l'Allemagne qui n'est plus l'interlocuteur européen privilégié de l'Amérique de Trump ; pour l'Iran après l'abandon de la politique de détente inaugurée par Obama ; pour les Palestiniens depuis que Trump a plus ou moins reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël : pour la Chine elle-même, de plus en plus concurrent n°1 des Etats-Unis malgré les protestations d'amitié, en attendant de devenir peut-être un jour, bien plus que la Corée du Nord ou que la Russie, l'adversaire principal de l'Amérique.
Mais le chef du Kremlin, s'il a, à la différence de Trump, des idées politiques et géopolitiques de grande ampleur, n'a pas de complexe non plus dès lors qu'il s'agit des intérêts de la Russie ni de doutes ou de scrupules lorsqu'il s'agit de la gouverner. Ainsi, le politique n'a-t-il pas disparu partout. En tous cas, il n'a pas disparu des deux pays les plus puissants du monde. Y ajouterait-on la Chine ou l'Inde que la remarque vaudrait tout autant. Entre ces grands Etats nationalistes croit-t-on que la compétition se limite à l'économie et à la finance comme la doxa aimerait à le croire ? Alors, que l'on observe les budgets militaires de ces puissances, leur redéploiement opérationnel à travers les points stratégiques du globe, leurs bases, les armements qu'ils y installent, toujours plus nombreux et plus sophistiqués, parfois loin de leur territoire. Rien ne dit que tout cela est investi, déployé pour ne jamais servir. Pour qui croirait à la fin du politique et / ou de l'Histoire, ce ne sont pas des confirmations que 2017 a apportées.
L'improbable élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République n'a pas consacré la fin de ce que nous appelons souvent - comme jadis De Gaulle - le Système. Peut-être même cette élection l'a-t-elle sauvé pour un temps. Mais elle est résultée de l'extrême lassitude des Français envers les présidences guignolesques qui venaient de se succéder, des partis discrédités et même méprisés, des politiciens médiocres et corrompus. Ils ont ainsi consenti, non sans jubilation, en attendant de voir, à ce que tout cela soit pulvérisé et dégagé en un rien de temps et que s'installe à la tête de l'Etat un homme nouveau, un brin étrange, jeune et décidé, d'apparence digne et avantageuse, ayant compris qu'il manque un roi à la France depuis quelques deux siècles et se montrant déterminé à en endosser les habits... Emmanuel Macron a surtout démontré comment l'on prend le pouvoir en France, comment un « coup » peut être tenté et réussi.
Après sept mois, le Système, dans ses fondements, perdure sous Macron, Les bons résultats économiques proclamés partout sont en réalité plus qu'incertains. Sans-doute illusoires. Le terrorisme reste une menace. L'immigration ne diminue pas et selon toute probabilité devrait au contraire grandement s'accroître notamment en provenance d'Afrique, l'inquiétude identitaire des Français, malgré le verbe présidentiel, demeure intense. Les questions dites sociétales continuent de les diviser...
La foi la plus clairement affirmée d'Emmanuel Macron semble être surtout européenne, mais systématiquement fédéraliste, en dépit de l'opposition déterminée de nombre de pays de l'Union et, secrètement, de l'Allemagne. La question des migrants et celle des souverainetés et des volontés identitaires de nouveau fermement affirmées devraient dominer pour longtemps l'évolution de la politique européenne. Elles jouent à l'encontre du projet Macron.
Pour la première fois depuis bien longtemps, les Français n'ont plus honte de leur président mais ils ignorent toujours qui il est, quel est le fond de sa politique. Pourra-t-il rester toujours une énigme ?
On le voit : si l'on était tenté d'accorder quelque crédit à cette fumeuse théorie, 2017 n'est pas allée dans le sens de la fin de l'Histoire.
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