De nombreux réfugiés syriens reçoivent, depuis quelques mois et dès la fin de validité de leur permis de séjour temporaire au royaume du Danemark, un courriel de l’office des migrations les informant que leur permis de séjour ne serait pas renouvelé : les autorités danoises estiment que la situation dans la région de Damas est suffisamment sûre pour qu’ils puissent y retourner.
Selon les chiffres de l’office des migrations, 170 réfugiés syriens ont perdu leur titre de séjour en 2020. Entre janvier et février 2021, 84 autres. Et, depuis mars, plusieurs dizaines encore, faisant du Danemark le premier pays en Europe à ordonner le retour des réfugiés syriens.
Dimanche 4 avril, le directeur du lycée et une lycéenne syrienne étaient apparus tous les deux sur le plateau de la chaîne TV2. Longs cheveux châtains et grands yeux sombres, incapable de contenir ses larmes, Aya Abo-Daher a expliqué qu’elle craignait pour sa vie et celle de ses parents, si elle était renvoyée en Syrie. Une manoeuvre classique des officines immigrationnistes pour faire pleurer dans les chaumières des naïfs.
Depuis, les trois partis de centre gauche, alliés du gouvernement minoritaire, dirigé par la sociale-démocrate Mette Frederiksen (au franc parler) depuis 2019, ont pris fait et cause pour la lycéenne, ses parents, et les autres Syriens, dont les témoignages commencent à émerger sur les réseaux sociaux. Pas de quoi émouvoir cependant le ministre de l’immigration et de l’intégration, Mattias Tesfaye.
Sur TV2, le 2 avril, il a affirmé que la famille de la lycéenne espérait un traitement de faveur et martelé qu’il n’était pas question de faire « deux piles différentes », entre « ceux qui passent à la télé » et les autres. Le ministre (lui-même fils d’un réfugié éthiopien – charité bien ordonnée commence par soi-même -) affirme que le Danemark a été « honnête dès le premier jour » avec les Syriens, « en disant clairement que leur permis de résidence était temporaire et pouvait être révoqué si le besoin de protection cessait d’exister ».
Fin février, Mattias Tesfaye avait fait savoir que les dossiers de 350 personnes, originaires de la province de Damas, allaient être réexaminés. La commission de recours des réfugiés venait alors de confirmer en appel la décision de l’office des migrations de ne pas renouveler le titre de séjour de trois Syriens. Raison invoquée : « Depuis mai 2018, les autorités syriennes contrôlent pratiquement toute la ville de Damas et sa province, et il n’y a eu aucun incident de sécurité majeur dans la région. »
En juin 2020, se basant sur des conclusions similaires de l’office des migrations pour la capitale syrienne, M. Tesfaye avait déjà ordonné le réexamen de 900 dossiers. Pour justifier de la position de son gouvernement, le ministre rappelle que près de 100 000 Syriens, qui ont fui leur pays, y sont rentrés l’an dernier, dont 237 repartis volontairement du Danemark entre 2019 et 2020.
Les ONG dénoncent évidemment une « décision politique », ne reflétant en rien la situation sur le terrain. « Les récentes améliorations observées dans certaines zones en Syrie ne sont pas suffisamment importantes, stables et durables pour garantir la sécurité de ceux qui rentreraient », assure Anders Aalbu, porte-parole du Haut-Commissariat aux réfugiés dans les pays nordiques. « Le fait qu’il n’y a pas de combats dans la région de Damas ne veut pas dire qu’il n’y a pas de risques », renchérit Charlotte Slente, secrétaire générale du Conseil danois des réfugiés. Elle fait état de« violations des droits de l’homme, détentions arbitraires et disparitions » sans bien sûr en fournir la moindre preuve !
Engagé dans la défense du droit d’asile, l’écrivain Carsten Jensen fustige « une politique dans la continuité de ce que la droite a fait depuis le début des années 2000, avec le soutien de l’extrême droite ». Les sociaux-démocrates l’assument. « Ils sont convaincus que c’est ce qui leur a permis de récupérer les voix de l’extrême droite et de revenir au pouvoir », résume M. Jensen. Fin janvier, Mme Frederiksen, a d’ailleurs rappelé que son objectif était, tenez-vous bien… « zéro réfugié ». Quand entendrons-nous ce discours dans la bouche de Jean Castex ?
Toutefois, les Syriens ne pourront pas être renvoyés de force. Si le parti libéral souhaite signer un accord de rapatriement avec le régime de Bachar Al-Assad, le gouvernement danois s’y oppose encore sous la pression de l’Union européenne ! Ceux qui refusent de partir d’eux-mêmes seront donc placés dans des « centres de retour », avec interdiction d’étudier ou de travailler. Des conditions que Lisa Blinkenberg, conseillère à Amnesty International, craint voir pousser les personnes concernées à accepter un retour, malgré les risques.
Bon voyage et salut à Bachar !