Guillaume de Thieulloy
L’Assemblée nationale a commencé la deuxième lecture du projet de loi bioéthique. Tout dans cette deuxième lecture est surréaliste. A commencer par l’agenda: la France sort tout juste du confinement consécutif au covid-19, son économie est en très mauvaise santé et les faillites menacent d’être nombreuses à l’automne. Mais la première décision du nouveau gouvernement de Jean Castex a été de discuter de cette loi – dont 71% des Français estiment avec bon sens qu’elle n’est pas prioritaire! Il faut noter que la majorité avait initialement envisagée de ne pas débattre de ce texte avant 2021, mais le lobby LGBT a montré les dents et, instantanément, la majorité a cédé…
Cette discussion est aussi ahurissante en ce que les droits de l’opposition sont bafoués et même piétinés. Tout d’abord, comme en première lecture (et contre l’usage en matière de loi bioéthique), la majorité a choisi un débat en temps programmé, ce qui signifie que les débats sont minutés et que l’opposition dispose de très peu de temps pour faire valoir ses arguments dans l’hémicycle. Comme, par ailleurs, la discussion a lieu alors que les manifestations sont encore interdites pour cause d’épidémie, les opposants au texte n’ont tout simplement aucune possibilité pour se faire entendre. Par ailleurs, le gouvernement et la majorité brillent par leur absence et leur amateurisme. En commission, contrairement à l’usage, les ministres ne sont quasiment jamais venus. Lors du premier soir de la discussion dans l’hémicycle, seuls 2 députés de la majorité étaient en séance – les autres étaient à un cocktail, à l’invitation du Premier ministre.
Mais le plus ahurissant réside, bien sûr, dans les propositions de la commission. Toutes les dérives libertaires ont été proposées – Dieu merci, certaines vont être rejetées, mais le seul fait qu’on les propose en dit long sur le déclin de l’idée même de dignité humaine au sein de la représentation nationale. Je ne pourrai pas parler de tout, tant le champ des délires est vaste. Citons pêle mêle, la création délibérée par l’Etat d’orphelins de père pour répondre aux caprices des adultes (avec la PMA sans père pour les femmes seules et les couples de femmes – remboursée par la Sécurité sociale, s’il vous plaît!) ; la création d’embryons transgéniques ; la création de chimères (mi-homme mi-animal) ; le premier pas vers la légalisation des mères porteuses avec la technique de la ROPA (pour « Réception de l’Ovocyte du Partenaire »: ce qui signifie que, pour que deux femmes soient « également » mères : l’une donnera un ovocyte et on l’implantera, après l’avoir fécondé par le sperme d’un donneur anonyme, dans l’utérus de l’autre !) ; l’eugénisme va progresser d’un cran avec la légalisation du DPI-A (diagnostic pré implantatoire des aneuploïdies) qui vise à détruire les embryons fabriqués par assistance médicale à la procréation dont le nombre de chromosomes serait anormal – en d’autres termes, la technique vise, par exemple, à détruire les embryons trisomiques. Voici quelques unes des « avancées » discutées dans cette loi et elles font froid dans le dos.
Il reste un signe d’espérance. Même si les opposants apparaissent comme un « petit reste », ils se battent comme des lions dans l’hémicycle – il faudrait les remercier tous, Emmanuelle Ménard, Xavier Breton, Marc Le Fur, Agnès Thil et tant d’autres de partis différents, mais qui se battent ensemble pour la dignité de l’être humain, réduit à l’état de chose par l’action conjuguée du marché et de l’Etat. Et, peut-être plus important encore pour l’avenir, de nombreux évêques ont parlé nettement contre ces dérives. Parmi beaucoup d’autres (qu’il faudrait tous remercier), citons:
Mgr Ginoux, évêque de Montauban: « Nous ne sommes plus dans la science au service de l’homme mais dans l’ouverture à l’inhumain. La transgression des limites ne fera pas grandir l’humanité. La réflexion sérieuse sur la personne humaine montre que cette nouvelle anthropologie nie l’origine et la fin de l’homme pour en faire un être manipulé par la technique selon des caprices qui varient et des situations instables : le désir d’enfant à tout prix, quand il n’est qu’une envie à satisfaire, n’est pas le don de soi dans l’amour partagé et reste stérile même si on se fabrique un enfant. Comme le dit souvent le pape François « tout est lié » : on ne peut pas, avec raison, promouvoir l’écologie intégrale, respecter la nature, les animaux, la planète et bafouer le droit de l’enfant à avoir un père et une mère, ne pas respecter l’embryon humain, ne pas reconnaître que l’être humain est une créature et qu’il a un créateur. Tout ce qui peut faire entendre raison à nos parlementaires doit être fait pour le bien de tous. La légalisation de la transgression serait une fois de plus la porte ouverte à toutes les violences. »
Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon: « La Procréation Médicalement Assistée ouverte aux couples de femmes qui privera un enfant de père n’est que la partie émergée d’un texte profondément transgressif. Sachant l’importance de la complémentarité homme/femme, nous ne pouvons accepter un changement anthropologique si profond qu’il effacera volontairement la paternité dans la construction, l’éducation et l’équilibre d’un enfant. Celui-ci ne sera plus reconnu comme un don mais comme un droit. L’enfant sera désormais le fruit d’un « projet parental » inscrit dans la loi, ouvrant ainsi la porte à la Gestation Pour Autrui. Les autres propositions sont indignes d’un Etat qui prétend reconnaître et honorer la dignité de la personne humaine. […] On ne peut se contenter d’une écologie qui ne concernerait que le climat et l’environnement, sans tenir compte de la nature et de la dignité de l’homme, de sa conception à sa mort naturelle. […] Entre la France des robots et de la technique, du progrès érigé en nouvelle croyance, et celle de l’attention au pauvre, du refus de la misère, du respect inconditionnel de la personne humaine, de la sobriété et du partage, notre choix est fait. »
Monseigneur Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron : « Ne reculant devant aucune transgression, les « apprentis-sorciers » de la « commission spéciale » sont en effet à l’origine d’un certain nombre de dispositions, qui se traduisent incontestablement par une « rupture anthropologique majeure ». […] Dans ces conditions, qui ne serait effrayé devant une telle manipulation de l’être humain, réduit à un matériau disponible aux désirs égoïstes d’une minorité de privilégiés qui pèsent sur le marché, ou à des fins de recherche médicale, quand on prétend par ailleurs déployer tant d’énergies pour sauvegarder les espèces animales au nom de la protection de l’environnement ? Comment ne pas manifester son indignation devant ce qui apparaît comme un passage en force, en plein cœur de la torpeur estivale, alors qu’après l’épreuve du confinement, les français sont en quête de détente et d’évasion ? Il est même à craindre que la psychose entretenue par la classe politico-médiatique autour d’une hypothétique deuxième vague de l’épidémie, conduisant à la mise en œuvre autoritaire de moyens disproportionnés pour lutter contre la pandémie, serve à détourner l’attention des citoyens de ces basses manœuvres politiques. Pourquoi en effet le Premier Ministre, dans son Discours de politique générale, omet-il d’évoquer le projet de loi bioéthique, alors qu’il est traité en urgence à l’Assemblée nationale ? Faut-il que la conscience de nos contemporains soit à ce point anesthésiée pour ne plus savoir prendre la mesure de la gravité de telles transgressions destructrices de la dignité de la personne humaine, à commencer par la plus vulnérable ? Pourra-t-on longtemps encore offenser le Créateur en son dessein de sagesse et d’amour ? »
Mais beaucoup de déclarations mériteraient d’être relayées. Elles sont toutes reprises ici. Depuis quelques années, l’Eglise de France parle de plus en plus clairement sur ces questions liées à la vie et à la famille et c’est, à mon avis, décisif pour l’avenir: une coalition pro-vie, qui nous a cruellement manqué depuis près d’un demi-siècle, est en train de naître sous nos yeux. Pour le moment, certes, nous perdons des batailles, mais nous préparons – trop lentement, bien sûr, mais sûrement – les conditions d’une résistance enfin victorieuse aux destructions prétendument progressistes.
Source : cliquez ici