Il paraît que Michel Cymes est l’« une des personnalités préférées des Français », expression consacrée pour un label de qualité télévisuelle. Un ami qualifiait, autrefois, les gens de son espèce de « montreur de derrière ». Compte tenu du goût immodéré dudit Cymes pour les blagues en dessous de la ceinture, c’est un qualificatif qui lui va plutôt bien.
Le monsieur officie tous les matins sur RTL pour une chronique que ma grand-mère aurait pu tenir, et sans aucun doute avec plus de talent ou, du moins, d’originalité. Je résume : attention à la malbouffe, faites du sport, être contre les onze vaccins aux nourrissons, c’est criminel, attention à la phytothérapie, c’est dangereux, dire du mal des adjuvants, c’est très très vilain et regarder de travers la collusion entre certains montreurs de derrière et les laboratoires pharmaceutiques, c’est carrément criminel.
Le monsieur officie également à la télé. On l’a d’abord connu sur les après-midi santé de France 5 mais sa consœur Marina Carrère d’Encausse en a manifestement eu marre de son humour scato, alors il est parti jouer au docteur avec Adriana Karembeu. Il aurait pu choisir Mimie Mathy comme partenaire, mais l’achondroplasie de Joséphine, l’ange gardien de TF1, l’intéresse infiniment moins que les pouvoirs extraordinaires du corps de la dame Karembeu.
Bref, si j’avais à me faire examiner, ce n’est pas vers ce médecin d’opérette que je me tournerais. Comme le disait à Paris Match son confrère Gérald Kierzek, urgentiste et intervenant dans le groupe TF1, « Michel promeut le sport, le sommeil. C’est sympa, mais il s’éloigne de la pure médecine. » C’est gentiment dit, et pour le dire autrement, Cymes promeut surtout sa petite personne. Le pneumologue Philippe Even a été plus sévère, confiant au Parisien : « Michel Cymes dit souvent n’importe quoi. Ou alors il enfonce des portes ouvertes, comme quand il affirme qu’il faut manger raisonnablement et ne pas se goinfrer. Son discours est d’une grande banalité. […] Aujourd’hui, il n’honore pas vraiment notre profession. Au contraire, il la dessert. »
Troquant donc la médecine pour la télé, Cymes passe désormais au maquillage quand les autres enfilent leur masque et leur blouse blanche. Ça lui permet de prendre les choses avec de la hauteur. Circulant de studio en plateau, il a, le 10 mars dernier, minimisé le problème du Covid-19 chez son ami Yann Barthès, dans l’émission « Quotidien ». Le coronavirus est « une forme de grippe, un peu plus cognée que la grippe, mais ça reste une maladie virale comme on en a tous les ans », a-t-il dit. Il réitère, sur Europe 1 : « Est-ce que vous pensez qu’à chaque fois que quelqu’un est contaminé ou meurt de la grippe, on fait une dépêche AFP ? Imaginez un peu le nombre de dépêches que l’on ferait. »
J’ai fait moi-même ici cette comparaison avec la grippe saisonnière. J’ai eu tort, sans aucun doute. À ma décharge, je rappellerai que c’était le 3 février, pas le 10 mars, quand les cas étaient encore cantonnés en Chine. J’ajouterai que je ne suis pas l’« une des personnalités préférées des Français » invitée à cracher dans le poste chaque matin, week-end compris.
Michel Cymes a déclenché la colère des internautes et des confrères, alors, comme un Alain Minc au lendemain des élections américaines (ce phare de la pensée nous expliquait, le 7 novembre 2016, pourquoi Trump ne pouvait que perdre et, le 8, pourquoi il avait gagné), le bon docteur a rétropédalé. Fait son mea culpa et exhorté les Français au respect des consignes avec autant de vigueur qu’il les avait rassurés.
On ne peut se permettre de rater le train deux fois, alors Cymes s’est défendu : « J’ai probablement trop rassuré les Français », « on ne pouvait pas savoir que la situation allait être aussi catastrophique qu’aujourd’hui ».
Sauf qu’en tant que médecin, il devait, le 10 mars, être au courant de la situation dans l’est de la France !