Élections en France, distance, accoutumance… les trois à la fois ? On ne peut pas dire que l’égorgement de Würzburg, vendredi (l’Allemagne, à l’instar de la France, découvre le syndrome afghan : ce jour de la semaine est à risque), ait suscité un grand intérêt dans notre pays. Pourtant, tout est si semblable à ce que vous vivons…
Libération s’en est fait l’écho dans ce qui ressemble à un morceau d’anthologie : « Selon un témoin, il aurait crié lors de son acte Allah Akbar », mais « on ignore encore les motivations précises de l’agresseur » (sic). C’est vrai qu’on se gratte la tête avec perplexité, on se perd en conjectures… Pour la défense de Libération, les autorités allemandes ont elles-mêmes fait montre de pudeurs de rosière : était-ce le fait d’un déséquilibré – l’homme était connu pour faits de violences et avait été interné pour troubles psychiatriques – ou d’un islamiste ? Le ministre de l’Intérieur bavarois, Joachim Herrmann, s’interrogeait quelques heures après les faits, reconnaissant que l’un n’était pas forcément exclusif de l’autre. On pourrait même dire – soyons fous à notre tour – que les deux vont de pair. Quelle sorte de braves gens sains d’esprit et bien dans leur peau se lèvent le matin avec l’idée irrépressible d’aller assassiner leur prochain ?
Quoi qu’il en soit, dimanche soir, ledit ministre admettait finalement (Bild) « qu’à la lumière de ce [qu’ils] avaient retrouvé, beaucoup d’éléments [indiquaient] qu’il pourrait s’agir d’un acte islamiste ». Le Monde parle de « retenue politique » dans les réactions. Préférant sans doute laisser passer la vague de l’émotion et de la colère avant de lâcher tout le morceau, les gouvernants allemands, gênés aux entournures, se hâtent aussi lentement que leurs homologues français.
Würzburg est le chef-lieu de Basse-Franconie, en Bavière, et compte 130.000 habitants. La ville est le point de départ septentrional, sur le Main, de la Route romantique. Son château est un chef-d’œuvre baroque, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, digne, dit-on, du château de Schönbrunn à Vienne ou de celui de Versailles. Une description à la fois singulière et banale de tant de villes d’Europe… toutes frappées par les mêmes maux. En 2016, Würzburg avait d’ailleurs déjà connu une attaque à la hache dans un train, par un Afghan, qui avait fait cinq blessés. Cette fois, c’est un Somalien, Abdirahman J., arrivé avec la vague migratoire de 2015, qui est passé à l’acte. Pour l’heure, les habitants de Würzburg, impuissants, déposent sur les lieux du crime – un centre commercial – des bougies et des fleurs. Tout pareil qu’en France, on vous dit !
Que faisait, sur le sol allemand, ce fou dangereux arrivé clandestinement ? Il « avait droit », entend-on, au statut de réfugié. Pas de dysfonctionnement, paraît-il. Itou chez nous.
Les officines féministes, de ce côté-ci du Rhin comme du nôtre, pourtant habituellement si promptes à s’offusquer d’une peccadille, n’ont pas bronché : elle n’ont pas souligné que ce carnage était, au sens littéral du mot (qu’elles affectionnent), un féminicide : selon le journal Bild am Sonntag, « Abdirahman J. (24 ans) à Würzburg (Bavière) a tué trois femmes (24 ans, 49 ans, 82 ans) avec un couteau et en a blessé six autres – deux sont toujours en danger de mort. L’agresseur a ciblé les femmes ! » La plus jeune d’entre elles, Steffi W., choisissait dans le magasin sa robe de demoiselle d’honneur pour le mariage d’une amie.
Si friandes d’exemples de courage au féminin, elles n’ont même pas rendu hommage à Christiane H., professeur de son état, qui a donné sa vie pour protéger sa fille de 11 ans. (Bild).
« L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun », avait lâché Emmanuel Macron à des journalistes suisses, peu de temps après son élection.
De fait, l’Europe n’est pas un supermarché, car ce que l’on nous impose, nous ne l’aurions jamais choisi. Quant au destin commun, nous l’entrevoyons aujourd’hui : fait de larmes, de sidération, de pusillanimité et de déni.