Née de la fusion de la DST et des RG, la Direction générale de la sécurité intérieure (dépendant du ministère de l'Intérieur) a pour missions principales la recherche, la centralisation et l'exploitation du renseignement intéressant la sécurité nationale. En 2018 et 2020, ses services ont rendu deux rapports assez peu médiatisés.
À leur lecture, on comprend vite pourquoi. Un premier rapport de 123 pages a été rendu en 2018 sous le titre État des lieux de la pénétration de l'islam fondamentaliste en France. Il a été envoyé à tous les ministères, préfectures et services publics concernés.
Photographie de la communauté musulmane
La communauté musulmane en France se diviserait en trois tiers. Le premier tiers est composé de musulmans qua-si-assimilés, ayant fait sien les modes de vie occidentaux. Pour cette catégorie, l'islam n'est plus un marqueur religieux, juste une « lointaine » tradition culturelle familiale (religion des parents) à laquelle ils n'adhèrent pas ou peu. Beaucoup, par exemple, boivent de l'alcool, fument, certains mangent du porc, les femmes se maquillent, s'habillent à l'européenne... Bref, comme beaucoup de baptisés en France, la religion ne veut plus dire grand-chose pour eux ou demeure totalement confinée dans leur sphère privée et intime.
Le second tiers considère que l'islam devrait avoir plus de place dans la loi française et l'espace public, puisqu'il est désormais la seconde religion de France. Ces musulmans respectent les grands interdits alimentaires (notamment le halal, marché qui rapporte près de 6 milliards d'euros par an), les grandes fêtes religieuses et les cinq piliers de la religion du Prophète (profession de foi, prière, jeûne, aumône, pèlerinage), et demandent plus de mosquées. Ils estiment qu'en tant que « Français » ou étrangers en situation légale, la France doit donner plus de visibilité à l'islam (y compris dans l'entreprise puisque 54% des musulmans sont favorables à l'expression de la religion au travail), passant ainsi du modèle d'assimilation auquel adhère le premier tiers au modèle de l'intégration, c'est-à-dire qu'ils veulent vivre en France comme ils vivraient chez eux. Le dernier tiers pose d'ores et déjà des problèmes d'une toute autre ampleur...
Musulmans d’abord
Désormais, près du tiers des musulmans en France - et ce qui inquiète grandement les Services de la DGSI, c'est que cette proportion ne fait qu'augmenter constituée en majorité de moins de 35 ans - considère que c'est d'abord la Charia qui doit primer sur le droit français, ce qui signifie une rupture du contrat social et une confessionnalisation de la citoyenneté. On passe donc du bêlant « vivre ensemble » cher à la gauche au communautarisme absolu du « vivre seulement entre nous ». Le rapport de la DGSI l'indique clairement : « Ce risque se matérialise et s'intensifie alors que 53% des Français de confession musulmane pratiquent un islam conservateur qui confine à une forme de sécessionnisme politique et social pour 28% d'entre eux (halal, port du voile...).» Le rapport évoque même la mise en place accélérée d'une société parallèle voire d'une contre-société musulmane sur le sol français.
Les réseaux islamistes
C'est essentiellement dans ce dernier tiers que les réseaux islamistes prospèrent. « Ces réseaux ont investi un ensemble de champs et d'institutions leur permettant de fabriquer des individus dont la vision du monde est étrangère au ligne de l'héritage politico-culturel français... La puissance de leurs réseaux et leur prolifération sont le résultat d'une incapacité chronique à analyser leurs stratégies et leurs moyens d'action de manière globale dans des champs aussi névralgiques que l'éducation, l'entreprise, le contrôle des lieux de culte, internet et les réseaux sociaux, le monde du sport, les actions caritatives. »
Quatre de ces réseaux sont clairement identifiés par la DGSI :
- Les Frères Musulmans, mouvance la plus structurée et la plus influente. Ils contrôlent un très grand nombre de lieux de culte, ont un quasi-monopole sur la formation des imams et disposent d'excellents réseaux de communication. Leur principale bataille, celle du vocabulaire, notamment par le développement de toute une rhétorique prenant littéralement au piège les lois sur la laïcité en France (notamment par le traitement égalitaire des cultes), la victimisation des musulmans et bien sûr toute la dialectique autour de l'islamophobie (assimilée à du racisme, relayée par l'extrême-gauche, la gauche, la droite, les médias, les associations), expression rendant incapacitante toute critique non pas forcément de l'islam en tant que tel mais de ses manifestations possibles comme antinomiques avec la tradition culturelle française.
Les salafistes en forte expansion - présence active attestée dans plus de 120 villes - « l'offre religieuse la plus dynamique ». Habiles dans l'utilisation des nouvelles technologies, ils touchent majoritairement une jeunesse dépourvue de repères collectifs en leur proposant d'intégrer une communauté de substitut et en prônant un total retrait social et politique. Pour eux, l'éducation est une priorité absolue (engagement dans le soutien scolaire et le sport) mais aussi dans la culture (ils tiennent de nombreuses librairies et de nombreuses bibliothèques). C'est de leurs rangs que sont partis la plupart des candidats au Jihad en Syrie et qui ont commis des attentats en France et en Europe.
- Le Tabligh, acteur majeur de la réislamisation des banlieues dès les années 70, favorise la prédication et le prosélytisme de terrain, a pour cible la classe musulmane populaire et périurbaine. La DGSI le définit comme « un mouvement apolitique constituant un réservoir d'individus en rupture totale avec la société ».
- Le mouvement turc, constellation de mouvements, notamment le Milli Gorus, très influent au sein des communautés turques d'Europe et soutenus officiellement par Erdogan. Prône un islam radical, conquérant, séparatiste des mécréants au milieu desquels vivent les différentes communautés turques en France, en Allemagne...
Pour compléter ce rapport datant de 2018, la DGSI vient de remettre au gouvernement le fruit d'une nouvelle enquête (janvier 2020) attestant de l'aggravation de la situation puisque désormais sont pointées « 150 territoires perdus et l'apparition de micro-territoires qui se salafisent dans des zones improbables voire dans des villes de moins de 20 000 habitants, exemple Nogent le Rotrou ». Nos dirigeants ne pourront plus dire qu'ils ne savaient pas...
Eugène Krampon Réfléchir&Agir N°66 Été 2020