Le succès du hashtag #PasdeVague, qui brise ces jours-ci l’omerta sur la perte de l’autorité enseignante au cœur de l’Education nationale, illustre la libération de la parole et son approche sans tabous des réalités occultées. Les règles du jeu politique, corseté depuis des décennies par le conformisme, sont dès à présent bouleversées. Car la révolution numérique est une aubaine pour nos démocraties d’apparence, qui radotent des idées toutes faites. Aujourd’hui, les vérités cachées sont dites sur les réseaux sociaux, en dépit des sottises qui sont aussi le lot des interventions anonymes. L’internet permet de contourner le monopole des médias et de s’affranchir des censures officielles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la macrocrature suspicieuse essaie d’installer des mises sous surveillance et des codes de bonne conduite.
Reste que Donald Trump s’est fait élire grâce à ces paroles dissidentes, qui ont eu raison de l’opposition quasi-unanime des médias américains. Jean-Luc Mélenchon a compris, lui aussi, les bénéfices qu’il pouvait retirer d’une utilisation maligne de Facebook ou de Twitter. Sa récente décision de diffuser la perquisition, par la Police judiciaire, de son domicile puis celle de La France insoumise a été motivée par cette quête de transparence, même si les outrances du tribun risquent de se retourner contre lui : les mises à nu obligent à des comportements impeccables. Ce blog, lancé il y a plus de dix ans au nom de la liberté d’expression, remplit parfaitement le rôle que je lui avais imaginé dès le départ : celui d’un forum libre d’accès, imperméable au politiquement correct. J’y puise des remarques originales, que la machine médiatique, ankylosée par la copie conforme, n’est plus capable de transmettre.
Reste la question : ce mouvement de fond, qui mobilise déjà la société civile, peut-il déboucher sur de nouvelles pratiques politiques ? Oui, répond Emile Servan-Schreiber (un des fils de Jean-Jacques Servan-Schreiber) dans un livre scientifique mais accessible qui sort ce mercredi (1). Ce spécialiste de l’intelligence collective croit en la “sagesse des foules”, quand celles-ci sont sollicitées intelligemment. Les marchés prédictifs fonctionnent sur cette intelligence collective, qui n’est jamais que le bon sens du peuple raisonnable. Google et Wikipédia sont les premiers monuments de cette nouvelle civilisation née de l’avènement du Web dans les années 1990.
Servan-Schreiber explique : “Des milliards d’individus interagissent quotidiennement avec ces intelligences supercollectives qui, dans leurs domaines, surpassent de très loin les plus intelligents et les plus instruits d’entre nous“. Dans cette perspective participative, l’homme providentiel n’a plus sa place. L’intelligence artificielle est laissée aux autocrates qui rêvent de contrôler, comme en Chine, le cerveau des peuples. L’urgence est de rendre plus intelligentes nos démocraties fatiguées, guettées par la bêtise. L’auteur constate : “Quand des prévisions sont mentionnées dans le débat démocratique, elles sont souvent faussées par l’idéologie ou la pensée magique“. Aussi suggère-t-il : “Les responsables politiques pourraient interroger systématiquement la sagesse collective des Français, via un marché prédicitif moyen”. Il propose notamment, dans cette perspective, la mise en place d’un ministère des pronostics. “Nos responsables politiques doivent accepter de jouer plus collectif avec les citoyens“. C’est en tout cas vers cette France de moins en moins silencieuse, mais toujours méprisée des élites, que les idées bouillonnent depuis longtemps.
(1) Supercollectif, la nouvelle puissance de nos intelligences, Fayard
Ivan Rioufol
Texte daté du 24 octobre 2018 et repris du blog d’Ivan Rioufol
https://fr.novopress.info/212440/les-verites-sont-dites-sur-les-reseaux-sociaux-par-ivan-rioufol/