Dans Valeurs Actuelles, le père Danziec analyse le succès rencontré par la chaîne CNews :
Ce n’est pas manquer à l’humilité que de s’en féliciter : Valeurs actuelles a enregistré sur ses plateformes numériques tout au long de 2020 une progression à faire pâlir d’envie un curé de campagne en mal de paroissiens : rien qu’en novembre dernier, + 356 % de visites en un an, 8,5 millions de visiteurs uniques et près de 45 millions de pages vues. Cette réalité comptable, si elle peut paraître subsidiaire par rapport au message délivré, signifie tout de même quelque chose. Ces résultats rappellent d’abord que le travail finit toujours par payer. Mais surtout, ils attestent qu’assumer des convictions fortes n’entame pas nécessairement les fruits d’un labeur quotidien.
Le mouvement dextrogyre, conceptualisé avec brio par le professeur Guillaume Bernard dès 2016, peine certes à se concrétiser électoralement, néanmoins il se confirme sur le plan digital. C’est dorénavant par la « droite des valeurs » que viennent l’enrichissement du débat d’idées et la pression politique. Cette droitisation, qui se traduit par l’émergence médiatique d’une certaine France décomplexée se refusant à avoir honte d’elle-même, se conjugue à une gauche en pleine crise identitaire. Déjà écartelée entre le concept d’une laïcité stricte et ses ambiguïtés avec l’islam, la gauche se trouve désormais rattrapée par ses vieux démons libertaires. La récente affaire Duhamel n’est qu’un chapitre supplémentaire qui s’ajoute à ceux des sapins de Noël et de la marche contre l’islamophobie. Autant de pages qui, à la longue, finissent par donner envie de précipiter la fin du livre de 1968…
Liberté de ton contre politiquement correct
Le succès de CNews, qui pourrait le nier, participe de ce basculement. Son directeur, Serge Nadjar, glissait en juin dans les colonnes du Parisien « On ne regarde plus une chaîne d’info pour savoir ce qui se passe ! On a toutes les informations sur smartphone. » Fort de ce constat, en se positionnant éditorialement comme une chaîne d’opinion, les deux émissions phares, L’heure des pros et Face à l’info, ont offert aux téléspectateurs des analyses sans tabou autour de certains thèmes sensibles, voire explosifs, tels que la sécurité, l’immigration, l’écologie ou les violences urbaines. Et si le choix d’accueillir sur ses plateaux un spectre d’invités sans exclusive a valu à la chaîne d’être qualifiée par Benoît Hamon de « chaîne d’extrême droite complotiste », le chiffre des audiences n’en demeure pas moins à l’opposé de celui de l’ancien candidat socialiste à la présidentielle de 2017…
Les résultats parlent d’eux-mêmes : tous les créneaux ont progressé, de 50 % à 300 %. En 2020, Pascal Praud et ses débatteurs permettent à CNews d’être la première chaîne nationale durant la matinée, le duo Kelly-Zemmour dépasse quant à lui BFMTV le soir. Dans une toute récente interview accordée au Journal du dimanche, Serge Nedjar pouvait se féliciter du cap jusqu’alors suivi :
« Il est important d’écouter toutes les opinions, même les plus dérangeantes et les plus politiquement incorrectes. Les téléspectateurs y ont été d’emblée sensibles : ils savent que sur CNews la parole est libre et les avis, divers. »
Cette liberté de ton qui s’invite à domicile, comment l’âme française pourrait ne pas y être sensible ? Le commun des fidèles n’attend pas de son prêtre qu’il délivre un discours fade et sans relief mais, au contraire, qu’il s’exprime avec la verve d’un Don Camillo, quitte à être bousculé dans son confort. De même le Français des ronds-points n’attend pas qu’on l’endorme ou le fatigue avec une pensée unique aseptisée. Nous portons tous en nous le désir d’être rejoints dans nos préoccupations, ce quotidien qu’on appelle le réel. Or cette connexion avec la réalité, difficile de ne pas la ressentir en regardant Pascal Praud ou Eric Zemmour.
Praud et Zemmour traitent les sujets d’actualité sans détour
Dans L’heure des pros, le premier dirige ses invités tel un père de famille, attentif à tirer le meilleur de chacun d’eux. Il arrive qu’il gourmande certains, en fasse taire d’autres à l’occasion, mais la bienveillance domine et l’amour du débat prévaut. Dans Face à l’info, l’alchimie créée par Christine Kelly entre ses chroniqueurs garantit à l’émission une atmosphère cordiale, pour ne pas dire posée et chaleureuse. La complicité manifeste entre un Eric Zemmour et un Marc Menant fait mouche. Mais au-delà de la forme, ce qui apparaît plus appréciable encore, et ce dont les audiences témoignent, réside dans la capacité de Praud et de Zemmour à traiter les sujets d’actualité sans détour. Chez eux, la langue de bois semble avoir été depuis longtemps tronçonnée. Alors, oui, bien sûr, du fait d’une parole libérée, cette dernière n’échappe pas, parfois, aux excès des passions ou aux coups de gueule passagers.
La vie serait-elle vraiment la vie si l’on devait s’obliger à rester de marbre ou bâillonner ses convictions d’un insupportable masque ? L’impertinence face à la bien-pensance, oui. La culture de l’audimat via l’outrance, non. Une analyse honnête oblige à constater que chez les deux journalistes vedettes, le besoin compulsif de faire le buzz ne constitue pas le fil rouge de leur temps d’antenne. Cette forme de débat désinhibé, où l’on peut montrer, sans s’excuser ou avoir l’air gêné, la vidéo d’un entretien télévisé de Jean-Marie Le Pen déclinant, dès 1989, les raisons de ses réserves quant à l’islam, permet au téléspectateur de respirer. Enfin. A l’image des meilleures homélies, en écoutant ces émissions, les auditeurs n’ont pas l’impression de recevoir des leçons mais de pouvoir en tirer.
« Le monde devient inhumain lorsqu’il est emporté dans un mouvement où ne subsiste aucune espèce de permanences », écrivait Hannah Arendt. On pourrait ajouter que le monde devient proprement odieux lorsque l’on tend à étouffer en son sein toute forme de contradiction. A cet égard, si l’Evangile demande aux disciples du Christ d’en être des signes, ce n’est sûrement pas un hasard.
https://www.lesalonbeige.fr/le-mouvement-dextrogyre-se-confirme-sur-le-plan-digital/