Déjà repoussées à l’automne dernier du mois de mars à celui de juin, les élections départementales et régionales, qui doivent normalement se tenir les 13 et 20 juin prochains, vont-elles être à nouveau reportées pour cause de COVID-19 ? Si le Conseil scientifique, tout en insistant lourdement sur le « très grand risque » qu’il y aurait à maintenir ces scrutins, a officiellement refusé lundi de se prononcer sur le sujet, le chef de l’Etat a quant à lui déclaré attendre que le gouvernement lui remette ce jeudi son rapport puis d’avoir consulté les différentes formations politiques du pays avant de trancher définitivement sur cette question.
Un « suspense », et surtout un possible nouveau report des élections, qui n’en finissent plus d’agacer l’opposition de droite comme de gauche, qui souligne à juste titre que plusieurs de nos voisins européens ont, eux, maintenu leurs consultations, et insistent avec raison sur le fait que l’actuelle pandémie ne peut indéfiniment « geler » la vie démocratique de notre pays.
La légitime colère de l’opposition
C’est le cas notamment de dix présidents de région, de droite comme de gauche, dont le président LR de l’Association des Régions de France, Renaud Muselier, qui, le 21 mars dernier, ont exprimé dans une tribune publiée par la presse leur opposition à un nouveau report, en précisant que « nous ne pouvons pas suspendre la démocratie à un retour à la normale alors même que tout le monde s’accorde à penser qu’il faudra s’habituer pour longtemps à vivre dans un nouveau contexte sanitaire ». Ou encore de Julie Bayou, responsable d’EELV, qui a expliqué mardi qu’« aucun des treize pays européens concernés par une élection n’a reporté ». Une affirmation cependant inexacte puisque, le 11 mars dernier, le gouvernement italien a officiellement annoncé le report à l’automne 2021 d’une série d’élections locales, dont celle des maires de grandes villes, initialement prévues en juin, en raison de l’aggravation de la situation sanitaire chez nos amis transalpins. Même chose en Grande-Bretagne, où le gouvernement de Boris Johnson a décidé le 12 mars de reporter d’un an les élections locales qui devaient se tenir dans une partie des municipalités du pays, et notamment à Londres, le 7 mai prochain.
La crise sanitaire pour prétexte
Toutefois, respecter le calendrier électoral, et donc la démocratie, en pleine période d’épidémie sans provoquer une catastrophe sanitaire est parfaitement possible, comme nous l’ont récemment montré plusieurs de nos voisins européens. A commencer par l’Allemagne, où les élections régionales dans le Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat se sont déroulées comme convenu mi-mars, et où le gouvernement n’envisage pas à cette heure de reporter les élections législatives prévues dans six mois. Pareil pour l’Espagne qui, bien que très touchée par l’épidémie de COVID, a quand même maintenu mi-février l’élection du parlement de Catalogne. On pourra encore citer l’exemple du Portugal qui, bien qu’étant à l’époque en plein confinement général et particulièrement strict, a malgré tout maintenu fin janvier son élection présidentielle. Autrement dit, plus qu’une affaire de sécurité sanitaire, le respect ou non par le gouvernement du calendrier démocratique est d’abord et avant tout une affaire politique. Mais l’on comprendra aisément que certains, comme notre gouvernement, n’hésitent pas à prétexter de la crise pour éviter d’essuyer une nouvelle déroute électorale…
Franck Deletraz
Article paru dans Présent daté du 31 mars 2021