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Changer l'humain ? C'est possible

Dans leur livre magistral, modestement intitulé Résistance au Meilleur des mondes, Eric Letty et Guillaume de Prémare ont mis le doigt sur un phénomène capital : la dernière idéologie, celle qui provient de la Science triomphante et qui, au nom de la Science, s'engage à changer l'humain. Non seulement c'est possible, mais ça rapporte déjà !

Il y a des sujets sur lesquels il n'est plus possible de faire entendre une voix discordante. Le premier d'entre eux ? C'est ce qui touche à la vie humaine et à sa conception. Exemple récent dont nous nous étions fait l'écho : il ne s'est trouvé que sept héros à l'Assemblée nationale, pour voter contre la reconnaissance du droit à l'avortement pour toute femme - et parmi ces sept, pas une seule femme, alors que les femmes courageuses - Marion Le Pen, Valérie Boyer - ne manquent pas à l'Assemblée. Seulement voilà : on ne peut plus parler de « ça ». Ce devrait être un sujet qui interpelle la conscience de tous les Français et de toutes les Françaises.

C'est effectivement devenu un droit acquis. Droit sur la vie. Aujourd'hui (3 avril), il s'est trouvé des parlementaires pour déclarer qu'il fallait modifier la Loi Veil en supprimant la mention d'un délai de réflexion accordé aux femmes qui souhaitent avorter. On doit avorter sans réfléchir ! L’avortement est un droit sans réflexion, un droit automatique, comme le droit de se faire soigner, souligne Catherine Coutelle, responsable de la Délégation du droit des femmes à l'Assemblée nationale. Quelle horreur inhumaine ! Dans le viseur de nos bons députés également, la suppression de la clause de conscience derrière laquelle s'abritent certains médecins pour ne pas pratiquer ou prescrire l'IVG. Le moment vient où l'on ne pourra plus devenir médecin sans avoir pratiqué un avortement. Ne nous y trompons pas cet acharnement est idéologique. Il s'agit avant tout de transformer les mentalités, en habituant chacun à considérer la vie humaine comme un matériau qui se gère.

Quels sont les enjeux d'une telle gestion ? Ils sont financiers d'abord. Ils sont métaphysiques ensuite.

Une pompe à finance

Financiers ? C'est surtout la question de l'euthanasie qui permet de le montrer. L'un des premiers sans doute à avoir compris parmi les politiques que la vie est la valeur qu'il faut défendre aujourd'hui et que c'est l'enjeu principal du débat politique est Jean-Claude Martinez. Le titre de son livre est tout un programme : Euthanasie stade suprême du capitalisme (chez Via romana). Il a montré que la pérennité du système de sécurité sociale sur lequel nous vivons supposait que l'on puisse éliminer les grands malades qui ne seront plus utiles à la société. Si l'on abrégeait de dix jours la fin de vie de 200 000 malades, affirme-t-il, on aurait trouvé les douze ou treize milliards par an que nous coûte le fameux « trou de la sécu ».

Ce qui frappe quiconque étudie ce dossier c'est de constater que depuis la Fondation Rockfeller jusqu'au défunt Steve Jobs, le créateur d'Apple, rêvant de « l'intersection entre biologie et technologie », parce que c'était pour lui la manière la plus sûre de pouvoir « penser différent » un jour, il existe un rapport étroit entre le pouvoir financier et les manipulateurs biologiques en tout genre. Il est clair que là où il y a un enjeu il y a un marché. L’enjeu est capital. Le marché ouvert par les sciences de la vie, qui en sont encore aux balbutiements, risque bien d'être le Marché le plus important. Et bien entendu, cette perspective est de nature à faire taire les préoccupations morales les mieux enracinées.

Une nouvelle espérance

Mais surtout, à travers le transhumanisme (voir l'entretien avec le Docteur Dickès), ce qui apparaît c'est l'idée que l'on va pouvoir vraiment changer l'humain. Jusque-là c'est la politique qui portait les grandes et vaines espérances, ce sont les politiques qui se targaient de « changer la vie ». On a vu ! Si aujourd'hui le taux d'abstention est si fort, voisinant souvent les 50 %, c'est parce que les Français ont compris que la Politique était impuissante à porter les espérances de l'animal humain. Le marxisme est mort. Le nazisme est mort. Les idéologies politiques ne convainquent plus personne parce que l'on a fini par se rendre compte qu'il était impossible de changer l'homme. Mais on va pouvoir, scientifiquement, changer l'humain. Voilà la nouvelle espérance laïque, censée repousser à deux siècles la durée de vie de certains privilégiés qui pourront à prix d'or bénéficier d'une banque d'organes de rechange à leur disposition. Si la politique ne change pas l'homme, la science va changer l'humain. « Celui qui ose entreprendre d'instituer un peuple doit se sentir en état de changer la nature humaine elle-même » écrivait Jean-Jacques Rousseau dans le Contrat social (2,5). Voilà qui est en train de se faire. Il ne s'agit pas d'une métaphore, mais de la réalité.

Prenons un dernier exemple : la véritable égalité homme femme peut-elle être obtenue par les politiques ? C'est difficile. On a eu beau rendre obligatoire la parité lors des élections départementales, il y a eu très peu de présidentes de département élues… Mais si la science parvient à épargner aux femmes le fardeau de la maternité, en généralisant la GPA pour celles qui auront les moyens de se payer un ventre de substitution ou en travaillant à la création de l'utérus artificiel (dans la ligne d'extraordinaires couveuses qui existent déjà et permettent heureusement la naissance sans encombre de grands prématurés), là on change l'humain. Là on change les rapports entre les sexes. Là on libère véritablement la femme, qui à cause de ses maternités, ne peut pas être un homme comme les autres.

Nous n'en sommes pas encore là ? Non, mais nous y allons. Et tout ce que la techo-biologie pourra produire pour mieux gérer la vie doit être encouragé. Les scrupules moraux sur le respect de l'humanité de l'homme ne pourraient que retarder la marche en avant de l'Humanité nouvelle enfin maîtresse de son destin, parce qu'elle réussit à planifier, à organiser et en quelque sorte à produire les naissances.

Abbé G. de Tanoüarn monde&vie 11 avril 2015 n°906

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