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Erdogan : l'arme de dissuasion migratoire

6a00d8341c715453ef0240a4cf5c55200b-320wi.jpgCe 4 septembre à Ankara Erdogan s'est livré dans un discours télévisé à un nouveau chantage. Il demande en effet le soutien de l'Europe dans son opération pour le dépècement du territoire syrien.

Il cherche également la pression sur les États-Unis, avec lesquels la Turquie négocie la création d'une "zone de sécurité" dans le nord-est de la Syrie, M. Erdogan s'est dit "déterminé" à ce qu'elle soit créée "d'ici la dernière semaine de septembre".

Il se préoccupe surtout des opérations à Idleb, province syrienne frontalière où résident environ 3 millions de personnes dont un nombre croissant de réfugiés venus d'Afghanistan. Quoique Russes, Iraniens et Turcs aient coopéré en Syrie dans la phase récente, Erdogan se trouve isolé dans son but réel qui est de prendre définitivement pied dans ce pays, première étape de son rêve néo-ottoman. Au contraire, Moscou voit dans le régime syrien le dernier représentant du vieil allié Baath "socialiste arabe", attendant surtout de lui une base méditerranéenne. De son côté le pouvoir des mollahs à Téhéran reconnaît dans la secte des nosayris "alaouites" une branche du chiisme dans sa lutte millénaire contre les sunnites.

"Nous n'avons pas reçu de soutien suffisant, et nous allons être obligés d'agir pour l'obtenir", ajoute Erdogan. Il affirme que la Turquie aurait dépensé 40 milliards de dollars pour l'accueil des réfugiés et n'aurait obtenu que 3 milliards d'euros de l'Union européenne.

Qu'en est-il en réalité ? La Turquie et l'Union européenne ont conclu en 2016 un accord qui prévoyant le renvoi de migrants entrés illégalement en Europe, notamment dans les îles grecques, avec le soutien de la mafia turque mais aussi avec la complicité discrète d'une partie de la gendarmerie turque. La coopération euro-turque, prévue mais très mollement mise en œuvre depuis 3 ans, était programmée en échange d'une aide financière de l'Europe à Ankara de 6 milliards d'euros.

La Commission européenne rappelle à cet égard que l'Union européenne a effectivement alloué 5,6 milliards d'euros sur les 6 alors approuvés et souligne que le reste sera versé prochainement.

Erdogan en demande maintenant beaucoup plus. Il fait état, dans sa rhétorique d'un coût exorbitant supporté par son pays, incluant dans celui-ci par exemple les salaires versés aux travailleurs recrutés dans la population immigrée.

Au-delà de la bataille de chiffres, on doit mesurer qu'il recherche sinon des alliés du moins des complices géopolitiques silencieux. Pour leur tordre le bras il joue de la menace migratoire qui n'apparaît clairement plus comme "une chance pour la France", ou pour l'Allemagne, mais comme un danger pesant sur l'ensemble de 27 pays, du Portugal jusqu'à la Suède.

La Turquie accueille jusqu'ici environ 4 millions de réfugiés.

Plus de 3,5 millions d'entre eux seraient de nationalité syrienne. Ankara réclame la création en Syrie d'une "zone de sécurité". Ils y seraient réimplantés de force. Et, désormais à Istanbul, les Syriens vivent dans la peur.

Affirmant que 350 000 Syriens étaient déjà retournés dans les zones effectivement contrôlées par la Turquie dans le nord de la Syrie, Erdogan souligne qu'il vise à en installer un million "dans une zone de sécurité de 450 kilomètres le long de la frontière".

En fait ce territoire tampon est devenu au fil des mois une pomme de discorde entre Turcs et Russes. Moscou s'attache à consolider le pouvoir baasiste à Damas. Ankara cherche au contraire à ce que la liquidation politique de Bachar el-Assad soit le préalable à un accord lui laissant les coudées franches. Le projet d'Erdogan est dirigé à la fois contre les Kurdes plus ou moins majoritaire dans la région frontalière[1]

"Si cela ne se fait pas, nous serons obligés d'ouvrir les portes. Soit vous nous aidez, soit, si vous ne le faites pas, désolé, mais il y a des limites à ce que l'on peut supporter", a déclaré Erdogan. "Nous disons, établissons une zone de sécurité (...) si nous faisons une telle chose, cela soulagera la Turquie", a-t-il poursuivi.

Depuis que le nouveau gouvernement grec, issu des dernières élections, a adopté une nouvelle politique vis-à-vis du flux migratoire, à la fois plus restrictive, plus rigoureuse et plus respectueuse du droit des gens, c'est un autre État-Membre de l'Union européenne avec lequel la Turquie n'entretient aucune relation, la république de Chypre, qui est devenue la nouvelle route de l'exil pour les migrants venus de Turquie et du Liban voisin.

L'Europe se laissera-t-elle intimider par le nouveau sultan-calife ?

JG Malliarakis
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Une réunion des Amis de l'Insolent

Mercredi 18 septembre JG Malliarakis donnera une conférence de 18 h à 20 h suivie d'un débat sur le thème

"Le Moment conservateur"
de 18 h à 20 h Brasserie du Pont Neuf 14 quai du Louvre Paris 1er M° Louvre/Pont Neuf/Châtelet

Apostilles

[1] Comme ils l'étaient en 1939 dans le sandjak d'Alexandrette, territoire syrien millénaire qui fut alors livré à la Turquie par la France, puissance mandataire, aux termes de l'accord anglo-franco-turc. J'explore le caractère scandaleux de ce traité dans un chapitre mon petit livre "La Question turque et l'Europe", Trident, 2009

https://www.insolent.fr/2019/09/erdogan-larme-de-dissuasion-migratoire.html

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