Dimanche, à Madrid, une grande manifestation de la droite a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes pour protester contre les négociations que le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez a engagé avec le gouvernement indépendantiste de Catalogne. Une manifestation à laquelle a participé le parti de droite Vox (qualifié parfois d’extrême droite) et… Manuel Valls.
Analyse au micro de Boulevard Voltaire de José Maria Ballester.
Grand rassemblement contre Pedro Sánchez et la politique de son gouvernement. Entre 40.000, selon la police, et 200.000, selon les organisateurs. Cette manifestation de la droite espagnole est-elle un succès ?
En tant que témoin direct de ce rassemblement, je dirais que ce fut, en effet, un succès. On ne peut néanmoins pas dire que ce fut un succès éclatant. Il n’en reste pas moins que la place principale et les avenues adjacentes étaient pleines à craquer. On peut donc parler de démonstration de force.
De plus, que les trois partis – Vox (le parti de droite), le Parti populaire (parti de centre droit) et Ciudadanos (parti de centre gauche) – soient réunis est déjà un signe. Ce n’était pas une évidence ; il a fallu négocier jusqu’à la dernière minute. Ciudadanos ne voulait pas partager la tribune avec Vox.
Ce rassemblement ne semble pas de bon augure pour le gouvernement…
C’était surtout un rassemblement contre Pedro Sánchez en Catalogne et les concessions qu’il est en train de faire. Il y a, en particulier, la figure du rapporteur, ou médiateur, on ne sait pas trop bien. Comme si l’Espagne était le Yémen ou un pays africain ! Comme si on avait besoin d’arbitres soi-disant neutres pour nous aider à régler ce conflit… C’était absolument scandaleux. Il a fait marche arrière, mais il s’agit, selon moi, plutôt d’une feinte que d’un mouvement sincère.
Mercredi aura lieu le vote du budget. Les indépendantistes catalans qui tiennent monsieur Sánchez à bout de bras ont dit qu’ils ne voteraient pas. Demain mardi sera donc une journée cruciale. Si le budget est rejeté, monsieur Sánchez peut continuer à gouverner avec le dernier budget de monsieur Rajoy, mais ce serait un camouflet politique. Il est fort probable qu’il y ait des élections avant l’été.
On note la montée en puissance du parti Vox. C’était un des trois partis présents à cette manifestation. On peut dire que la droite espagnole est en train de reprendre des forces depuis l’élection de Pedro Sánchez.
Vox est un parti de droite autrefois appelée hors les murs, mais que l’on peut désormais qualifier de décomplexée ou conservatrice. Il a le vent en poupe, c’est évident, surtout en Andalousie.
On ne sait néanmoins pas encore le poids qu’il prendra effectivement dans l’exécutif andalou. Ciudadanos n’était pas ravi d’être avec Vox. Le Parti populaire a donc dû signer deux accords différents de gouvernement régional. L’Andalousie sera le laboratoire de ce que pourrait être l’Espagne après les élections législatives.
Vox a, certes, le vent en poupe. Mais il ne suffit pas d’avoir une bonne place dans les sondages et auprès de l’opinion publique, il faut être aussi un bon tacticien. Ce parti sera-t-il à la hauteur des circonstances ? Il faudra voir dans les prochains mois. Il ne s’agit plus d’un parti strictement protestataire, mais d’un parti qui a une responsabilité particulière vis-à-vis de son électorat et de l’opinion. C’est là qu’on va voir si monsieur Abascal est un homme politique de haut niveau ou pas.
Les médias français se sont étonnés de voir Manuel Valls à cette manifestation. Ils ont titré « Manuel Valls aux côtés de l’extrême droite ». La réalité est, semble-t-il, à nuancer…
Vox est un parti de droite conservatrice et non d’extrême droite.
Une coalition d’extrême droite se présente aux élections européennes et présente des candidatures dans plusieurs régions et plusieurs communes. ADŇ est vraiment l’héritier de Fuerza Nueva, le parti des nostalgiques du franquisme.
On peut ne pas aimer Vox, mais ce n’est pas un parti d’extrême droite. On peut critiquer et être sévère avec eux, mais il faut garder le sens de la mesure.
Quant à monsieur Valls, on aime ou on n’aime pas, mais il n’est pas idiot. Il savait que le rassemblement d’hier était une occasion unique. Son absence aurait été à son détriment.