Emmanuel Macron, ou la volonté de survivre. Depuis 2017, rien ne s’est passé tel que cela avait été pourtant prévu par le premier cercle des marcheurs. Il entendait alors « moderniser la France », comme on dit ; soit la gérer comme une simple entreprise avec, en lieu et place de gouvernement, une sorte de conseil d’administration. Après la fin de l’Histoire, celle de la politique ? À l’instar de la première, cette dernière s’est tôt rappelée à son bon souvenir.
Ainsi, gilets jaunes, terrorisme islamiste, et même ce coronavirus qu’il a attrapé… Une contamination qui vient, pour tout arranger, de le priver d’un de ses ultimes arguments, consistant à prétendre que des populistes tels que Donald Trump et Boris Johnson étaient des incapables, puisque plombés par la maladie. Alors qu’ici, on allait voir ce que l’on allait voir. On a vu. Avec mamie Brigitte, il est effectivement mûr pour aller réveillonner dans la cuisine pendant qu’enfants et petits-enfants festoieront au salon.
Bref, c’est le moment ou jamais de ressortir un antique serpent de mer : la proportionnelle aux législatives, l’une de ses promesses programmatiques mises sous le tapis dès son arrivée à l’Élysée. Pour porter ce projet, François Bayrou, haut-commissaire au Plan, à ne pas confondre avec ceux à trois, défendus, eux, par Marlène Schiappa.
Et le président du MoDem, interrogé par L’Opinion, ce 21 décembre, d’affirmer : « Il n’est pas normal que des forces politiques soient éliminées en raison du couperet majoritaire. Comment comprendre que Marine Le Pen fasse 35 % à la présidentielle et 1 % des députés, qu’en 2007, je fasse 19 % et trois députés, ou encore que Jean-Luc Mélenchon soit dans la même situation ? C’est tellement injuste que ça décourage les électeurs et favorise l’abstention. » Voilà qui paraît être frappé au coin du bon sens. D’ailleurs, Daniel Cohn-Bendit, répondant au même journal, prône, lui aussi, « la proportionnelle intégrale partout ». Même à l’élection présidentielle ? Tout de même pas, quoique avec lui, on puisse s’attendre à tout.
Mais pourquoi, aujourd’hui, revenir sur cette promesse tant de fois faite et jamais suivie d’effets ? Tout simplement parce qu’il y a urgence, sachant que, depuis 2019, il est interdit de modifier le droit électoral un an avant le scrutin. « Après mai prochain, il ne sera plus possible de le faire », à en croire Emmanuel Macron, encore cité par L’Opinion.
Il est un fait que le chef de l’État a beaucoup à gagner dans cette affaire. Ce que confirme précisément Nicolas Beytout, directeur du quotidien en question et interrogé le même jour par Europe 1 : « Beaucoup, dans la majorité LREM, se rendent compte que, si Emmanuel Macron était réélu en 2022, il lui serait probablement impossible de rééditer l’exploit de son premier mandat : avoir à l’Assemblée nationale une majorité absolue de députés à lui seul. Beaucoup de parlementaires l’ont quitté, et un certain nombre ont clairement montré leurs limites. Ils ont peu de chances d’être réélus. L’idée d’instaurer une proportionnelle, c’est-à-dire un mode de scrutin qui est réputé favoriser les alliances, les grandes coalitions entre partis, évidemment, ça prend tout son sens. »
Même son de cloche chez Jean-Christophe Lagarde, patron de l’UDI, scission du MoDem : « C’est l’intérêt d’Emmanuel Macron de le faire. Cela démontre qu’il est conscient que s’il est réélu, il n’aura pas de majorité. » Et d’ajouter, avec une pertinence qu’on ne lui connaissait pas : « Si Marine Le Pen est élue, c’est aussi un moyen qui peut l’empêcher d’en avoir une. »
« En même temps », disaient-ils ? Certes. Mais « en même temps », on constate aussi qu’il n’y a pas de trêve des confiseurs pour les tripatouilleurs.
Nicolas Gauthier