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Le nouveau monde de Macron

S’il est de bon ton en politique de retourner sa veste, Macron, lui, ne sait plus où donner du gilet depuis la jacquerie jaune. En janvier 2019 alors qu'il agitait l'idée du « Grand débat national » pour tenter de calmer l'ire populacière, un Collectif des Gilets citoyens publia une lettre ouverte pour lui demander de créer une Assemblée également « citoyenne », dont les membres seraient tirés au sort pour plancher sur des sujets tels que la démocratie participative, la transition écologique et la justice fiscale, chère à la gauche. L'idée était portée par divers organismes et associations, avec en toile de fond le laboratoire d'idées socialiste Terra Nova.

Tous ces gilets de flanelle jaune étaient fort éloignés du mouvement de révolte néo-poujadiste qui avait occupé les ronds-points provinciaux et traînaient derrière eux des remugles bureaucratiques plutôt que le parfum brutal des gaz lacrymo. Ils portèrent sur les fonts macroniques la « Convention citoyenne contre le climat », assemblée composée, selon une méthode égalitaire, mais démocratiquement discutable, de cent-cinquante citoyens tirés au sort. Toutefois, on ne laissa pas ces croquants livrés à eux-mêmes. La nouvelle Convention fut pilotée par un Comité de gouvernance qui, lui, ne devait rien au sort et reçut comme co-présidents le directeur général de Terra Nova, Thierry Pech, et Laurence Tubiana, une économiste proche de Lionel Jospin, fondatrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales, directrice de la Fondation européenne pour le climat et membre éminent des « gilets citoyens ». Sous la houlette de ces champions de la neutralité démocratique, les tirés au sort se mirent au travail. Or, on connaît, depuis la Révolution française et la Nuit du 4 août, le danger de laisser une assemblée de Français surenchérir sur les sacrifices à demander au voisin pour se donner bonne conscience, et l'on sait aussi comment tournent les conventionnels qui prétendent faire le bonheur des gens malgré eux. Le résultat des cogitations de ces braves gens, récemment publié, dépasse ce que l'on pouvait attendre. En matière d'alimentation, par exemple, ils décident que « d'ici 2030, notre assiette devra comprendre 20 % de viande et de produits laitiers en moins mais plus de fruits et légumes, de légumes secs et de céréales », en précisant en même temps ne pas vouloir « dicter aux gens ce qu'ils doivent consommer ». Ouf Je me voyais déjà troquer le bœuf mironton pour le quinoa bouilli et le beaujolais-villages pour le détox citron-gingembre... Parmi quantité d'autres idées ébouriffantes, figure celle « d'adopter une loi qui pénalise le crime décocide dans le cadre des 9 limites planétaires, et qui intègre le devoir de vigilance et le délit d'imprudence, dont la mise en œuvre est garantie par la Haute Autorité des Limites Planétaires ». J'ignorais, quant à moi, l'inquiétante existence de ces limites et de cette Haute Autorité. Macron a finalement rejeté cette proposition. Mais si l'on suit le beau programme concocté par la Convention, on sera bientôt conduit à remplacer au fronton de nos bâtiments publics la trinité républicaine Liberté-Egalité-Fraternité par le nouveau tryptique sacré de la macronie écologiste Contrôle, Sanction, Centralisation. Robespierriste

Épilogue heureux d'une guéguerre de Vendée

La cour d'appel de Poitiers est heureusement moins sévère que les vernis du tirage au sort. Le 1er juillet, ses magistrats ont relaxé les étudiants de l'Institut Catholique d'Enseignement Supérieur de La Roche sur Yon, poursuivis pour avoir chahuté un stand du lobby elgébété en mai 2019 Les juges ont estimé que le délit d'entrave à une manifestation n'était pas constitué. Et en effet, ces jeunes brigands (en Vendée, le mot a acquis ses lettres de noblesse) ne méritaient pas d'être mis au ballon pour en avoir crevé un, même arc-en-ciel. Ils ne méritaient d'ailleurs pas davantage d'être exclus de l’ICES. Le directeur de cette excellente université privée, Eric de Labarre, qui avait cru bon de renvoyer plusieurs des présumés coupables alors que les faits reprochés ne s'étaient même pas produits dans son établissement, n'a pas bonne mine aujourd'hui - pas plus que l'évêque de Luçon, qui avait renchéri. Ainsi désavoué par les juges, il devrait en bonne logique se renvoyer lui-même ! Pour sa part, l'avocat des parties civiles, fort marri d'avoir perdu son procès en dépit de la puissance du lobby qu'il représentait, a déclaré qu'« on peut avoir commis des actions qui sont moralement répréhensibles, mais qui ne constituent pas toujours un délit pénal ». Il a raison c'est le cas, par exemple, lorsque des lobbyistes militants occupent les places d'une préfecture de province pour assurer la promotion publique de pratiques sexuelles privées...

Kéké Casta rend son képi

Les policiers peuvent aussi se réjouir le kéké de l'Intérieur le plus catastrophique que l'on ait connu depuis longtemps, Christophe Castaner a enfin rendu sa casquette et son déguisement de flic à Jupiteux. Avec le départ de Sibeth, le cirque Macron perd ainsi ses deux clowns, mais conserve la plupart de ses jongleurs et de ses acrobates. Arrivent en prime Dupont-Moretti, en cracheur de feu à la Justice, et Roselyne Bachelot, passée du paf à la culture. Ça doit être ça, le nouveau monde selon Macron.

François Couteil Monde&Vie N°988 15 juillet 2020

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