Incroyable mais vrai. Après plus de deux mois de piques à la limite de l’insulte, de refus catégorique d’alliance, puis de dures négociations, les représentants des deux partis dits « populistes » sortis vainqueurs des dernières élections, Matteo Salvini (Ligue) et Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles) se sont mis d’accord sur un programme commun. Ce dernier, intitulé « contrat de gouvernement », est un compromis sur trente points cruciaux qui intéressent le pays, qu’ils s’engagent à respecter. Il est soumis à l’approbation des militants et sympathisants des deux formations, en ligne ou auprès des stands politiques qui seront présents dans les villes d’Italie jusqu’à dimanche.
La substance du texte a de quoi « inquiéter » marchés financiers, technocrates et médias officiels. Car, sans être vraiment révolutionnaire – pas de sortie de l’euro, d’Italexit ou de renégociation de la dette –, elle est une remise en question totale de la politique italienne telle qu’elle a été menée ces dernières années sous les gouvernements technocrates ou de gauche.
C’est, avant tout, un refus de l’austérité : c’est par « l’augmentation du PIB à travers la relance de la demande interne » que le nouveau gouvernement entend réduire la dette publique.
Une réforme institutionnelle envisage une « réduction drastique du nombre de parlementaires », qui passent de 948 à 600, doublée d’une législation sévère contre la corruption. Les charges ministérielles sont interdites à quiconque est en procès ou a été condamné pour corruption, concussion ou mafia, aux francs-maçons et à toute personne qui se présente en conflit d’intérêts avec la matière de la charge.
Une réforme fiscale « révolutionnaire » prévoit deux barèmes d’impôts pour particuliers et entreprises abaissés à 15 et 20 %.
Un revenu de citoyenneté, cher au M5S, sera instauré (780 euros mensuels), mais n’en est pas vraiment un : il ressemble plus à une indemnité de chômage, puisque « le bénéficiaire devra accepter les offres de travail provenant des centres pour l’emploi ».
Le chapitre concernant les mesures d’une politique nataliste y est assez synthétique, mais présent ; le minimum des retraites augmenté à 780 euros mensuels et l’âge de la retraite est abaissé : il sera possible de cesser le travail quand la somme de l’âge et des années de cotisation atteint 100.
En matière d’immigration, « rapatriements et arrêt du business »sont les maîtres mots du programme. Il impose la renégociation du traité de Dublin sur la redistribution des migrants au sein de l’Union et prévoit toute une série de mesures visant à réduire les flux et la criminalité générée autour du phénomène, notamment celle des instituts privés qui s’en enrichissent ; une révision des normes concernant regroupement familial et allocation sociale. « Une partie des ressources affectées à l’accueil sera destinée au fonds pour les rapatriements. » Selon le texte, 500.000 migrants irréguliers seraient concernés.
Au niveau de la politique étrangère, l’appartenance à l’Alliance atlantique est confirmée, mais un rapprochement avec la Russie, « partenaire économique et commercial, interlocuteur stratégique », est préconisé, tout comme un arrêt des sanctions à son égard.
Ce « contrat de gouvernement » et le nom du Premier ministre seront présentés lundi au président de la République, Sergio Mattarella, qui donnera son aval. Ou non.
Une chose est sûre : pour avoir les moyens de mettre en œuvre une telle politique, une remise en question du pacte de stabilité imposé par Bruxelles est nécessaire, ce qui suppose de gros litiges à venir avec la structure supranationale.
Si le programme est qualifié de séditieux et d’irréalisable par les médias, il semble s’imposer comme tout à fait légitime dans l’esprit des citoyens.
http://www.bvoltaire.fr/italie-populistes-de-droite-de-gauche-saccordent-former-gouvernement/