Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Michel Onfray : psychopathologie du Président (3/3).

Devant trente-cinq millions de téléspectateurs, un record, le président de la République a excellé dans ce qu’il sait le mieux faire : tenir un double langage, dire une chose et son contraire -comme porter deux alliances...

Cette fameuse schizophrénie, jadis tenue par les psychiatres pour pathologique, est devenue dans notre époque déconstructionniste une qualité dialectique, un genre de vertu hégélienne - c'est le fameux "en même temps" devenu slogan électoraliste puis, hélas, depuis deux ans, méthode de gouvernement!

Les thuriféraires du chef de l'État prétendent qu'il disposerait d'une intelligence exceptionnelle, incompréhensible pour le commun des mortels - souvenez-vous des sorties de Gilles Le Gendre et de Richard Ferrand, deux flèches intellectuelles comme chacun aura pu s'en apercevoir. Ce génie que lui prêtent ses courtisans lui permettrait de renvoyer Descartes et le cartésianisme, sinon le plus élémentaire bon sens, aux poubelles de l’Histoire.

Voilà qui permet de faire exploser en vol le fameux principe de non contradiction, un principe de base de toute rationalité -c'était jadis un enseignement délivré dès les premières heures de classe de philosophie en terminale. Il semble que le Grand Timonier d'Amiens ait sauté la leçon, probablement parce qu'il courrait d'autres lièvres...
Selon ce principe, une chose ne peut être dite vraie en même temps que son contraire: de fait, on ne peut être à la fois mort et vivant, grand et petit, gros et maigre, crétin et intelligent, blanc et noir, musulman et chrétien, tatoué et sans tatouages, homme et femme -encore que, depuis un certain temps, un homme blanc, barbu, peut, sans se faire rire au nez, dire sur le plateau de Daniel Scheidermann qu'il est une femme de couleur parce qu'il est né au Liban en obtenant les plus plates excuses du journaliste qui ne s'en était pas aperçu... Comme quoi la contamination schizophrénique fait la course en tête avec le virus.
C'est en vertu de ce paralogisme devenu marque de fabrique présidentielle qu'Emmanuel Macron peut se permettre d’annoncer, en prenant soin de ne jamais utiliser le mot, le confinement de toute la France pour cause de coronavirus.
Donc : interdit de sortir de chez soi. Sauf quand on sort de chez soi, à savoir : muni d'une déclaration imprimée à partir de son ordinateur -bonjour les anciens sommés de se faire geeks pour l'occasion !
"La France est en guerre" fut-il dit à plusieurs reprises de façon martiale, il faut donc rester confiné chez soi, mais on peut tout de même effectuer "les trajets nécessaires pour faire un peu d'activité physique". Énième variation sur le thème du "en même temps" : restez confinés mais sortez quand même...
Qui pourrait imaginer qu'en guerre, et la chose fut dite à plusieurs reprises, on puisse sortir de la tranchée pour aller faire un footing sous la mitraille, les obus, en avalant à pleins poumons les gaz de l’ypérite, en courant entre les éclats d'obus, puis rentrer, indemne, à la maison ? Emmanuel Macron...
Dans la foulée, son ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, une autre flèche du carquois présidentiel, annonce clairement: "Le mot d'ordre est clair (sic) : restez chez vous !". Ce qui veut donc dire, en toute bonne logique... qu'on ne saurait effectuer "les trajets nécessaires pour faire un peu d'activité physique" !
On imagine mal que Macron et Castaner ne se soient pas concertés ! C'est donc une décision contradictoire à laquelle le chef de l'État nous contraint. Macron, en Dupond D, affirme : "Interdit de sortir, mais on le peut tout de même pour faire du sport"; Castaner, en Dupont T, ajoute : " je dirai même plus, interdit de sortir y compris pour faire du sport". Comprenne qui pourra !
Bon courage aux forces de l'ordre quand elles devront tenter de faire respecter la loi le carnet de contravention à la main...
Si l'on voulait tout de même obéir aux deux hommes en même temps, avouons que cette décision de Janus libérerait l'inventivité: nager le dos crawlé dans sa baignoire, faire du cyclisme dans son couloir d'appartement, descendre ses escaliers en ski, faire du parachute en sautant du haut de son armoire, partir en balade en canoë-kayak dans son évier, pratiquer la spéléologie dans la canalisation de ses toilettes, l'escalade en grimpant à ses rideaux, l'équitation en galopant sur son balcon - où l'on constate que le macronisme ouvre des possibles insoupçonnés!  Quelle intelligence inédite en effet...
On peut également sortir pour des raisons de santé.
Or, nous croulons sous les prescriptions médicales qui, entre cinq fruits et légumes par jour et pas plus de deux verres d'alcool quotidiens, nous invitent à faire de l'exercice dans le genre dix mille pas par jour : quiconque remplira son formulaire en disant qu'il lui faut marcher, faire du vélo, courir, sera fondé à le faire, donc à sortir de chez lui, sans besoin d'une prescription médicale, puisque les hygiénistes nous bassinent avec ces exhortations chaque jour que Dieu fait depuis des années. Demandez à Michel Cymes, le grand prêtre de cet hygiénisme, flanqué de sa caution scientifique Adriana Karembeu :  il faut bouger pour éliminer - c'est d'ailleurs également la maxime du coronavirus, son impératif catégorique ...
Je gage qu'en vertu de la logique victimaire, des associations de cardiaques ou de victimes d'AVC (je peux les invoquer, j'ai le titre aux deux, héhé...) se retourneront bientôt contre l'État en le suspectant de vouloir augmenter la mortalité en France par une production massive de crises cardiaques et de congestions cérébrales, comme on disait dans le temps, faute d'exercice physique !
Donc, le président de la République a dit : restez confinés chez vous sauf quand vous sortirez. Voilà le propos d'un philosophe, d'un sage, d'une intelligence exceptionnelle et d'un conducteur d'hommes. Jupiter, tu m'impressionnes...
Ce même discours de vingt minutes a mis à jour un second paralogisme. Un toutes les dix minutes, c'est une copie nettement à noter en-dessous de la moyenne...  
Depuis des semaines, pour contrer les souverainistes avant les élections municipales et, comme toujours, tenter de pousser les feux maastrichtiens, il a été dit, dans une belle formule ciselée par les communicants : "le coronavirus n'a pas de passeport" ! C'était une belle image qui appuyait l'idée déjà martelée souventes fois que : "le coronavirus ignore les frontières".
Dans sa première intervention, le 12 mars, Emmanuel Macron avait appelé à "éviter le repli nationaliste" face au virus qui, avait-il donc dit, "n’a pas de frontières, pas de passeport". Il avait, en même temps, assuré que les fermetures de frontières, "quand elles seront pertinentes", seraient décidées "à l’échelle européenne".
Le paralogisme était donc déjà dans cette seule phrase : si le coronavirus n'a pas de frontières comment pourrait-il en avoir tout de même ? Qu'est-ce qui rend "pertinent", pour utiliser son mot, qu'on les ferme ?
La conclusion s'impose : seule volonté de protéger l'Europe, un souci que ne mériterait pas la France tout juste bonne à crever, s’avérera pertinent...
La France n'a pas de frontières, mais l'espace Schengen, si; le virus ignore les frontières françaises, mais il connait celles de Schengen; il n'a pas de passeport français, car c'est un vulgaire torchon, mais il possède un passeport européen, un sublime sésame: jamais le cynisme de l'Empire maastrichien qui aspire à détruire les nations pour imposer sa loi n'aura été autant visible.
Un chef de l'État français qui expose sciemment son peuple et ne prend de mesures contre lui qu'en faveur de l'Europe, voilà le signe de la forfaiture -de la haute trahison si l'on préfère. Comment punit-on ce genre de crime? Le temps voulu, le peuple français saura répondre à cette question*.
Michel Onfray

*: A l'heure où je finis ce texte, j'apprends qu'Agnès Buzyn, ministre de la santé démissionnaire en pleine épidémie, et ce afin de remplacer Griveaux mis hors-course dans les municipales de Paris, prétend dans Le Monde qu'elle aurait averti Emmanuel Macron de la dangerosité de la pandémie fin janvier 2019 et qu'il n'en aurait rien fait. Si tel était le cas, la forfaiture et la haute-trahison seraient avérés. A suivre...  

http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2020/03/21/sur-le-blog-de-michel-onfray-psychopathologie-du-president-6222091.html#more

Les commentaires sont fermés.