Il faut regarder et faire connaître autour de vous ce remarquable documentaire La face cachée des énergies vertes diffusé par Arte (à revoir jusqu’au 22 janvier), signé de deux journalistes, Jean-Louis Perez et Guillaume Pitron. Les personnes qui s’expriment dans ce film sont toutes, à un degré ou à un autre, des spécialistes dans leur domaine. Pour mettre en doute leurs assertions, il faut être d’un niveau comparable : je ne m’y risque pas et préfère les citer.
La prise de conscience
Au hasard, on entend : « On a convaincu les gens que, s’ils roulaient tous en voiture électrique, et qu’on installait partout des éoliennes et des panneaux solaires, alors on aurait résolu tous les problèmes. » Un autre : « La transition énergétique est une immense mystification : on fait semblant d’être propres et, en réalité, on a juste délocalisé la pollution. » « La transition écologique est avant tout une transition économique » dont le grand public n’a aucune conscience. « 225 milliards d’euros vont être investis dans les voitures propres d’ici 2023 et, demain, des centaines de millions de voitures électriques rouleront sur la planète. » Idem pour les panneaux solaires. Idem pour les éoliennes.
La démonstration
Pour fabriquer des produits « propres », batteries de voitures, rotors d’éoliennes, cellules de panneaux solaires, il faut des métaux rares. Ainsi, il en faut une tonne pour une seule éolienne offshore. D’où viennent ces métaux ? Principalement de Chine, premier producteur mondial. Leur extraction se fait au prix d’une violence inouïe contre la Terre et les gens qui y travaillent ; les rejets sauvages des eaux usées provenant des usines de raffinement des terres rares contaminent des milliers de km² et font mourir des dizaines de milliers de gens. Un interlocuteur européen résume : « C’est au prix de ces nouvelles pollutions, à l’autre bout du monde, que nos éoliennes, nos panneaux solaires et nos voitures propres purifient l’air en Europe. » Un universitaire chinois confirme : « Ces zones d’extraction sacrifient leur histoire, leur géographie, la santé de leur population, et tout cela se fait au bénéfice d’autres zones qui, elles, peuvent s’offrir le luxe de promouvoir les énergies propres. » Amer constat. « La voiture électrique devient l’étendard d’un monde vertueux, mais cela tourne parfois à l’absurde. » Là-bas, on tue pour l’énergie verte.
L’avenir probable
On dit, dans ce documentaire, que la nouvelle révolution industrielle créera 25 millions d’emplois dans le monde, dans les dix prochaines années. La Chine a fait main basse sur ces nouveaux métiers. Elle a déjà asséché le marché européen de fabrication des panneaux solaires. Elle ne se contente pas de fabriquer la moitié des batteries installées dans les voitures du monde, elle produit ses propres voitures – notamment le groupe BWD – et, dans un avenir proche, va déverser sur l’Europe des millions de voitures aussi performantes que les nôtres, mais beaucoup moins chères. D’autres pays – Chili, Bolivie – sont sur les rangs pour l’exploitation de matériaux de base indispensables, tels que le lithium et le graphite. Il s’agit d’une question hautement politique mais, par malheur, les gouvernants, quels qu’ils soient, « regardent ailleurs », comme disait Chirac. Un intervenant conclut : « C’est le monde du commerce qui mène la transition écologique, pas les bénévoles ! »
Ce reportage expose les enjeux de la vraie écologie, à mille lieues des frétillements infantiles de nos petits hommes verts.
Yannik Chauvin