Vu sur BVoltaire par Georges Michel
Vous voulez que je vous dise ? J’ai eu mal pour la France et, d’une certaine manière, pour Emmanuel Macron, qui, comme on dit aujourd’hui, nous représente « à l’international ». La séquence de la rencontre romaine Biden-Macron à la Villa Bonaparte, siège de l’ambassade de France près le Saint-Siège, restera sans doute un grand moment d’humiliation pour notre pays. Il paraît qu’il faut beaucoup d’humiliations pour faire un peu d’humilité, comme aimait à le répéter Bernadette Soubirous. Avouons que nous aurons été servis avec Emmanuel Macron, sans que, semble-t-il, son humilité personnelle n’ait fait des progrès considérables.
Après le torpillage de ce qui devait être pour notre industrie navale le contrat du siècle (une affaire dépassant les 50 milliards d’euros, excusez du peu), Emmanuel Macron avait sorti la grosse artillerie dont le point d’orgue avait été le rappel de notre ambassadeur à Washington. Des paroles puissantes, qui durent émouvoir la Maison Blanche, comme celles-ci : « Lorsque nous sommes sous l’effet de pressions de puissances qui parfois se durcissent, réagir, montrer que nous avons avec nous aussi la puissance et la capacité à nous défendre, ce n’est pas céder à l’escalade, c’est simplement nous faire respecter. » Un « nous » qui n’était pas de majesté mais européen, Emmanuel Macron semble être le seul Européen, visiblement, à croire à l’Europe ou à faire semblant d’y croire. Dans le même discours (c’était le 28 septembre, lors d’une rencontre à Paris avec le Premier ministre grec), le chef de l’État avait, comme à son habitude, fait du « en même temps » : « C’est avec le même pragmatisme et la même lucidité que nous devons en tant qu’Européens prendre notre part de nos propres protections. Ce n’est pas une alternative à l’alliance avec les États-Unis, pas une substitution, c’est assumer ce pilier européen dans le cadre de l’OTAN. » Donc, on ne change rien. Rassurant pour Washington.
Ce 29 octobre, c’était le temps des retrouvailles. Passons sur le retard du président américain : une heure trente à faire poireauter le jeune homme pressé de l’Élysée. Il est vrai que la vieille diva de la politique américaine avait un emploi du temps chargé : rencontres avec le pape, le président et le Premier ministre italiens. À votre gauche, Biden, sourire presque goguenard, patelin. À votre droite, Emmanuel Macron, sourire crispé. Il y a de quoi. On attendait des excuses de la part de notre « plus vieil allié » : à 50 milliards, on peut faire un effort, non ? Même pas. Séance – pardonnez la trivialité mais il n’y a pas d’autres mot – foutage de gueule. « Ce que nous avons fait était maladroit et n’a pas été fait avec beaucoup d’élégance ». Le moins qu’on puisse dire. Mais à ce niveau d’enjeux, l’élégance n’est pas vraiment le sujet. Et Joe Robinette de poursuivre : « J’avais l’impression que la France savait depuis longtemps que l’accord n’allait pas pouvoir être tenu et je pensais vraiment, honnêtement, que c’était le cas, que vous étiez au courant ». Prends-nous pour des imbéciles.
On attendait des excuses, on a été servis ! Une séance publique où le président français, la main gauche crispée sur le genou, doit avaler cet évident mensonge, dit avec toute la bienveillance que l’on peut attendre de ce progressiste dont l’élection, il y a un an, était attendue chez nous comme une promesse d’aube nouvelle, après la présidence de qui vous savez. La suite des propos de Biden relèvent du passage de pommade après la fessée : « Tant de choses faites ensemble »… Toutes ces sortes de choses, comme disent les Britanniques. Et Biden, paternel, quasi paternaliste, de tapoter sur la main gauche du gamin qui vient de prendre sa leçon en direct. Sous vos applaudissements. « Sans rancune et bonjour à vot’dame »… La honte.