On a assez glosé sur les déboires d’instagrameuse de Marlène Schiappa, ces jours derniers – sans vouloir paraphraser une formule célèbre, qui imagine Marie-France Garaud vanter son lissage brésilien ? – pour éviter d’y revenir… mais convenons que plus que dans la coiffure du ministre délégué, c’est dans sa pensée emmêlée qu’il faudrait mettre un peu d’ordre. Dans ce fouillis échevelé, on ne comprend plus rien. À moins que ce grand flou ne soit un mode de communication politique assumé ? Reçue par France 3, sur le plateau de « Dimanche en politique », elle est interrogée par Francis Letellier sur la « loi sur le séparatisme ». Elle reprend aussitôt le journaliste : il faut appeler cela « loi pour conforter les principes républicains ». Quitte à ne pas être claire, autant ne pas l’être du tout. L’avantage étant qu’ensuite, on peut y faire rentrer tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi.
Ainsi, sans crier gare, pour illustrer le cas des « certificats de virginité », elle évoque les demandes émanant « de plus en plus de familles influencées par des courants évangélistes (sic) venant des États-Unis ». Elle connaît si bien le dossier qu’elle confond les « évangélistes » – saint Marc, saint Matthieu, saint Luc et saint Jean – et les « Évangéliques ».
Christian Blanc, président du Conseil national des évangéliques de France (CNEF), visiblement éberlué, rétorque sur Twitter que « les certificats de virginité sont une pratique inconnue au CNEF », évoquant « une parole très regrettable de la part de Mme M. Schiappa ».
Thierry Le Gall, pasteur et directeur du service pastoral du CNEF auprès des parlementaires, est curieux de savoir « combien de familles protestantes évangéliques en France font usage de certificats de virginité ». La question est intéressante, en effet… Il dénonce un « étrange amalgame avec l’islam radical ». Un autre compte Twitter du CNEF prie Marlène Schiappa de cesser « d’inventer des fake news », lui recommande « de se renseigner avant de diffamer » et fait même un peu d’ironie grinçante : « Heureusement qu’on ne demande pas des certificats de compétence avant que les ministres s’expriment, car sinon Marlène Schiappa serait recalée en examen de laïcité et de culture religieuse. Les certificats de virginité n’existent pas chez les évangéliques. »
Sans doute comme les catholiques, les évangéliques font-ils de la chasteté avant le mariage un idéal à atteindre, mais jamais, au grand jamais, même au temps de La Fille du puisatier, quand faire passer Pâques avant les Rameaux était vécu comme un déshonneur pour une famille, des parents chrétiens n’auraient soumis une jeune fille à cette pratique barbare traumatisante.
Peut-être – on ne peut imaginer qu’elle ait tout inventé ? – Marlène Schiappa a-t-elle eu vent d’une sombre histoire dans une famille cinglée et se sert de cet exemple pour faire une généralité ? Et quand il s’agira de polygamie, aura-t-elle assez de culot pour prétendre que la prolifération actuelle de ce fléau dans notre pays est le fait des mormons – connus pour l’autoriser – venus d’Amérique ? Continuera-t-on à finasser, noyer le poisson, tourner autour du pot, histoire d’être bien sûr de tomber à côté, et de parvenir à tout museler, sauf bien sûr l’islamisme ?
Les évangéliques n’ont pas bonne presse. Au début de cette crise sanitaire, il était de bon ton, sur tous les plateaux télé, de claironner que si le « cluster de Mulhouse » – un rassemblement à l’époque tout à fait autorisé – n’avait pas existé, la France serait passée entre les mailles du filet. Ils ont été menacés, conspués.
Ceux qui connaissent l’univers des banlieues savent pourtant que là-bas, les évangéliques sont souvent un rempart, par leur foi d’enfant sans fard, leur prosélytisme bienveillant et décomplexé, contre un islam dévorant, quand l’Église catholique elle-même, dévorée par ses doutes, a abdiqué. Quelle merveilleuse idée de les renvoyer dos à dos avec ceux qu’ils contiennent et de les affaiblir en les discréditant.