Ce mardi 14 mai 2019, le Rassemblement National (RN) organisait une réunion publique en soirée dans la salle des fêtes de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais (28). Malgré ma journée de travail, je me suis décidé à aller voir, en précisant que je ne suis plus adhérent de quoi que ce soit depuis un bon moment. C'est toujours par soi-même que l'on se fait une idée des choses. Si je m'en tenais au baratin diffusé dans le grand public, j'aurais dû m'inquiéter des militants que j'allais cotoyer durant une heure et demie. Rassurez-vous, il n'y avais ni nazis, ni fous furieux dans la salle, juste une bonne centaine de braves gens, un jeune et dynamique responsable de fédération (Alexandar Nikolic) et un magistrat de renom transfuge de la droite populaire (Jean-Paul Garraud).
La route pour atteindre ce patelin depuis Chartres n'est pas si aisée. Cernée par les radars mobiles (remis en circulation après leur saccage par les gilets jaunes), sinueuse, encombrée de camions, elle traverse des hameaux paumés sans commerces ni services publics. Elle coupe l'ancienne ligne SNCF à l'abandon qui reliait la préfecture à Dreux il y a quarante ans. A l'arrivée, je découvre une commune qui a su préserver ses commerces de base. Il n'y a plus de maison de la presse, pas de cinéma, et la population est très "France profonde". Derrière la salle des fêtes, une petite cité HLM constituée de ces immondes bâtiments "beige-bleus," typique du logement social eurélien construit dans les années 1970-1980, semble un peu déconnectée du centre-bourg vieillot. Les gamins qui jouent au ballon et les grands frères qui discutent autour d'une bagnole en réparation me rappellent le Nanterre de mon enfance. Il n'y a pas de diversité ethnique ici, pas de murs tagués, pas de trafics visibles. Toutefois, les jeunes adultes qui j'ai croisé sont restés indifférents à la réunion "frontiste". Si les sondages montrent que beaucoup d'entre eux ont de la sympathie pour Marine le Pen (50% des voix au second tour de la présidentielle à Châteauneuf), ils n'ont ni la volonté, ni la patience de faire de la politique, un monde qui leur semble étranger.
19h00. Je discute avec les deux militants qui ouvrent les portes de la salle publique. Les deux orateurs arrivent et nous serrent la main. Les discours commencent une bonne heure plus tard, avec une assistance plutôt bien garnie malgré l'heure et le lieu. Autour de moi, beaucoup de retraités, des cultivateurs, des jeunes salariés et des chômeurs. Une dame assise à mes côtés m'explique qu'elle ne peut plus payer son assurance automobile. Pas de doute, c'est bien la France des "gilets jaunes" qui va me tenir compagnie.
Alexandar Nikolic ouvre les débats. Jeune, élancé, cultivé, il prononce un topo très républicain, souverainiste, insistant autant sur les problèmes locaux que nationaux et les conséquences de quarante ans d'Europe libérale. Il parle des fermetures de classes dans le primaire, du communautarisme à Dreux. Il est mesuré et lucide, comme la tête de liste Jordan Bardella. Issus tous deux de l'immigration, ils se sont intégrés et sont patriotes : des exemples vivants des principes républicains. Il est vrai que leurs "communautés" d'origine (serbe et italienne) ne sont ni hostiles ni revendicatives, contrairement à d'autres. Les franco-serbes ne réclament pas des fonds pour construire des églises orthodoxes, ils ne briment pas leurs femmes par des tenues vestimentaires médiévales, ne sont pas polygames, ni émeutiers au moindre problème. Ils sont européens de coeur et de tradition.
Puis Jean-Paul Garraud prend la parole, pour un discours assez fleuve. Il aborde les sujets qui le concernent directement, la délinquance, la sécurité, les bâtons dans les roues de la justice française mis par cette cour européenne de justice qui protège migrants et trafiquants au détriment des honnêtes gens. Il cite l'exemple des pirates éthiopiens qui avaient pris en otage un équipage contre rançon, capturés par les forces spéciales françaises, puis défendus par cette "cour" très spéciale qui nous a condamné pour... atteintes aux droits de l'homme (!) dans cette affaire. M.Garraud parle aussi de cette obligation du regroupement familial des immigrés... clandestins(!)
Un festival d'absurdités européistes, qui ne profite qu'à une minorité de rentiers, et qui saborde notre économie ainsi que notre agriculture. Quelques questions du public ont suivi les discours (sur les femmes voilées à Dreux notamment) puis une collation était prévue (et organisée par les militants bénévoles).
Je suis parti avant la fin, à la tombée de la nuit, pour rentrer chez moi à près d'une heure de route. Très franchement, il faudra qu'on m'explique un jour ce que le programme du RN a d'extrêmiste et de haineux. Très à droite pour protéger le peuple contre les voyous, plutôt à gauche pour l'économie et le social (ce n'était pas le cas à l'époque de Jean-Marie), chevènementiste plutôt que royaliste, le "marinisme" n'est rien d'autre que le gaullisme réincarné, aujourd'hui oublié par la droite libérale comme par la gauche radicale. Le protectionnisme économique, une utopie ? Il est pratiqué aux Etats-unis, au Canada et en Chine. Lutter contre l'immigration illégale, c'est du "fascisme" ? Dans le temps, c'était la gauche ouvrière qui s'en chargeait. Le fameux transfuge vers le RN d'un jeune élu de LFI en témoigne. On ne se lasse pas de rappeler les discours de Georges Marchais sur le sujet :
Gageons que de nos jours, il est moins tabou de se dire souverainiste et nationaliste qu'il y a vingt ans. Malgré tout, les appels à "battre l'extrême-droite" perdurent, comme s'il s'agissait des seuls enjeux des élections à venir. De la part de gens qui ne pensent qu'à sauver leur place ? C'est probable. Pour conclure, je précise que cet article n'est pas une publicité pour la liste de Jordan Bardella : sur les 33 listes de candidats, une demie-douzaine sont républicaines, patriotes et contre l'Europe ultra-libérale (sans parler de celle des royalistes). Aux électeurs de faire leur choix. Mais arrêtons de voir de l'extrêmisme dans tout ce qui est contre le libre-échange des marchandises et des personnes, c'est un non-sens historique. Nos politiciens sont élus pour défendre le peuple, ils ont donc vocation à être populistes. S'ils pensent autrement, et c'est leur droit, qu'ils aillent faire carrière dans les banques et dans les affaires. On ne peut mélanger les deux !
Source de la photo d'illustration : https://www.lechorepublicain.fr/dreux-28100/politique/l-europe-version-rassemblement-national-avec-jean-paul-garraud-a-chateauneuf-en-thymerais_13561494/