Recension : Josef KREINER (Hrsg.), Japan und die Mittelmächte im Ersten Weltkrieg und in den zwanziger Jahren, Bouvier Verlag/Herbert Grundmann, Bonn, 1986, 253 p.
Dans cet ouvrage collectif, on lira surtout avec profit les conclusions de Rolf-Harald Wippich sur l'histoire des relations germano-japonaises avant la première guerre mondiale. Les rapports entre l'Allemagne et le Japon sont alors essentiellement déterminés par le facteur russe. Japonais et Allemands voulaient ménager la Russie qui se rapprochait de la France. En 1898, Ito Hirobumi déclare : « Le Japon doit tenter de s'entendre avec Saint-Pétersbourg et de partager la grande sphère d'intérêts de l'Orient avec sa puissante voisine. L'Allemagne pourrait jouer un rôle important en tant que troisième partenaire ».
Le Japon n'octroyait à Berlin qu'un rôle subalterne. Et, en Allemagne, personne n'avait un projet cohérent de politique extrême-orientale. Le Japon n'était pas considéré comme un facteur en soi dans les calculs allemands, mais comme une variable de la politique chinoise. Les Japonais jouissaient d'une certaine bienveillance : la variable qu'ils constituaient agissait vaguement dans le sens des projets allemands, surtout quand ils avaient maille à partir avec la Russie, ce qui allégeait la pression slave aux frontières orientales du Reich.
Le désintérêt pour le Japon en Allemagne vient d'un préjugé : le Japon s'est borné à imiter servilement le système prussien en amorçant l'ère Meiji. De surcroît, les Allemands souhaitent que les Russes jettent tout leur dévolu en Extrême-Orient et s'emparent de la Mandchourie et de la Corée. L'Empereur Guillaume, tenaillé par son obsession du “péril jaune”, veut que la région soit sous domination “blanche”, russe en l'occurrence. De cette façon, les Russes ne seront pas disponibles pour un projet panslave de balkanisation de l'Europe centrale au détriment de l'Autriche et au bénéfice direct de la France. Le Japon, même s'il a agi dans un sens favorable à l'Allemagne en Chine et s'il a montré à la Russie que le véritable danger était à l'Est et non en Europe Centrale, reste un facteur qui peut troubler les relations germano-russes. Ce souci de conserver de bons rapports avec la Russie conduit les Allemands à négliger les approches du cabinet germanophile de Yamagata/Aoki (1898-1900) et à ne pas conclure un pacte tripartite dans le Pacifique avec l'Angleterre et le Japon. En 1902, Anglais et Japonais signent un traité d'alliance sans l'Allemagne, qui n'est plus que spectatrice dans le Pacifique Nord. Occupant la forteresse de Kiao Tchéou, avec un hinterland chinois, l'Allemagne pouvait jouer un rôle d'arbitrage dans le conflit russo-japonais, tant que celui-ci restait latent. Après les événements de 1905 et la défaite de la Russie, la Japon est maître du jeu en Extrême-Orient ; l'Empire des Tsars se tourne vers l'Europe et la stratégie du “para-tonnerre japonais” ne joue plus en faveur du Reich. Conclusion : l'Allemagne, maîtresse de la Micronésie, restait la dernière puissance européenne à éliminer dans la sphère d'influence directe du Japon. Ce sera le résultat de la Première Guerre mondiale dans la région.
Dans ce même volume, signalons également l'étude de Félix Moos (en langue anglaise) sur la Micronésie. Longtemps espagnol, l'immense archipel passe aux Allemands pour la somme de 4.500.000 dollars en 1899. Le Japon en prendra possession après Versailles. Pour le géopoliticien Haushofer, ce transfert dans les mains japonaises est normal et naturel, puisque le Japon est une puissance non étrangère à l'espace Pacifique.
Robert Steuckers, Orientations n°9, 1987.