« Roland frappa en un rocher gris. Il en détache plus que je ne saurai vous dire. L’épée grince, mais elle n’éclate ni ne se brise. Vers le ciel en haut, elle a rebondi… Eh Durendal, que tu es belle et très sainte... » (Chanson de Roland).
Nous parlons d’un temps qui laissait aux peuples se gérer, s’administrer, organiser ses métiers, comme se réunir le dimanche pour voter les affaires courantes. Certes il y avait les imperfections du temps, les excès, la rudesse, l’argent existait mais il ne commandait point les âmes
Lorsque Du Guesclin pour sa libération disait : « Il n’est pas une femme de France qui ne filerait pour ma rançon », il exprimait la nécessité matérielle nécessaire pour continuer son œuvre de bien et non la recherche d’une accumulation pour un profit personnelle. Il en appel à la Providence et celle-ci lui sourit. Les cœurs purs en sommeil attendent la revanche sur la société mercantile, règne des ténèbres, comme destructrice du genre humain, écoutons Tolkien : « Le monde a changé. Je le vois dans l’eau, je le ressens dans la terre, je le sens dans l’air. Beaucoup de ce qui existait jadis est perdu, car aucun de ceux qui vivent aujourd’hui ne s’en souvient »
L’initiation chevaleresque est parallèle à l’initiation royale. C’est l’aboutissement de la quête, comme le commencement du roi. Chaque élu, peut recevoir son couronnement intérieur comme un roi temporel. Cette démarche ou quête revient à tout baptisé dans le Christ. A l’image du prince devenant roi, choisit spirituellement, oint par le chrême, élu par l’histoire, comme par son peuple : « Peuple et Roi, sont de droit divin » disait Marcel Jullian. Une part de ce chemin est inscrit dans notre sang, sentier chevaleresque, des preux, comme des leudes sous Charlemagne. Cet ordre, cette église intérieure, cette clé du chemin spirituel s’inscrit en nous depuis le baptistère de Reims. La royauté comme la chevalerie ne peuvent que vivre ensemble. Elles symbolisent la phrase de Paul Valery disant qu’il ne s’agissait pas de refaire ce qui fut mais de retrouver l’esprit qui animait ceux qui construisaient les cathédrales, ce qui stimulait une société tournée vers l’élévation. La royauté Française, sur les cendres de l’Empire romain, au carrefour du monde aryen et des dieux nordiques, demeure l’héritière des rois bibliques d’Israël. Cette royauté est aussi héritière de la pensée grecque comme de la culture latine et byzantine. Elle est le fruit des mondes germains et celtes par l’apport des cultures et traditions comme elle accueillit en son sein le sang viking devenant celui des conquérants normands…
« La fin est tout. Maintenant encore, elle est au sommet de la gloire et attend. La vie s’écoule et je dois la quitter. Face à ma fin, non pas néanmoins dans le deuil et la détresse, mais d’un cœur viril » (saga d’Egill). L’huile miraculeuse céleste amenée symboliquement par la colombe, fit de notre peuple, la fille aînée de l’Eglise, par les promesses de son baptême, un jour de Noël 496. C’est ainsi que le roi de France est sacré comme un prêtre et a pouvoir de guérison, fait unique dans le monde chrétien. Il suffit de se replonger au sein du rituel sacré pour comprendre toute la richesse symbolique et spirituelle de la royauté en France. Le roi est l’image même de l’unité au sein de la nation, entouré des preux, fidèles et compagnons. Il est celui qui est là, en temps de paix comme de guerre, le père, Onontio comme le nommaient les Amérindiens.
« Roland sent que la mort s’empare de lui. De sa tête elle descend sur le cœur. Il est allé sous un pin en courant. Dans l’herbe verte, il s’est couché sur le visage. Sous lui, il met son épée et l’olifant... » (Chanson de Roland).
Nous sommes à la croisée des mythes et des légendes arthuriennes et nordiques où errent le fantastique et les réalités, de Galaad à Roland en passant par Gauvin, Siegfried aux preux d’Homère. Ces légendes, des gisants de pierre aux mondes étranges, d’un jadis toujours vivant, court dans nos esprits comme notre sang. Héritiers nous sommes et empiriquement dignes, nous demeurerons. Tout est symbole dans les limbes qu’expriment encore les pierres où vécurent ces sagas. Ces grands d’hier vivront à travers nos actes et comportements d’aujourd’hui, comme demain l’arbre de vie irrigue nos veines sous le soleil qu’apporte la lumière du ciel. Le guerrier qui est en nous, que l’instinct maintient dans la permanence, comme l’épée symbolique et pure demeure à nos côtés, est le garant de la civilisation des valeurs hautes de la société : « de que les genz du roiaume avoient grant duel quant il le regardoient. Nequedent en senfance estoit il mout biaus vistes et aperz et chevauchoit tresbien mieuz que navoient fet si ancesseur. De tresbonne remembrance estoit ; letres savoit assez estoires retenoit et contoit mout volentiers. James nobliast un corrouz sen li feist et plus a enviz encore les bontez que len li fesoit. » (G. de Tyr parlant de Baudouin IV)
F. Winkler (L'Ethique de la Reconquete, à suivre...)