A l’occasion de l’ouverture d’une branche espagnole de l’ISSEP, Marion Maréchal a accordé une interview au journal El Mundo. Voici une traduction libre d’une partie de cet interview :
Êtes-vous surpris du succès de Vox, devenue troisième force politique d’Espagne?
Je suis impressionnée par la force avec laquelle vos idées ont pénétré la société espagnole. Il est vrai que l’Espagne était restée en dehors de la montée des partis conservateurs dans le reste de l’Europe. Mais c’est la tendance. Vox contribuera à préserver l’Espagne de tout ce dont nous souffrons déjà en France en raison du problème de l’immigration – 18% des enfants nés ont un nom arabe – qui nous a transformés en une société brisée, violente et islamisée. Un rapport [de la DGSI] qui vient de sortir révèle qu’il y a 150 quartiers en France qui sont déjà contrôlés par les islamistes. En Espagne, cela peut arriver dans 15 ans (…) Les élites ne comprennent pas ce qui se passe, elles sont ancrées dans un modèle passé (…)
De quelles élites parlez-vous?
Une partie importante des médias, des grands groupes économiques, des multinationales, de ceux qui s’intéressent au succès du multiculturalisme, de la mondialisation et de la baisse conséquente des salaires et du niveau de vie de beaucoup …
À quoi devrait ressembler l’UE?
La France, l’Espagne, le Portugal et l’Italie devraient former un axe méditerranéen contre la puissance de l’Allemagne, qui est évidemment un pays exportateur et a des intérêts différents des nôtres.
Une sorte de Visegrad du Sud?
Exactement. Les États-nations survivront, les États-Unis en sont la preuve, à condition de s’appuyer davantage sur une prise de conscience de la souveraineté de la nation. Le mythe économique, politique et social de l’Union européenne est précisément l’anomalie, car l’UE a mis de côté ses racines et les citoyens se sentent éloignés du pouvoir. C’est l’une des forces de l’ISSEP: apprendre et faire prendre conscience que nous faisons partie d’une civilisation (judéo-chrétienne) permet de s’émanciper. Nous ne voulons pas former des citoyens du monde, ces élites internationales sans racines, mondialisées, qui sont maintenant à Bruxelles et se sont révélées inefficaces. Nous formons des gens conscients de leur lieu de naissance. Il s’agit de clarifier le présent en s’appuyant sur le passé. Le problème de l’UE, c’est qu’il n’y a pas de pouvoir légitime car il n’y a pas un seul peuple européen, mais de nombreux peuples. La démocratie fonctionne lorsqu’elle s’exprime dans un cadre affectif qui se développe au sein des États-nations. Mais nous ne rejetons pas pour autant la mondialisation, car elle est inévitable. Il s’agit de savoir comment adapter la nation pour survivre à ce processus sans perdre sa souveraineté.
Mais nous nous dirigeons inexorablement vers l’Europe des régions, voire des villes. De nombreux analystes soulignent que les jours des États-nations sont comptés.
Le régionalisme est une stratégie pour dissoudre les nations et elle est encouragée par l’UE elle-même pour affaiblir les États. Cela provoque l’émergence de nouvelles volontés d’émancipation comme pour l’Écosse ou la Catalogne. En fin de compte, la seule chose à laquelle a abouti cette tentative de mettre fin aux identités nationales a été, paradoxalement, l’émergence de nouvelles identités. En France, nous n’avons rien de comparable à ce qui se passe en Espagne, bien que les identités locales soient également très fortes. La Corse, par exemple, est une région moins riche que la Catalogne. Et cette dernière veut clairement devenir indépendante pour des raisons économiques, parce qu’elle ne veut plus partager sa richesse (…)
Un conservateur peut-il être en même temps libéral?
En France, la doctrine conservatrice n’existe pas au même titre que dans d’autres pays. Le conservatisme est mort en tant que tel avec la Troisième République. Ce courant intellectuel a pris différentes formes en France: monarchisme, légitimisme, catholicisme social, gaullisme … Quand je dis que je suis conservatrice, il s’agit plus d’une disposition d’esprit que d’une doctrine politique. Par opposition au culte du progrès, je pense que les nouvelles générations doivent se bonifier par le plaisir d’apprendre et de transmettre nos valeurs culturelles.
En ce qui concerne le libéralisme, que voulez-vous dire? Si on parle de libéralisme selon Montesquieu ou Tocqueville, je suis libérale. Cependant, si l’on se réfère à l’abolition des frontières, à la déréglementation, à la privatisation des services publics, à la marchandisation de l’être humain -comme c’est le cas avec la location des ventres (GPA), la reproduction sur catalogue (PMA), l’euthanasie – alors je ne suis pas libérale du tout (…)
La Manif pour tous est une expression de la droite catholique qui ne s’est pas exprimée depuis de nombreuses années en France. La gauche a l’hégémonie culturelle et la droite a négligé ce type de bataille. Cela a été le déclencheur d’un mouvement qui est allé au-delà de son but initial, une sorte d’alternative à l’hégémonie culturelle dont je viens de parler, même si la loi sur le mariage homosexuel a finalement été adoptée.
Êtes-vous favorable à l’abrogation de ces lois ?
Chacun aime qui il veut. Mais je mettrais en place une autre réglementation qui maintiendrait certains droits comme les pensions de réversion, les successions. Mais le mariage est la base de la famille et un enfant doit avoir droit à un père et à une mère. Je suis catholique et cela influence bien sûr ma façon de penser politiquement. Je veux aider à retrouver certaines valeurs pour aider cette majorité culturelle silencieuse à ne pas laisser des minorités, des lobbies, qui ont pris le contrôle de la démocratie, légiférer à leur seul profit. Pour moi, le principe qui doit régir la société est le respect des autres. La préservation de l’être humain de toute marchandisation est l’une des grandeurs de l’identité européenne. Et l’UE échoue car elle n’a été conçue que comme un grand marché faisant abstraction des racines.
Ce discours semble en contradiction avec la laïcité à la française ?
Le fait d’être catholique ne m’empêche pas de défendre la laïcité à condition que cette dernière ne soit pas le cheval de Troie de l’islam et de ceux qui veulent empêcher les catholiques de s’exprimer en tant que tels.
Votre discours est-il considéré comme populiste?
Le populisme est une étiquette que certains utilisent pour discréditer ceux qui ne sont pas d’accord avec leurs idées.
Si un lecteur identifie des erreurs ou approximations dans la traduction proposée, qu’il n’hésite pas à contacter par mail : philippecarhon@yahoo.fr