Le Croate Tomislav Sunic (www.tomsunic.com), fils d'un dissident antititiste, ancien diplomate à Copenhague et à Bruxelles, ancien professeur de Sciences politiques à l'Université dé Californie et au Juniata Collège de Pennsylvanie, est routeur de plusieurs livres dont trois écrits en français, Homo americanus, rejeton de l'ère postmoderne (éd. Akribeia), La Croatie, un pays par défaut ? (éd. Avatar) et Chroniques des Temps Postmodernes (éd. Avatar). Il collabore aussi a la revue française Catholica.
-Vivant maintenant à Zagreb, vous avez pu assister à la ruée des « migrants » venus de Serbie via la Turquie, la Grèce et la Macédoine. La Croatie est en première ligne de cette ruée. Comment vos compatriotes ont-ils réagi ?
La question touche à l'éternel clivage entre le pays réel et le pays légal. La grande majorité des Croates n'apprécient pas l'arrivée des migrants. Ils en ont peur. D'autant que tous ces migrants non seulement sont d'origine non-européenne mais, de plus, musulmans. La ruée migratoire provoque chez les Croates des images macabres des guerres centenaires menées contre les Turcs et leur barbarie qu’ils durent subir du XIVe au XVIIIe siècle. En revanche, la classe dirigeante croate, composée des rejetons des anciens yougo-communistes, laisse, afin de montrer son image libérale et tolérante, et afin de plaire à l’UE, les portes migratoires grandes ouvertes. Par peur d'être à nouveau dénoncée par Washington ou Bruxelles, comme la bête immonde oustachie, comme raciste et xénophobe, la Croatie légale doit donc se faire l'apôtre du multiculturalisme.
- À votre avis, l'exode des migrants arrivant par le Sud et par l'Est est-il spontané ou ceux-ci ont-ils été manipulés pour déstabiliser l'Europe ? Et dans l'affirmative, par qui ?
Ceux qui sont à blâmer sont les gouvernants allemands. Avec leur éloge de la prétendue culture d'accueil, ils envoient un message qui est différemment transcrit dans la tête des migrants. Les causes, pourtant, sont plus profondes. Pour saisir les démarches surréelles de la classe politico-médiatique allemande, il faut connaître la psychologie allemande d'après-guerre, à savoir la haine de soi, le culte expiatoire antifasciste du « plus jamais ça » et par conséquent l'ouverture pathologique vers l'Autre. Peu importe si les prétendus pouvoirs occultes sont ou ne sont pas arrière le Grand Remplacement racial et religieux. Ce qui importe est de savoir qui en profite. Or l'affaiblissement de l'Europe ne nuit certainement pas à l'hégémonie américaine.
- Jean-Marie Le Pen pense qu'Ankara veut profiter de la situation pour récupérer dans l'Egée et les Balkans les territoires dont te traité de Sèvres l'a privée. Qu'en pensez-vous ?
Absolument. M. Le Pen a raison. Pourvu qu'on n'oublie pas que ce furent les jacobins français, avec en tête Clemenceau, qui avaient créé la mappemonde d'Europe versaillaise et ensuite maastrichtienne. Or les appétits turcs ne se limitent pas aujourd'hui à la Macédoine, l'Albanie, le Kosovo ou la Bosnie, ils voient plus loin. La défaite des Turcs devant Vienne en 1683, leur éviction de Budapest en 1686, de Belgrade en 1717, et finalement la formidable claque catholique rendue aux Turcs par le prince Eugène de Savoie à Sarajevo en 1697, les incitent à la revanche. Chose à noter les meilleurs alliés des musulmans turcs du XVIe au XDCe siècle étaient les très catholiques cours royales de France, par haine de l'Autriche.
- Comment expliquez-vous la légèreté apparemment incroyable dont Angela Merkel a fait preuve ?
L'après-guerre avec le lavage de cerveau des Allemands par les Alliés joue un rôle central dans le comportement du gouvernement Merkel. Les mythes fantaisistes du progrès du multiracialisme semblent avoir la vie dure. Or même cette vie ne va pas durer longtemps. Comme Vilfredo Pareto l'a écrit, il y a une centaine d'années, « qui se fait agneau trouvera toujours un loup pour le manger ». La politique insensée de Mme Merkel va accélérer la fin d’un monde et l'arrivée d'autres loups, moins bêtes que les Ysengrins franco-allemands.
- Quelles seront vous les répercussions de cet afflux d'immigrés, en grande majorité musulmans, dans l’ex-Yougoslavie ?
D'abord, un risque de déstabilisation, de contamination islamique notamment en Serbie et en Macédoine sans parler de la Bosnie, et un très lourd fardeau financier pour des économies aussi fragiles. Mais à quelque chose malheur est bon. Reste à espérer que les nationalistes d'Europe vont abandonner leurs querelles tribales afin de se préparer mieux pour le prochain chaos, à savoir la fin du capitalisme globalitaire, multiracial et ethnocide. Les peuples croate et serbe sont plus avisés de l'Autre que les Français et les Allemands déjà amollis depuis des décennies par la tactique du salami migratoire du « regroupement familial ». Comme le disait Emile Cioran, la culture de la mort est plus forte chez les Balkaniques qu'en France aseptisée. Faut il citer Brasillach et notre nouvelle avant-guerre qui s'approche à pas de loup ?
Propos recueillis par Camille Galic
Présent Hors-série novembre-décembre 2015