Si vous avez eu le courage de suivre jusqu’au bout la longue conférence de presse d’Édouard Philippe, qu’aurez-vous appris ? Que « nous ne sommes pas sortis de la crise sanitaire » ? Qu’« [elle] va entraîner une crise économique [qui] ne fait que commencer et sera durable » ? Que « la vie, après le 11 mai, ne sera pas celle d’avant le confinement » ? Tout cela, vous le saviez déjà. L’impression qui en ressort plutôt, n’est-ce pas que le Premier ministre a cherché à réparer les gaffes d’Emmanuel Macron ?
Le président de la République avait annoncé que les plus âgés resteraient confinés au-delà du 11 mai, avant de se reprendre, devant le tollé soulevé et, peut-être, disent les mauvaises langues, les protestations de sa vénérable épouse. Édouard Philippe a confirmé qu’on ferait appel à leur responsabilité, sans les contraindre à rester chez eux. Olivier Véran a même dévoilé qu’à partir de lundi, il serait possible d’organiser, sous condition, « un droit de visite aux familles pour leurs aînés » dans les EHPAD. On va ainsi mettre fin à une situation jugée, à juste titre, inhumaine.
On attendait le Premier ministre sur le retour en classe, à compter du 11 mai. Sans oser remettre en cause cette date fixée par Macron, il a reconnu que la question était complexe et que « les écoles ne rouvriront pas partout le 11 mai, et ne fonctionneront pas partout […], comme c’était le cas avant le confinement ». Il a émis plusieurs hypothèses entre lesquelles il choisira, d’ici la fin avril, après concertation. « On peut imaginer beaucoup de choses », a-t-il précisé. On imagine surtout l’inquiétude des principaux intéressés (élèves, parents, professeurs, responsables des établissements) qui n’auront que quelques jours pour s’organiser.
L’important, c’est que la fin du confinement se fasse dans le respect des conditions sanitaires. Pour les masques, Édouard Philippe s’est montré résolument optimiste : « Nous avons importé plus de masques cette semaine que ce que nous en consommons. » Le port du masque pourrait même devenir obligatoire dans les transports en commun ! Oubliés, les retards à l’allumage, les déclarations antérieures sur l’inutilité des masques. Maintenant qu’on en a un peu plus, on peut envisager d’en distribuer davantage !
Le Premier ministre a plus que nuancé les annonces présidentielles. On a, ainsi, appris que le télétravail sera maintenu, « dans toute la mesure du possible », que, dans les autres cas, il faudra respecter des « mesures de gestes barrière et de distanciation sociale », que les commerces rouvriront, à l’exception des cafés et des restaurants… Interrogé sur la question de savoir si les Français pouvaient réserver une location, cet été, en France ou à l’étranger, il s’est montré évasif, craignant « qu’il ne soit pas raisonnable de voyager loin, à l’étranger, très vite ».
Bref, de nombreuses inconnues, scientifiques et sanitaires, subsistent sur les conséquences de ce virus. L’immunité est-elle acquise, quand on l’a contracté ? Va-t-il disparaître avec l’été ou s’effacer pour réapparaître ? « On ne sait pas, au risque de décevoir ceux qui aimeraient avoir des certitudes », a ironisé le Premier ministre. Pas de quoi tranquilliser ! Édouard Philippe a, sans doute, voulu préparer les esprits au pire, mais il a surtout cherché à protéger Emmanuel Macron.
Consciencieux, il tiendra son rôle de bouclier jusqu’au bout. Tant qu’il sera Premier ministre, du moins. Cela non plus, ce n’est pas assuré : il pourrait servir de fusible, si ça tourne mal, ou décider spontanément d’aller voir ailleurs !
Philippe Kerlouan