L’OMC (Organisation mondiale du commerce) nous fait savoir, dans son dernier rapport, que l’idée de relocaliser nos industries n’est pas bonne du tout. Le contraire aurait évidemment été surprenant ; ou alors, autant demander à Sandrine Rousseau (écologiste au mari déconstruit) de défendre le patriarcat et à Marc Dorcel (historique éditeur de films coquins) de prendre la direction du Couvent des oiseaux.
Tout d’abord, resituons le contexte. Il y a la fameuse pandémie. Et en France, on se rend compte qu’on ne sait plus – ou qu’on ne veut plus – fabriquer des produits aussi anodins que ces masques ou aspirine, désormais usinés en Chine. Idem pour les composants informatiques permettant la bonne marche de nos téléphones et de nos ordinateurs, tous produits devenus aujourd’hui de première nécessité.
Une telle fragilité structurelle aurait pu donner à réfléchir aux instances supranationales. Cela ne semble pas avoir été le cas, à en croire ce même rapport : « L’expérience des pénuries dans des gammes de produits relativement peu nombreuses, mais essentielles, et de l’impossibilité de compter sur les marchés internationaux a ravivé l’urgence du débat sur la relocalisation des chaînes d’approvisionnement sur le territoire national ou dans les pays voisins », admet l’OMC dans son jargon. Mais voilà… « S’il est compréhensible que les gouvernements souhaitent éviter que cette situation ne se répète, rapprocher les chaînes de valeur de leur territoire n’est cependant pas chose facile ; il s’agit d’un processus parfois irréalisable et qui, dans de nombreux cas, entraînerait d’importants coûts d’opportunité. » Eh oui, mieux vaut saccager notre tissu industriel ou ce qu’il en reste. La France se portera beaucoup mieux si elle achète tout à l’étranger. Tant pis pour ses emplois et les familles qui en vivent. « Cette stratégie [de relocalisation de nos industries, NDLR] peut donner un faux sentiment de sécurité, explique doctement le directeur général adjoint de l’organisme, Alan Wolff. La concentration de la production dans un seul pays expose celui-ci à des chocs locaux spécifiques, comme les catastrophes naturelles ou les crises économiques ou politiques nationales. » Alors que, c’est certain, quand toute une région industrielle touche le chômage, le risque de choc est moindre.
Hormis cette vision strictement économique de l’homme, réduite à ses seules facultés de production et de consommation, voilà qui confirme, s’il en était besoin, que le « gendarme du commerce » n’a de l’humanité qu’une simple vision consumériste.
Soit une sorte de bréviaire idéologique à front à peu près aussi osseux que celui des marxistes-léninistes d’hier et des néo-libéraux d’aujourd’hui, ayant toujours eu ceci de commun : quand la réalité a raison contre l’idéologie, c’est la réalité qui a tort. Le paradis socialiste n’était pas encore accompli de manière terrestre ? Ce socialisme n’était pas encore assez pur. La libre concurrence, « déloyale et non faussée », pour reprendre le catéchisme libéral, n’avait pas encore montré ses bienfaits ? Pardi, c’est que nos sociétés vieillissantes résistaient encore à un surcroît de « doux commerce ».
Dans les deux cas, la même parousie, avec fin de l’histoire y afférente, débouchant sur une société mondialisée, sans classes sociales ni frontières. Une apprentie Miss France n’aurait pas mieux dit, avec suppression des guerres et faim dans le monde en prime ; quoique l’OMC ne tienne finalement pas un autre langage, le bikini en moins.
Cette instance mondialisée ne paraît pas se rendre compte qu’une Chine en pleine reconquête utilise les arguments mondialistes pour recouvrer son influence historique, et que les USA ne sont pas en reste non plus pour conserver la leur, de plus en plus déclinante. L’angle mort de ce rapport demeure la situation de l’Afrique noire.
On le constate au Mozambique, où des populations de plus en plus paupérisées par l’implantation de multinationales pétrolières en sont réduites à retrouver la dignité perdue dans l’islamisme de combat. Mais on le voit aussi au Mali ou au Cameroun, où l’économie paysanne et vivrière est désormais mise en péril : là où on élevait des poulets et où l’on fabriquait du jus de tomate, les consommateurs locaux trouvent ces produits au marché du coin, plus mauvais et en moins cher, mais surtout fabriqués ailleurs. D’où exode rural et populations contraintes de s’agglutiner dans ces bidonvilles encerclant d’inhumaines mégapoles.
Sur cette misère à ciel ouvert, le terrorisme islamiste n’a plus qu’à se pencher pour recruter par centaines de pauvres hères qui auraient sûrement mieux vécu auprès de leur arbre, tel que Georges Brassens le chantait jadis.
Le monde et son économie sont peut-être finalement choses trop sérieuses pour être livrés aux cartomanciennes de l’OMC.
Nicolas Gauthier