A l’occasion de son congrès à Perpignan, le Rassemblement National a renouvelé ses instances.
Les nominations au Bureau National traduisent une forte influence du clan Hénin-Beaumont-Fréjus (Steeve Briois, Bruno Bilde, David Rachline) : Philippe Vardon n’est pas renouvelé au BN ni Sophie Robert (proche de l’Issep de Marion Maréchal), ni Paul-Henry Hansen-Catta (pro-chasse). Julien Odoul est promu porte-parole.
Jordan Bardella, 25 ans, a été désigné premier vice-président du Rassemblement national, ce qui le portera à remplacer Marine Le Pen à la tête du parti pendant la campagne présidentielle. Pour la petite histoire, Jordan Bardella vit avec Nolwenn Olivier, fille de Marine-Caroline Le Pen (sœur de Marine, et donc petite-fille de Jean-Marie Le Pen) et de Philippe Olivier (conseiller spécial de Marine).
Marine Le Pen a été réélue présidente du parti à 98,35 % des voix des adhérents (1,22 % d’entre eux ont voté blanc, et il y a eu 0,43 % de bulletins nuls). Marine Le Pen était seule candidate à sa succession. Ce résultat nord-coréen ne sert qu’à affaiblir sa crédibilité dans l’opinion. Le préfet Christophe Bay, passés par les cabinets de Chevènement et Hortefeux, devrait être son directeur de campagne présidentielle.
Voici les 10 premiers élus du Conseil National par les adhérents :
Le conseil national ne dirige pas le parti, c’est le rôle du bureau politique, où Marine Le Pen dispose d’un quota discrétionnaire de nominations.
Dans Le Monde, le politologue Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques (Fondation Jean Jaurès), estime :
Je continue à croire qu’il existe un capital de sympathie pour Marine Le Pen supérieur à celui des têtes de listes aux élections régionales. C’est bien elle que les électeurs RN veulent voir élue à la présidence de la République, et elle a plus d’impact que les candidats de juin. De plus, eux avaient l’inconvénient majeur de se présenter à une élection qui n’est pas très bien identifiée. Ce n’est pas parce que le RN a objectivement échoué aux régionales qu’il en sera de même en 2022.
Il faut se méfier des annonces du déclin du RN. La chercheuse en sciences politiques Nonna Mayer avait montré qu’après la profanation de Carpentras, en 1990, imputée à tort au Front national (FN), il y avait eu une baisse extrêmement importante des intentions de vote pour le parti. Jean-Marie Le Pen a reconquis ses électeurs dans les six mois. Avec l’affaire des chambres à gaz, « point de détail de l’histoire », en 1987, chacun jugeait le propos si odieux qu’il allait tuer le FN. L’enterrement n’a pas eu lieu et Jean-Marie Le Pen a recommencé en 1997. En 1998, il y a eu la scission mégrétiste, puis, en 2002, au second tour de la présidentielle, Jean-Marie Le Pen n’a obtenu que 17,8 %. Enfin, en 2007, Nicolas Sarkozy l’a relégué à 10,4 %; il était alors évident que c’était la fin du parti d’extrême droite. Il faut se méfier des prophéties concernant le RN.
[…] Il y a de la grogne contre l’entourage rapproché de Marine Le Pen, mais peu d’alternatives. Beaucoup de militants souhaiteraient que les choses soient exprimées plus fortement, voire plus crûment, sur l’immigration et l’identité, qui sont, pour eux, la question centrale. Mais comment ? En refaisant du Jean-Marie Le Pen ? Ce n’est pas envisageable. Marine Le Pen ne parle jamais de « grand remplacement », un concept assez populaire à la base, mais difficile à assumer, car cela voudrait dire aller plus loin, pas seulement fermer la porte à toute nouvelle immigration. Et cela ferait douter de sa « dédiabolisation».
Concernant l’hypothèse Eric Zemmour, Jean-Yves Camus déclare sur France culture :
Pour faire une présidentielle, et pour faire la course on va dire dans le trio de tête d’une présidentielle, il faut une organisation. Il faut une organisation à toute épreuve avec des financements, avec un maillage territorial, car il y a une étape avant d’être candidat : il faut recueillir les 500 parrainages d’élus requis. Et même pour Marine Le Pen, la quête des parrainages n’a pas toujours été une partie de plaisir.
Bref, il faut être adossé à autre chose qu’à un succès médiatique et des livres. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’espace pour Éric Zemmour, mais il y a des questions qui se posent sur la séquence médiatique Zemmour que nous connaissons actuellement. Qui, par exemple prend en charge le coût de ce que nous voyons ces jours-ci comme teasing ? Et puis, venir de la société civile, cela a ses limites. Il vaut mieux à un moment donné être adossé à un parti politique. D’autant qu’Éric Zemmour, et là aussi les enquêtes le montrent, prend des voix d’abord à LR (le parti Les Républicains). Or, s’il y a bien un parti à droite qui sort renforcé des élections régionales, c’est LR avec plusieurs candidats possibles à la présidentielle.
On va examiner deux possibilités.
La première c’est Xavier Bertrand. Xavier Bertrand est un conservateur modéré, classique. Mais dans son discours de dimanche soir, il a nettement entonné le couplet de Nicolas Sarkozy en 2007 : la France des oubliés, la France qui se lève tôt, la valeur travail, le patriotisme, la sécurité. C’est un appel au flanc droit de LR pour que certains le rejoignent, ce qui lui permettra de marcher sur ses deux jambes, le centre droit et la droite dure.
Deuxième possibilité, c’est Laurent Wauquiez. Et là, on a eu aussi dimanche soir un discours qui était “à droite toute” et qui peut faire concurrence à celui d’Éric Zemmour.
Je suis persuadé que le candidat de LR, quel qu’il soit, aura intérêt à axer sa campagne sur, d’une part le centre droit, d’’autre part, la droite de son propre camp. Et à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi LR ferait des cadeaux à Éric Zemmour, et son espace se réduira.