Franck Buleux Métainfos cliquez ici
Emmanuel Macron, issu des grands corps de l’État et proche de l’ancien président de la République François Hollande, favorable à l’Union européenne, est le prototype des élites transnationales. Son score du premier tour à l’élection présidentielle d’avril 2017, 24% des suffrages exprimés, représente le regroupement d’électeurs libéraux et sociaux-démocrates dont le but est la continuité et la pérennisation du système politique actuel, par la multiplication des réformes économiques, politiques, sociales et sociétales. L’espace politique transnational souhaité va, en effet, des libéraux aux socialistes, en passant par certains démocrates-chrétiens et écologistes (l’opération Nicolas Hulot a fait long feu mais a bel et bien existé). Un quart des Français a voté pour le candidat européen, favorable au système. Ce score flatteur pour un novice en politique (Jacques Chirac n’a jamais dépassé 21% des suffrages exprimés, au premier tour d’une élection présidentielle) ne doit pas nous leurrer, elle est largement due à la déstabilisation annoncée par l’hebdomadaire Le Canard enchaîné du candidat libéral-conservateur, François Fillon, qui a plafonné à 20%, piètre score pour une personnalité censée représenter l’ensemble des voix « de la droite et du centre », appellation de la primaire qui permit à l’ancien élu de Sablé-sur-Sarthe de battre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Rappelons tout de même que les candidats gaullistes et libéraux représentaient plus de 40 % il n’y a pas si longtemps dans les urnes, y compris après l’apparition du FN de Jean-Marie Le Pen.
Les 24% d’Emmanuel Macron sont donc issus à la fois de l’effondrement de la droite et du centre mais aussi du Parti socialiste (PS). Ce parti « attrape-tout » qui a culminé à près de 40 % en juin 1981 s’est effondré à un peu plus de 6% en avril 2017. L’échec fut tellement patent que le président sortant François Hollande ne s’est même pas représenté et le candidat Benoît Hamon a, après sa cuisante défaite, perdu son siège de député des Yvelines et quitté, aussitôt, le PS pour fonder un groupe Génération.s. Sans doute pour lier la tradition mitterrandienne (Génération Mitterrand en 1988 lancé, notamment, par le chanteur Renaud) et la modernité digitale avec le point s (.s).
La fusion électorale entre ces deux groupes d’électeurs a créé le macronisme ou les Marcheurs.
Marcheurs, mais eux ils marchent vraiment…
Face au macronime conquérant, le 17 novembre 2018 a vu la naissance et le développement d’un groupe lui-aussi informel, les Gilets jaunes. Comme En marche !, on n’adhère pas à ce mouvement. On est En marche ! comme on est Gilet jaune. Il n’y a pas de cotisation à payer mais une affirmation devant les caméras des journalistes, société médiatique oblige !
Les Gilets jaunes sont une réponse politique, et non seulement sociale, au macronisme. Les Gilets jaunes incarnent, à l’opposé des partisans d’Emmanuel Macron, une France discrète, oubliée, votant plutôt pour le Front national (FN), revenu Rassemblement national (RN) voici un an ou refusant de choisir en votant blanc ou nul (il est souvent plus ludique de voter « nul » que « blanc », s’agissant d’affirmer son mépris du système par un bulletin constitué par l’électeur lui-même ; le vote blanc n’était pas, contrairement au vote « nul » fondamentalement contre le système, nous reviendrons sur cet aspect lors d’un prochain bulletin).
Contre le système, les Gilets jaunes établissent un réel rapport de force face à l’État-En marche ! Contrairement à son appellation, La République en marche (LRM) fait du sur-place tandis que les Marcheurs sont devenus, chaque samedi, des opposants fermes et réguliers au système.
Le combat Macron/Gilets jaunes s’opère. Certains observateurs s’étonnent de la remontée d’Emmanuel Macron dans les enquêtes d’opinion mais cette « poussée » est logique.
Une nouvelle offre politique ?
Les Gilets jaunes s’opposent frontalement à la majorité politique, y compris physiquement, il semble ainsi naturel que le vote légitimiste composé de retraités, jadis majoritairement favorable à la droite classique, rejoigne les soutiens du gouvernement. Ainsi, le vote LR (Les Républicains) fond et Laurent Wauquiez aura des difficultés, via son candidat Bel-Ami (un clin d’œil à Maupassant), à maintenir le pourtant faible 20 % de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Il est ainsi clair que les Gilets jaunes représentent l’opposition, la seule, au président Macron, à son gouvernement et aux parlementaires majoritaires à l’Assemblée nationale.
Un point important reste à définir, et il n’est pas le moindre : en effet, Emmanuel Macron, par son grand débat national, sait mobiliser ses troupes, et diviser, de surcroît, le mouvement des Gilets jaunes, notamment avec Ingrid Levavasseur, dont les soutiens proviennent, eux-mêmes, d’En marche !, du PS ou de l’ancien ministre et homme d’affaires condamné, Bernard Tapie.
Il ne manque donc qu’un mouvement prompt à s’opposer, dans les rues mais aussi dans les urnes, à Emmanuel Macron.
La France s’en prend à l’Italie. Pourquoi ? Parce que certains leaders du M5S (Mouvement 5 étoiles), parti populiste qui dirige, avec la Lega, la péninsule transalpine, sont venus, à Montargis, soutenir les Gilets jaunes ! Montargis, commune modeste du Loiret, centre de la trahison française au profit de l’Italie ! La Commedia del arte arrive dans l’Hexagone.
Et alors ? Si les Gilets jaunes peuvent s’inspirer du M5S, à l’heure de l’Europe, quel serait le problème ? Au Parlement européen de Strasbourg, les partis politiques s’unissent et défendent des intérêts communs, ils créent même des partis politiques transnationaux. D’ailleurs, à ce sujet, on ne sait toujours pas avec qui vont siéger les futurs élus de LRM. Ils siégeront probablement « en même temps »…
Face à cette France du système, il est temps qu’une force populiste émerge. De la même façon qu’En marche !, un mouvement populiste doit se structurer afin de représenter la France du géographe Christophe Guilly, la France non jacobine du philosophe Onfray, la France indépendante et libre de l’essayiste Houellebecq.
Cette France ne mérite-t-elle pas, aussi, d’être représentée ? Les semaines qui viennent vont nous donner les réponses à ce besoin de nouvelle représentation nationale.
Chaque samedi, le système nous le montre, au propre comme au figuré : tous les coups sont permis.