« Le colonialisme a été une erreur profonde, une faute de la République ». Cette affirmation du chef de l’Etat est discutable à plus d’un titre. La République n’est pas la première ni la principale responsable du colonialisme français. Celui-ci a commencé sous la monarchie, au XVIe et au XVIIe siècle (Canada, Indes, Antilles, Floride, la Réunion). La conquête de l’Algérie a débuté sous Charles X et le Second Empire de Napoléon III lui a donné une forte impulsion. De même c’est le Second Empire, et non la République, qui a amorcé les grands courants de colonisation française de l’Afrique subsaharienne (Sénégal) et de l’Asie (Cambodge). La colonisation ne peut évidemment pas se limiter à la France: l’Espagne et le Portugal, en Amérique du Sud, le Portugal en Asie et en Afrique, le Royaume-Uni dans le monde entier, furent d’autres grandes puissances colonisatrices, pour ne parler que de l’Europe.
En outre, la République est un mode d’organisation du gouvernement pas une politique. La colonisation a pris un nouvel essor considérable sous la IIIe République (Indochine, Afrique subsaharienne) du fait de choix idéologiques des « Opportunistes » dont Jules Ferry qui déclarait à la Chambre des députés, le 28 juillet 1885: « Je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de leur devoir supérieur de civilisation! » Le colonialisme avait aussi ses opposants. « L’extrême gauche » le fustigeait à travers Clemenceau. La droite dite « réactionnaire » lui était parfois hostile à l’image de la prophétie d’Albert de Broglie, dénonçant, dans la politique coloniale: « une charge qui grève la nation, qu’elle ne peut porter longtemps, et qui, avant de lui échapper, peut avoir amené la ruine à la fois de la colonie et de la métropole » (Sénat 11 décembre 1884). Ce n’est donc pas la République qui a fait le colonialisme des années 1880-1014, mais un courant idéologique bien spécifique alors majoritaire: la gauche républicaine.
La repentance française, au cœur de l’idéologie macroniste, repose largement sur un anachronisme. La colonisation s’est effectuée dans le contexte d’une Europe globalement dominatrice du XVIe au début du XXe siècle, qui se reconnaissait une mission civilisatrice, dans un large climat de consensus. Les Français comme les Britanniques, dans leur immense majorité, vouaient jusqu’aux années 1950 une admiration sans bornes à leur Empire, sur lequel « le soleil ne se couche jamais ». Les guerres coloniales et de décolonisation ont fait couler le sang. Mais les colons ont aussi construit des routes, des villes, des hôpitaux, des écoles – d’où la place de la francophonie ou de l’anglais et de l’espagnol dans le monde. Quelle signification il y a-t-il à porter un jugement, positif ou négatif, sur un épisode clé de l’histoire de l’humanité? Faire le bilan coûts/avantages d’un demi-millénaire de colonialisme, expression d’une domination européenne et pas seulement française, au regard des valeurs contemporaines et après la grande vague de la décolonisation qui a bouleversé les équilibres planétaires depuis les années 1950, n’a évidemment aucun sens.
Lancer des polémiques tonitruantes et stériles fait partie d’un mode de gouvernement consistant à déclencher des tollés, à attiser les passions, pour faire oublier les déceptions et les malheurs du temps et aussi faire parler de soi tout en réactivant les divisions idéologiques du pays (gauche/droite). L’histoire est généralement l’otage toute trouvée de cette pratique. Parmi les responsabilités fondamentales du chef de l’Etat figurent traditionnellement celle de garant de l’unité et de la concorde nationale et celle de la défense du prestige de la nation qu’il préside. Il faudrait en ajouter une nouvelle, la plus essentielle de nos jours: celle de garant d’un patrimoine intellectuel, d’une intelligence collective.
Maxime Tandonnet
Texte repris du site de : Maximetandonnet.wordpress.com
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