Au grand dam du véritable enjeu de ces élections européennes qui visaient, sans doute pour la dernière fois, à se positionner pour plus de fédéralisme ou pour un retour des nations dans le concert européen, le piège du vote utile voulu par Macron et Le Pen a parfaitement fonctionné. L’un comme l’autre avaient décidé de faire de cette consultation électorale nationale une répétition du second tour de la présidentielle de 2017. Marine Le Pen rêvait, en effet, de prendre sa revanche sur le président de la République, raison pour laquelle elle a souhaité y aller seule (même si par Bardella interposé), sachant que deux ans de pouvoir mettraient son adversaire dans une position difficile, ce qui lui donnerait un net avantage. Quant à Macron, son ego démesuré l’a poussé à relever le défi. Dès lors, peu lui importait le message européen, lequel ne se joue de toute façon pas au niveau national mais bien à Bruxelles dès le lendemain de cette élection.
Certes, le Rassemblement national arrive en tête de ce scrutin, avec 23,6 % des voix, et pourra envoyer à Bruxelles une vingtaine d’élus. Mais Macron et La République en marche sont loin d’être défaits. Bien plus : pour sa première participation à une élection nationale en tant que mouvement politique, LREM peut même se targuer d’un demi-succès puisque le parti du Président aura autant de députés européens que le parti de Marine Le Pen. Cette élection n’est donc une victoire pour personne. Et surtout pas pour la France, qui voit désormais son destin scellé et remis entre les mains d’élus qui peuvent maintenant laisser libre cours à leur folie destructrice de la nation.
Malgré ce succès électoral sans panache du RN, les patriotes ont de quoi être déçus. Et ce, pour plusieurs raisons.
En premier lieu parce que l’essai ne sera pas transformé. Enfermé dans un petit groupe sans influence au Parlement européen, les députés du Rassemblement national sont condamnés, comme ce fut le cas au cours de la dernière législature, à faire de la figuration. Et leur bilan pour les cinq prochaines années ne sera assurément pas plus brillant que celui des cinq ans qui viennent de s’écouler, dont le seul souvenir marquant restera celui de « l’affaire des assistants parlementaires ».
Ensuite, parce que le vote sanction contre Macron que devait signifier ce « vote utile » ne changera rien à la politique intérieure voulue et mise en place par le président de la République. Même si ce vote ne le conforte pas, il ne le fragilise pas plus qu’il ne l’était déjà. Donc, il n’y aura ni démission de l’intéressé, ni même dissolution de l’Assemblée nationale. Jupiter va ainsi pouvoir poursuivre sans encombres son sinistre dessein à l’encontre de notre pays et continuer de donner des leçons de démocratie à la Terre entière.
Enfin, parce qu’en confortant le Rassemblement national dans sa position de premier parti d’opposition, les électeurs qui ont bien voulu se déplacer délégitiment gravement des formations dont les projets et les programmes politiques étaient pourtant bien plus solides et aboutis que ceux de Marine Le Pen. En vérité, ce dimanche 26 mai est donc un triste jour. Un jour qui voit une nouvelle fois de très nombreux Français abdiquer leur droit de participer à la vie politique du pays, avec près de 60 % d’abstentions. Et, une nouvelle fois, le débat démocratique corrompu par des responsables politiques qui auront préféré faire valoir leurs ambitions personnelles à l’intérêt de la France. Nous nous trouvons donc de fait, aujourd’hui, dans une impasse dont la seule façon de sortir repose désormais sur le peuple et le combat qu’il doit maintenant mener dans la rue.